Révocation des donations : une affaire étrangère à la volonté du donateur…

Publié le Modifié le 16/06/2015 Vu 15 164 fois 6
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Le principe en matière de donation est l’irrévocabilité. Cela signifie que le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de son bien, de son vivant. Autrement dit, impossible pour lui de revenir en arrière, une fois que l’acte notarié est signé avec acceptation du donataire.Donner c'est donner en la matière. Cependant la loi envisage trois cas de révocation, totalement indépendants de la volonté du donateur: la révocation pour inexécution des charges, pour ingratitude sur la personne du donateur et en cas de survenance d'enfants du donateur...

Le principe en matière de donation est l’irrévocabilité. Cela signifie que le donateur se dépouille act

Révocation des donations : une affaire étrangère à la volonté du donateur…

Le principe en matière de donation est l’irrévocabilité. Cela signifie que le donateur  ( celui qui donne) se dépouille actuellement et irrévocablement de son bien, de son vivant au profit d'un donataire ( celui aui reçoit et accepte la donation).

Autrement dit, impossible pour lui de revenir en arrière, une fois que l’acte notarié est signé avec acceptation du donataire.

Donner c'est donner, en cette matière...

La loi a prévu :

-- DEUX  tempéraments entre époux :

- la révocation de plein droit sauf volonté contraire de l'époux qui a consentis toutes donations de biens à venir et avantages matrimoniaux ne prenant effet qu'à la dissolution du mariage ou au décès de l'un des époux, et des dispositions à cause de mort :

- la libre révocation des donations de biens présents qui prennent effet après le mariage (par exemple : la clause de réversibilité de l'usufruit) ainsi que celles soumises à la loi ancienne antérieures au 1 er janvier 2005.

-- TROIS cas de révocation, totalement indépendants de la volonté du donateur: pour inexécution des charges, ingratitude sur la personne du donateur et en cas de survenance d'enfants...

Ces révocations n’ont pas lieu de plein droit et doivent être demandées en justice.

Aucun automatisme donc en cette matière, mais une appréciation au cas par cas.

Article 953 du code civil

La donation entre vifs ne pourra être révoquée que pour cause d'inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite, pour cause d'ingratitude, et pour cause de survenance d'enfants.

NB pas d’ingratitude en matière de donations entre époux

Article 960  du code civil

Toutes donations entre vifs faites par personnes qui n'avaient point d'enfants ou de descendants actuellement vivants dans le temps de la donation, de quelque valeur que ces donations puissent être, et à quelque titre qu'elles aient été faites, et encore qu'elles fussent mutuelles ou rémunératoires, même celles qui auraient été faites en faveur de mariage par autres que par les conjoints l'un à l'autre, peuvent être révoquées, si l'acte de donation le prévoit, par la survenance d'un enfant issu du donateur, même après son décès, ou adopté par lui dans les formes et conditions prévues au chapitre Ier du titre VIII du livre Ier.

I- La révocation pour inexécution des charges

article 954  du code civil

Dans le cas de la révocation pour cause d'inexécution des conditions, les biens rentreront dans les mains du donateur, libres de toutes charges et hypothèques du chef du donataire ; et le donateur aura, contre les tiers détenteurs des immeubles donnés, tous les droits qu'il aurait contre le donataire lui-même.

A) Les charges doivent être licites et morales

1°- nature des charges

Toute donation peut être soumise à des contraintes, des charges qui sont  imposées au donataire, lesquelles devront être naturellement licites et morales.

ex assister le donateur : l’héberger, subvenir à ses besoins, lui verser une rente  viagère, le nourrir, entretenir ou réparer un bien, ne pas le vendre, …

2°- Quid des charges lourdes ?

Saisi sur demande du donataire le tribunal de grande instance peut ordonner la modification de la charge afin que le bénéficiaire puisse s'en acquitter, ou lui octroyer un délai.

B) La conséquence de l’inexécution : l’action judiciaire en révocation de la donation du donateur ou de ses héritiers.

Cette action sera  à exclure si une clause spécifique prévoit une révocation de plein droit de la donation en cas d'inexecution des charges, ou si le donateur renonce par avance à toute demande de révocation pour inexecution des charges.

Cela revient à obtenir la restitution du bien, prononcée par le tribunal de grande instance, saisi avec la présence obligatoire d’un avocat. (article  954 du Code civil )

Si la la donation contient une rente viagère, le donataire n’a pas à rendre les arrérages.

Le tribunal dans son pouvoir souverain appréciera la situation.

Il pourra choisir de prononcer une révocation totale, partielle.

C) La transmission des charges au profit des héritiers du donataire décédé prématurément,

A défaut, le donateur pourra agir contre la succession du donataire et ses héritiers.

II La révocation pour cause d’ingratitude du donataire  envers le donateur

Ce cas de révocation ne vise pas les donations faites en faveur du mariage ( article  958 du code civil)

A) La gravité des crimes ou délits commis postérieurement à la donation

--L’article 955 du Code civil dispose :

La donation entre vifs ne pourra être révoquée pour cause d'ingratitude que dans les cas suivants :

1° Si le donataire a attenté à la vie du donateur ;

2° S'il s'est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves ;

3° S'il lui refuse des aliments.

Mais encore faut-il que leur montant ne dépasse pas celui de la donation.

--1ère Civ, 9 janvier 2008, pourvoi N°06-20.108

Mais attendu qu'il résulte de l'article 955 du code civil que la révocation d'un acte de donation pour ingratitude ne peut être prononcée que pour des faits commis par le donataire postérieurement à sa réalisation ;

B) Le délai de l’action judiciaire

Article 957  du code civil

La demande en révocation pour cause d'ingratitude devra être formée dans l'année, à compter du jour du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour que le délit aura pu être connu par le donateur.

Cette révocation ne pourra être demandée par le donateur contre les héritiers du donataire, ni par les héritiers du donateur contre le donataire, à moins que, dans ce dernier cas, l'action n'ait été intentée par le donateur, ou qu'il ne soit décédé dans l'année du délit.

1re Civ,20 mai 2009, pourvoi N° 08-14.761.

Viole ce texte, par fausse application, la cour d'appel qui refuse de considérer comme tardive une action en révocation pour ingratitude  intentée plus d'un an après le délit imputé au donataire, aux motifs que le point de départ du délai d'un an est nécessairement repoussé,s'agissant d'un fait d'ingratitude qui s'est prolongé dans le temps, dès lors qu'il est reproché au donataire d'avoir engagé puis maintenu une action en justice en expulsion de la donatrice et de son époux et que ces faits n'ont pas cessé, alors que l'action aux fins d'expulsion intentée par la donataire avait un caractère instantané.

article 958 du code civil

La révocation pour cause d'ingratitude ne préjudiciera ni aux aliénations faites par le donataire, ni aux hypothèques et autres charges réelles qu'il aura pu imposer sur l'objet de la donation, pourvu que le tout soit antérieur à la publication, au bureau des hypothèques de la situation des biens, de la demande en révocation.

Dans le cas de révocation, le donataire sera condamné à restituer la valeur des objets aliénés, eu égard au temps de la demande, et les fruits, à compter du jour de cette demande.

Si le bien a été cédé à une tierce personne, cette dernière  ne sera  pas tenue de le restituer, mais le donateur sera en droit de se faire indemniser par son donataire jugé « ingrat »

III- La révocation de la donation pour  cause de survenance d’enfants

Cette cause de révocation, protectrice des intérêts du donateur, ne jouera pas entre époux.

La loi du 23 juin 2006  réformatrice des successions et libéralités a  supprimé le caractère automatique de la révocation de la donation en cas de survenance d'enfant.

-- S’agissant des donations consenties antérieurement au 1er janvier 2007

la révocation joue de plein droit, sans nécessité d'action en justice, ce qui fait qu’une nouvelle donation doit être passée chez le notaire si le donateur veut maintenir sa donation antérieure.

-- S’agissant des donations consenties après le 1er janvier 2007

La révocation n’est plus automatique.

Il convient d'abord qu’elle soit stipulée dans l’acte authentique de donation, puis qu'une action judiciaire soit intentée par le donateur à cette fin, ce qui suppose que le donateur peut donc y renoncer.

Le donateur dispose d’un délai de 5 ans à compter du jour de la naissance de l’enfant pour introduire l’action, ou de l'adoption plénière de son dernier enfant ( article 966 du code civil),laquelle entraînera pour le donataire l'obligation de restituer au donateur le bien donné et les fruits perçus jusqu’au jour de la naissance de l’enfant.

Ainsi, à travers ces trois cas de révocation, indépendants de la volonté  du donateur, le principe de l’irrévocabilité des donations reste bien présent…

Une clause de retour du bien dans le patrimoine du donateur  pourrait aussi être envisagée en cas de décès du donataire avant le donateur, laquelle  s'analyse en  une  condition résolutoire.

Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.

Maître HADDAD Sabine

Avocate au barreau de Paris

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1 Publié par Visiteur
12/08/2011 15:57

Excellent article, très bien détaille, félicitations !

2 Publié par Me Haddad Sabine
22/08/2011 00:16

Cher Divorce par consentement mutuel

Ce compliment me va droit au coeur. Je vous remercie vivement de ce gentil commentaire.
Bien cordialement à vous.

Me HADDAD Sabine

3 Publié par Visiteur
21/01/2012 17:33

divorce partage de la communauté.comment retrouvé les assurances vies détournées par l'un des conjoints,comment faire pour interroger le cirn et agira ,existe t il d'autres organismes
cordialement

4 Publié par Visiteur
17/02/2012 17:27

BONJOUR
très bonne explication, par contre, en cas de révocation de plein droit en 1987 pour survenance d'enfant, une partie du bien a été vendu par le donataire, comment revendiquer et récupérer la propriété qui a été vendu,
merci de votre réponse car cela fait 15 ans que je me bat pour la récupérer, car ils me disent qu'ils sont propriétaire
merci

5 Publié par Visiteur
25/02/2015 18:59

Bonsoir,
mon père me fait une donation entre vif, sur des biens qu'il a à Madagascar (loi malgache...). Dernièrement nous nous sommes fâchés, car j'ai appris qu'il a adopté la fille ainée de sa maitresse avec qui il a eu une fille. Je pense qu'il souhaite me déshériter comme il a déjà fait avec mes soeurs ainées. Je souhaite de moi même renoncer à cette donation, pour éviter tout problème avec mon père. Que dois je faire. Merci pour votre réponse. Cordialement

6 Publié par Visiteur
16/06/2015 16:06

Bonjour,
J'ai fait une donation (il y a un an) à ma fille unique (qui a un enfant) d'une partie de ma maison, que nous occupons encore actuellement. J'ai payé les frais de cette donation. Pour résumer, après avoir supporté maintes insultes (sur tél. et mail) et suite à mon refus de "continuer de supporter ses caprices", la main qu'elle avait déjà levée … s'est finalement abattue sur ma joue, sans douceur et en présence de mon petit fils. La plainte que j'ai déposée à la gendarmerie stipule "violence SANS incapacité"… autrement dit, malgré ma volonté de faire annuler cette donation, c'est loin d'être gagné.
Dans l'article, je trouve la mention "… si le donataire se rend coupable de sévices, délits ou injures graves …" très vague …
Des insultes totalement injustes, avec manque total de reconnaissance pour le présent et même le passé, des menaces : "… je vais la tuer celle-là !!…" gifler sa mère - sans raison valable - sans compter la manipulation du petit-fils contre sa grand-mère … Cela n'entre pas de DROIT dans la rubrique "des injures graves ??". Comment est-il possible de se "reconstruire" après de tels événements, à 70 ans. La douleur, en l'absence "d'incapacité", est mille voix plus vive et destructrice qu'un "bleu sur la joue …". Sans compter le fait qu'un tel acte a de grands chances de se reproduire, le coupable étant incapable de gérer ses émotions et ses problèmes de façon "normale". Je n'ai vraiment pas l'envie "d'attendre la prochaine gifle, la prochaine insulte" et c'est pourquoi je ne vois qu'une issue, l'annulation de la donation.
Je suis bien consciente que ce message est une "bouteille à la mer", mais qui sait, quelqu'un pourrait peut-être avoir été confronté à un cas semblable, quelqu'un qui pourrait me dire "… rien n'est perdu d'avance, continuez votre démarche après d'un tribunal (peu importe l'impact financier) cela en vaut la peine, la justice n'est pas complètement insensible aux conséquences (qui peuvent faire des dégâts) que peut avoir un préjudice moral de cette sorte ?

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