Le report des effets du divorce, après la fin de toute collaboration

Publié le Modifié le 27/05/2010 Vu 57 641 fois 13
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L'article 262-1 al 3 du code civil dispose; "A la demande de l'un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Cette demande ne peut être formée qu'à l'occasion de l'action en divorce. La jouissance du logement conjugal par un seul des époux conserve un caractère gratuit jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation, sauf décision contraire du juge » Comment sera appréciée cette condition au regard de la récente Jurisprudence ? Ce report a t-il un intérêt pécuniaire ? Certes oui, si un époux séparé de fait avant la tentative de conciliation aura perçu des sommes importantes au titre de gains et salaires économisés. Nous verrons que la cessation de la cohabitation fait présumer la cessation de la collaboration et que lorsque les conditions du report seront remplies, le juge ne pourra refuser une telle demande, que par une décision motivée.

L'article 262-1 al 3 du code civil dispose; "A la demande de l'un des époux, le juge peut fixer les effets du

Le report des effets du divorce, après la fin de toute collaboration

Lorsque le juge prononce le divorce, à quel moment ce divorce prendra t-il effet dans les rapports entre époux, en ce qui concerne leurs biens ?

Depuis la loi N° 2004-439 du 26 mai 2004, l’article 262-1 du code civil prévoit diverses possibilités :

« Le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens :

- lorsqu'il est prononcé par consentement mutuel, à la date de l'homologation de la convention réglant l'ensemble des conséquences du divorce, à moins que celle-ci n'en dispose autrement ;

- lorsqu'il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de l'ordonnance de non-conciliation.(avant la Loi il fallait se placer à la date de l’assignation)

- A la demande de l'un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Cette demande ne peut être formée qu'à l'occasion de l'action en divorce. La jouissance du logement conjugal par un seul des époux conserve un caractère gratuit jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation, sauf décision contraire du juge »

Concrètement, cela signifie que dans les rapports entre les ex-époux, la communauté est réputée dissoute depuis le jour de l’une des dates ci-dessus, laquelle fixera la dissolution de la communauté .

Ce sera à ce moment que la consistance de la masse à partager sera appréciée, en fonction de la cause de dissolution  et que s’ouvrira l’indivision post-communautaire.

Cette consistance, ne devra pas être confondue avec l’évaluation des biens, faite au jour le plus proche possible du partage.

La faculté de demander un report des effets du diivorce  reste ouverte  en cas de divorce (Article 262-1 al.2 CC) mais également pour quasiment toutes les causes de dissolution du lien matrimonial.

Article 1442 al 2 du code civil « …Les époux peuvent, l'un ou l'autre, demander, s'il y a lieu, que, dans leurs rapports mutuels, l'effet de la dissolution soit reporté à la date où ils ont cessé de cohabiter et de collaborer »

Si les deux premières conditions, se comprennent sans difficultés, en revanche comment sera appréciée la troisième condition  au regard de la récente Jurisprudence ?

Ce report pourra avoir un intérêt pécuniaire, lorsque, un des époux séparé de fait avant la tentative de conciliation  aura  perçu des sommes importantes au titre de gains et salaires économisés.

Nous verrons que la cessation de la cohabitation fait présumer la cessation de la collaboration et que lorsque  les conditions du report seront remplies, le juge ne pourra  refuser la demande, que par une décision motivée.

I- La collaboration entre époux avant séparation.

Si la fin de la cohabitation, ne pose pas de difficultés dans l’établissement de la preuve, la notion de collaboration entre époux reste complexe, surtout lorsque les époux, ont continué à effectuer des mouvements de valeurs, durant l’instance en divorce, que ce soit avant ou après  l’ordonnance de non conciliation.

Ces actes, ne seront pas en eux-mêmes suffisants  pour représenter une collaboration, lorsqu'ils pourront être assimilés à des obligations découlant des devoirs du mariage.

A) Une notion aux contours pas toujours définis appréciée au cas d’espèce.

La fin de la collaboration, sera soumise au pouvoir d’appréciation des juges du fond ; lesquels analyseront les faits et pièces.

Elle s’entend par essence de la fin de toute relation d'ordre patrimonial, mais sans y inclure la fin de l’obligation alimentaire entre les époux ou des devoirs liés aux charges du mariage.

Cette preuve reste complexe.

A partir du moment où les conditions du report des effets du divorce sont remplis, le juge ne peut refuser de faire remonter ses effets que par une décision motivée.

1°- Une notion exclusive de tous griefs entre époux

La cour a pu rappeler dans arrêt récent, que la notion de collaboration ne peut s’apprécier au regard des griefs.

1ère Civ 12 mai 2010, pourvoi n°08-70.27

La cessation de la cohabitation et de la collaboration ne s'apprécie pas au regard de critères relatifs à la faute, la cour d'appel, qui a confondu l'absence de faute résultant de l'abandon du domicile conjugal et la séparation effective des époux, a violé le texte.

2°- Le report  des effets du divorce concevable dans le cadre du divorce

1ère Civ  14 mars 2006, pourvoi n° 04-20.765.

° La demande de report des effets du jugement de divorce à la date où les époux ont cessé de cohabiter et de collaborer, accessoire à la demande en divorce, peut être présentée pour la première fois en appel tant que la décision de divorce n'a pas acquis force de chose jugée.

Cette jurisprudence a pour conséquence, dès lors que  le divorce est devenu définitif , d’empêcher  lors des opérations de liquidation du régime matrimonial que le Juge chargé de la  liquidation prononce une rétroactivité des effets du divorce, qui n’avait pas  été demandée dans le cadre de la procédure de divorce

3°-Le report a un effet immédiat

En cas de report, le divorce prend effet dans les rapports entre époux en ce qui concerne leurs biens à la première heure du jour fixé pour la date où ils ont cessé de cohabiter et de collaborer.

1ère Civ,14 novembre 2006, pourvoi n° 05-21.629,

B) Les obligations découlant des devoirs entre époux, effectuées durant la procédure de divorce ne sont pas suffisantes à établir une collaboration.

La  collaboration ne découle pas d’actes susceptibles d’être interprétés comme une obligation entre époux.

La cour  a tendance à exiger, pour le report des effets pécuniaires du divorce, la preuve d’éléments justifiant la réalité de la collaboration des époux après la cessation de leur cohabitation.

Il ainsi pu statuer au visa de l’article 262-1 du code civil et considérer que peuvent être considérés certains actes,comme  des motifs impropres à caractériser la réalité d’une collaboration  à une date postérieure à la séparation.

1°)  Le fait de réaliser en commun une déclaration de revenu n’est pas constitutif d’une collaboration

1ère Civ 28 février 2006, pourvoi n° 04-13.603

Vu l'article 262 -1 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi 2004-439 du 26 mai 2004 ;

Attendu que pour fixer au 1er janvier 2001 la date du report des effets du divorce entre les époux et non au 15 mars 2000, date non contestée de la cessation de leur cohabitation, la cour d'appel se borne à énoncer qu'il résulte des pièces produites que les époux ont fait des déclarations de revenus séparés à partir de 2001 ;

Qu'en statuant ainsi, sans relever aucun autre élément justifiant la réalité de la collaboration des époux après la cessation de leur cohabitation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

2°- Le fait de maintenir le fonctionnement d’un compte bancaire joint n’est pas caractéristique de la collaboration même si l’un des conjoints verse périodiquement une somme d’argent qui pourrait être analysée comme une contribution aux charges du mariage (qui perdure, y compris pendant une période de séparation de fait)

1ère Civ, 14 mars 2006, pourvoi n° 05-14.476

Attendu que, pour rejeter la demande de M. X... tendant à voir reporter le point de départ des effets pécuniaires du divorce …. A la cessation de toute collaboration entre les époux, l'arrêt énonce qu'ils ont poursuivi leur collaboration ainsi que cela ressort de la donation au dernier vivant qu'ils s'étaient mutuellement consentis, du maintien en fonctionnement d'un compte bancaire joint et du versement par M.  .... à son épouse d'une somme mensuelle ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la réalité de la collaboration des époux après la cessation de la cohabitation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision

3°- Une donation au dernier vivant n’est pas caractéristique de la collaboration

Espèce précitée

4°) Le fait de payer des dettes communes ou de se porter caution ne constitue pas en soit un fait de collaboration entre les époux (s’agissant d’une obligation entre époux, même séparés)

1ère Civ, 14 novembre 2006, pourvoi n° 05-21.013

Vu l'article 262-1, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi N° 2004-439 du 26 mai 2004 ;

Attendu que, pour débouter M. X... de sa demande de report des effets du divorce en ce qui concerne les biens à la date de la cessation de la cohabitation des époux en février 1990, l'arrêt attaqué, qui a prononcé le divorce des époux Y... aux torts partagés, retient qu'en janvier 1991, alors que les époux étaient déjà séparés de fait, le mari s'était porté caution solidaire de son épouse pour le paiement des loyers et charges dues par celle-ci en sa qualité de locataire ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans relever aucun autre élément justifiant de la réalité de la collaboration des époux après la cessation de leur cohabitation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Dans l’espèce, précitée du 14 novembre 2006, c’est la date de révocation du poste de directrice générale d’une épouse qui a été retenue.

II. Une présomption simple :La cessation de la cohabitation fait présumer  la fin de toute collaboration entre époux.

Les juges considèrent, qu’à partir du moment où il y a une séparation de fait (résidence séparée entre époux), il y a cessation de la collaboration : la cessation de la cohabitation faisant présumer la cessation de la collaboration

A) Une présomption simple

Désormais, il appartient à l’époux qui s’oppose au report des effets du divorce formulé, par son conjoint de prouver la réalité d’une cohabitation ou d’une collaboration postérieure.

La cour de cassation a ainsi éludé le problème de preuve compliqué lié à la cessation de toute collaboration entre époux en instaurant une présomption simple.

1ère Civ  17 décembre 2008, pourvoi n° 07-21-837

Cette présomption, qui ne suppose pas nécessairement la séparation des comptes joints, peut être combattue par preuve contraire, si bien qu’un époux qui prétendra avoir maintenu un lien de collaboration, malgré la séparation devra l’établir par tous moyens.

B) Le renversement de la présomption simple : la  charge de la preuve incombe à l’époux qui s’opposera au report des effets du divorce

Il appartient à celui qui s’oppose au report de prouver que des actes de collaboration ont eu lieu postérieurement à la séparation des époux.

Dès lors, inverse la charge de la preuve une cour d’appel qui, pour rejeter la demande de l’époux tendant au report des effets du divorce, retient que, si les époux n’ont pas repris leur cohabitation, la cessation de leur collaboration n’est pas démontrée alors que l’épouse qui demeurait au domicile conjugal avait encore les enfants à sa charge.

C’est ce qu’a rappelé la cour de cassation aux visas des articles 262-1 et 1315 du code civil, (l’article 1315 posant comme principe que la preuve incombe au demandeur).

1ère Civ, 31 mars 2010, pourvoi n° X 08-20.729

Attendu que pour rejeter la demande de M. Z... tendant au report des effets du divorce au 1er septembre 2001, l'arrêt retient que si les époux n'ont pas repris leur cohabitation, la cessation de leur collaboration n'est pas démontrée alors que l'épouse qui demeurait au domicile conjugal avait encore les enfants à sa charge ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombe à celui qui s'oppose au report de prouver que des actes de collaboration ont eu lieu postérieurement à la séparation des époux, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve ;

Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.

Maître HADDAD Sabine

Avocate au barreau de Paris

 

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1 Publié par Visiteur
26/10/2017 18:11

Bonjour Maître ,
Mon jugement de divorce date de 2014 , date inscrite sur acte de mariage et de naissance .
Mais le jugement de divorce précise que les effets du divorce entre les époux , en ce qui concerne leurs biens sont reportés à 2007 .
Soit une durée de mariage diminuée de 7 ans
or j'ai l'intention de me remarier et j'ai interrogé ma caisse de retraite pour savoir si ils tiendraient bien compte de la date de report pour calculer les durées de mariage de mon premier mariage et deuxième à venir dans
le cadre du calcul de la pension de réversion .
Leur réponse est catégorique : ils tiennent compte uniquement de la date inscrite sur les états civils .
ET comme les mairies refusent d'inscrire la date du report , la décision du juge sur le report ne peut pas être appliquée .
Que puis - je faire :
- soit auprès de la caisse de retraite
- soit auprès du tribunal administratif
merci de votre réponse

2 Publié par Searay47
03/02/2020 07:35

Bonjour, j'ai acquis un bien en nom propre avant le mariage. Ma femme a vécu pendant de longues années avec moi dans cette maison. Puis, un jour, elle a quittée le domicile conjugal, a fait une main courante, et moi également. Nous sommes passé 6 mois après en non conciliation par consentement mutuel. Ensuite,5 mois après la non conciliation, je vend mon bien propre. Or, la notaire a voulu faire intervenir mon ex femme pour donner son accord, prétextant que c'était le domicile conjugal. Bien entendu, mon ex a voulu faire bloquer chez le notaire la totalité des fonds de ma vente. Après négociation, et afin de ne pas perdre les acquéreurs, j'ai accepté un blocage à 50% de la somme. Sauf que, je trouve cela complètement anormal et je voudrais aujourd'hui faire une action contre le notaire.
En effet, c'est mon épouse qui m'a quittée, qui l'a fait acté par une main courante, on a une non conciliation qui acte les résidences séparés, moi restant dans ma maison, de quel droit peut-on considérer que ma maison est encore le domicile conjugal du foyer ? La notaire a voulu se protéger certes, mais c'est moi qui en pâtit. Pouvez-vous m'éclairer svp ?

3 Publié par tomette78
21/02/2021 17:58

Bonjour maitre et bravo pour votre article très clair.

Pour autant, un juge des liquidations m'a récemment débouté de demandes de créances envers l'indivision communautaires au motif que les charges du mariage perdurent jusqu'à l'ONC alors même que le JAF (et d'ailleurs la parties adverse) avait fixé la date de report des effets du divorce, avant l'ONC forcément.

Ceci semble tellement contraire au 262-1 al 4 que je ne comprends pas comment montrer par jurisprudences ou autres que les charges de mariages à cette date de report.

Je ne vois rien dans votre article qui parle de la date de cessation de la contribution aux charges de mariage...

SI vous avez des éléments ce pourrait être salvateur, vraiment...je suis en appel et ai très peur ce cette interprétation du juge de première instance.

Merci

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