Un titre de séjour vie privée et familiale,une carte de résident... sont susceptibles d’être retirés aux étrangers qui ne se conforment pas au respect de l’Ordre public Français ou aux principes d’octroi et de maintien de leur catégorie de titre portées dans le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers ou CESEDA.
De la même façon, cela s'applique aux nationalités en respect des accords bilatéraux conclus entre la France et leur pays, ( Algériens, Tunisiens, Marocains, ressortissants de certains États d'Afrique.)
Dès le retrait, l'étranger devenu en situation irrégulière doit réagir immédiatement pour opposer des arguments de droit et de fait susceptibles de permettre son maintien en France.
Je n’aborderai pas dans cet article, le refus de délivrance ou de renouvellement du titre , suite à une demande faite en préfecture, (parfois pris après l’obtention d’un avis de la commission de séjour). Je me cantonnerai au retrait pur et simple d’un titre déjà obtenu , intervenu suite à un fait nouveau.
Après avoir exposé, les situations de retrait, j’envisagerai les conséquences et les recours pour aboutir au maintien sur le territoire.
I- Les cas classiques de retrait et leurs limites
Lorsqu’une étranger, muni d’un titre de séjour cesse de remplir les conditions nécessaires à son obtention, il encourt le risque d’un retrait.
A) Principes de retrait
Diverses situations sont susceptibles de conduire à ce retrait et concernent l'étranger...
- ...ou ses conjoints polygames en France,
- qui fait l’objet d’une mesure d’interdiction du territoire ( APRF,OQTF) ou d’expulsion,
- dont la carte serait périmée suite à une absence du territoire de l'Union Européenne de plus de 3 ans consécutifs, ou en dehors de la France pendant plus de 6 ans consécutifs, de même en cas d’acquisition d’un même statut dans un autre Etat membre.
- qui aura commis des violences graves sur un enfant de moins de 15 ans ayant entraîné une condamnation pénale pout mutilations ou nfirmité permanente, l'étranger complice de ces mêmes faits.( article L 314-5 du CESEDA)
De même une condamnation pour menaces ou actes d'intimidation contre des personnes exerçant une fonction publique, pour rébellion,pour faits de proxénétisme, de vol dans les transports ; d’exploitation de la mendicité, de cession ou offre illicite de stupéfiants, seront tant d'exemples qui feront encourir des risques pour le trouble à l’ordre public occasionné.
- marié à un conjoint ressortissant Français qui verrait son union dissoute ou sa communauté de vie effective dissoute ( divorce ou séparation) dans les 4 ans, dans certaines situations.
article L 314-5-1 du CESEDA
Le retrait, motivé par la rupture de la vie commune, de la carte de résident délivrée sur le fondement du 3° de l'article L. 314-9 ne peut intervenir que dans la limite de quatre années à compter de la célébration du mariage, sauf si un ou des enfants sont nés de cette union et à la condition que l'étranger titulaire de la carte de résident établisse contribuer effectivement, depuis la naissance, à l'entretien et à l'éducation du ou des enfants dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue par le décès de l'un des conjoints ou en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut pas procéder au retrait.
Le délai apprécié sera de 3 ans en cas de titre obtenu en vertu du regroupement familial.( art 431-2 du CESEDA)
- étudiant qui dépasserait le quota d’heures de travail autorisées au-delà de la limite de 60% de la durée de travail annuelle.
- dont la fraude avérée à l’obtention du titre serait démontrée ( exemple mariage blanc annulé, production de faux documents…)
- La bonne nouvelle pour la fin….à l’étranger qui obtiendra la nationalité Française.
B) Les Exceptions
1°- Les victimes de violences
La dissolution d’une union dans les 4 ans, suite au décès du conjoint ou liée à des graves violences dans le couple seront des situations susceptibles d'êrre évoquées afin d’éviter le retrait…( même situation, appréciée dans les 3 ans en cas de regroupement familial),
--Article 313-12 du CESEDA modifié par la LOI n°2010-769 du 9 juillet 2010 - art. 11 Pour les conjoints de Français
"...lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".».
Article 431-2 du CESEDA : pour les conjoints d’étrangers entrés par voie de regroupement familial: ( modifié aussi par l'art 11 de la loi précitée)
« lorsque la communauté de vie a été rompue en raison des violences conjugales qu’il a subies de la part de son conjoint », l’autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour et peut accorder le renouvellement de ce titre.
En cas de violences commises avant la première délivrance de la carte, « le conjoint étranger se voit délivrer une carte de séjour temporaire
Dans les deux cas, selon les dispositions de 2007, en cas de violences commises avant la première délivrance de la carte, « le conjoint étranger se voit délivrer une carte de séjour temporair
2°- La perte involontaire d'emploi liée à une carte de séjour portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire"
Ce seul motif ne permettra pas de retirer le titre.
3°- La naissance d'un enfant issu d'une union maritale ou né suite à un regroupement familial ( article L 431-2 al 2 du CESEDA)
-en cas de mariage: article L 314-5-1°)
...sauf si un ou des enfants sont nés de cette union et à la condition que l'étranger titulaire de la carte de résident établisse contribuer effectivement, depuis la naissance, à l'entretien et à l'éducation du ou des enfants dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil.
-en cas de regroupement familial: article L 431-2 al 3 du CESEDA
"... Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas si un ou plusieurs enfants sont nés de cette union, lorsque l'étranger est titulaire de la carte de résident et qu'il établit contribuer effectivement, depuis la naissance, à l'entretien et à l'éducation du ou des enfants dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil."
4°- La justification d’une présence ancienne en France avec des liens familiaux stables.
Il faudra soutenir son intégration sur le territoire.
l'article L 313-11 7° du CESEDA dispose:
Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit...A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ."
La transformation d'une carte de résident en titre de séjour n'est aussi pas à exclure.
C) Autres particularités à prendre en compte : L'application de conventions bilatérales et en cas de silence sur le retrait, l'application du CESEDA
Tel est le cas des conventions bilatérales Franco-Tunisienne et Franco-Algérienne.
- L'accord Franco-Tunisien du 17 mars 1988 modifié , Conseil d'État,2ème et 7ème sous-sections réunies, 2 avril 2010, pourvoi N°: 319912
La possibilité, prévue par l'article L. 314-5-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) introduit par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006, de retrait de la carte de résident accordée aux étrangers conjoints de français ayant rompu la vie commune dans l'année suivant la délivrance de cette carte n'est pas applicable aux cartes de résident délivrées sur le fondement de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié. En effet, l'article L. 314-5-1 renvoie explicitement aux seules cartes de résident délivrées sur le fondement de l'article L. 314-9 dont le régime ne peut être assimilé à celui des cartes de résident délivrées de plein droit aux conjoints tunisiens de ressortissants français mariés depuis au moins un an sur le fondement du a) de l'article 10 de l'accord franco-tunisien.
.La Cour Administrative d'appel de Paris, 9 avril 2008, n° 07PA04608, Sghaier
avait déjà jugé que tout ce qui n'est pas traité directement par une convention bilatérale relève des dispositions générales du Code des étrangers, relevant que:
l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié,ne porte aucune disposition liée au cas de retrait de la carte de résident et que dans ces conditions; ce sera l'article L. 314-5 du Ceseda qui devra s'appliquer, alors que la carte de résident aurait été délivrée « non pas sur le fondement de l'article L. 314-9 du Ceseda mais sur celui de l'article 10 accord de l'accord franco-tunisien ».
article L.314-5 du CESEDA:
Par dérogation aux dispositions des articles L. 314-8 à L. 314-12 la carte de résident ne peut être délivrée à un ressortissant étranger qui vit en état de polygamie ni aux conjoints d'un tel ressortissant ni à un ressortissant étranger condamné pour avoir commis sur un mineur de quinze ans l'infraction définie à l'article 222-9 du code pénal ou s'être rendu complice de celle-ci. Une carte de résident délivrée en méconnaissance de ces dispositions doit être retirée.
-L’accord franco-algérien du 27 décembre 1968: ne comporte aucune disposition spécifique en cas de rupture de la vie commune suite à des violences.
Néanmoins, il peut être demandé une application par analogie du dispositif prévu par le CESEDA à ces situations.
Cette analyse est appuyée par la circulaire n° NOR/INT/D/05/00097/C du 31 octobre 2005 du Ministère de l’Intérieur qui préconise aux préfets d’apprécier la situation des algériennes conjointes de français séparées de leur conjoint en raison des violences subies selon les mêmes modalités que celles prévues dans le CESEDA :
« J’appelle votre attention sur le fait que les ressortissants algériens, dont le droit au séjour est régi par l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, ne peuvent se prévaloir des dispositions précitées du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Toutefois, lorsque vous serez en possession d’éléments attestant que la communauté de vie entre les époux a effectivement cessé à la suite de violences conjugales établies, vous veillerez à faire usage de votre pouvoir d’appréciation selon les mêmes modalités ».
II- Les conséquences du retrait
A) Le risque de la condamnation et de la sanction administrative.
1°- pénale : un an d’emprisonnement et 3750 euros d’amende
L’article L 621-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile: CESEDA consacre le délit de séjour irrégulier. « L'étranger qui a pénétré ou séjourné en France .... ou qui s'est maintenu en France au-delà de la durée autorisée par son visa sera puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 Euros. La juridiction pourra, en outre, interdire à l'étranger condamné, pendant une durée qui ne peut excéder trois ans, de pénétrer ou de séjourner en France. L'interdiction du territoire emporte de plein droit reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant à l'expiration de la peine d'emprisonnement. »
A partir du moment où une personne « démunie de titre » se maintient sur le territoire, elle prend le risque d’être déférée devant un tribunal correctionnel, aux fins de voir prononcer à son encontre une condamnation à 1 an de prison et de 3750 euros d’amende.
Elle s’expose en outre à une peine complémentaire d’interdiction du territoire Français de 3 ans , ce qui serait plus ennuyeux.
2°) La sanction administrative : La reconduite à la frontière
a) l’OQTF
Depuis le 30 décembre 2006, lorsque la préfecture est munie d’une demande de titre, ou de renouvellement de titre dont elle ne fera pas droit, ou en cas de retrait de titre, elle pourra prendre un acte écrit et motivé intitulé OQTF ou obligation de quitter le territoire français en vertu des articles L 511-11-I et L 512-1 du CESEDA.
Par la prise d’un acte unique, l’administration regroupe 3 décisions en une : le refus de maintien du séjour ( retrait du titre) , la mesure d’éloignement et la décision fixant le pays de destination.
b) Le placement en rétention administrative pour organiser le départ de l’étranger ou son assignation à résidence.
3°- La remise d’un étranger à l’état membre de l'Union Européenne, dont il appartiendrait en cas d’accord de réadmission entre cet état et la France.
B) La mise en œuvre des recours, liés au retrait de titre.
A ce stade, la présence de l’avocat, bien que non obligatoire me semble indispensable pour faire valoir ses arguments de fait et de droit.
Le recours gracieux opéré, ne sera pas d’une grande utilité ici, et je renverrai le lecteur au détail des recours traités dans un précédent article « l'OQTF ou l'accélération de l'éloignement. » http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/oqtf-acceleration-eloignement-1227.htm
L’article L 512-1 du CESEDA, modifié par Loi n°2007-210 du 19 février 2007 prévoit :
« L'étranger qui fait l'objet d'un refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour ou d'un retrait de titre de séjour, de récépissé de demande de carte de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination peut, dans le délai d'un mois suivant la notification, demander l'annulation de ces décisions au tribunal administratif....Son recours suspend l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français sans pour autant faire obstacle au placement en rétention administrative ..... »
Je reste à votre entière disposition pour toutes demandes complémentaires et conseils, mais aussi mise en place d'un dossier de recours.
Maître HADDAD sabine
Avocate au barreau de Paris