La suspension des poursuites, va interdire au bailleur de poursuivre le locataire devant le tribunal, les arriérés de loyers dus antérieurement à l'ouverture de la procédure sont interdits...
I-La suspension des poursuites des créanciers antérieurs au jugement d’ouverture
A) L’impossibilité d’entamer ou de poursuivre une action en paiement des loyers ou en résiliation de bail
1°- L'interdiction de poursuites.
L’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire met fin à toutes actions nées ou à naître de tous les créanciers, dont le bailleur, en cette qualité.
"I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II.-Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
III.-Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus."
Ainsi, le bailleur sera interdit d’entamer ou de continuer toute action en recouvrement du loyer ou charges ou en résiliation du bail pour défaut de paiement.
L’ interdiction de poursuite bénéficie aussi aux « garants » et cautions personnes physiques garantes quelle que soit la nature de leur engagement .
2°- La compensation des dettes « connexes »
Il s’agit des dettes issues du même lien contractuel, lesquelles pourront cependant être compensées cass Com, 19 mars 1991 (Bizeul),pourvoi N° 89-17.083
Par exemple entre les loyers et le dépôt de garantie,
3°- L'action des créanciers visés dans l’article L 622-17 du code de commerce
Ceux ci pourront agir. Il s'agit des créances nées postérieurement au jugement d’ouverture.
I.-Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.
II.-Lorsqu'elles ne sont pas payées à l'échéance, ces créances sont payées par privilège avant toutes les autres créances, assorties ou non de privilèges ou sûretés, à l'exception de celles garanties par le privilège établi aux articles L. 143-10, L. 143-11, L. 742-6 et L. 751-15 du code du travail, des frais de justice nés régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure et de celles garanties par le privilège établi par l'article L. 611-11 du présent code.
III.-Leur paiement se fait dans l'ordre suivant :
1° Les créances de salaires dont le montant n'a pas été avancé en application des articles L. 143-11-1 à L. 143-11-3 du code du travail ;
2° Les prêts consentis ainsi que les créances résultant de l'exécution des contrats poursuivis conformément aux dispositions de l'article L. 622-13 et dont le cocontractant accepte de recevoir un paiement différé ; ces prêts et délais de paiement sont autorisés par le juge-commissaire dans la limite nécessaire à la poursuite de l'activité pendant la période d'observation et font l'objet d'une publicité. En cas de résiliation d'un contrat régulièrement poursuivi, les indemnités et pénalités sont exclues du bénéfice du présent article ;
3° Les autres créances, selon leur rang.
IV.-Les créances impayées perdent le privilège que leur confère le II du présent article si elles n'ont pas été portées à la connaissance de l'administrateur et, à défaut, du mandataire judiciaire ou, lorsque ces organes ont cessé leurs fonctions, du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur, dans le délai d'un an à compter de la fin de la période d'observation.
B) L'inefficacité de la clause résolutoire pour non-paiement des loyers et charges antérieurs au jugement d’ouverture ...
1°- Rappel sur le fonctionnement de cette clause indépendamment de la procédure collective
Cette clause insérée dans le bail en cas de non-paiement des loyers et/ou charges est censée produire effet après un certain délai qui court après un commandement de payer demeuré infructueux.
En pratique, lorsque le locataire est « in bonis » un bailleur impayé saisit un juge des référés après qu’un commandement de payer délivré par huissier est resté sans effet durant un délai de UN mois.
En effet l’article L 145-41 du code de commerce dispose:
« toute clause insérée dans le contrat prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement infructueux. »
Il demandera au juge de statuer aux fins d'obtenir à l'encontre de son locataire: l'acquisition de la clause résolutoire, son expulsion, sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation, la séquestration des meubles et dépens et frais de irrépétibles...
2°- La paralysie de la clause résolutoire dans le cadre des procédures collectives
L’ouverture de la procédure collective, va paralyser et priver d'effet un commandement de payer visant la clause résolutoire et a fortiori toute procédure entamée.
Estréputée non écrite toute clause envisageant une résiliation de bail en cas d’ouverture d’une procédure collective.
Donc plus d’expulsion possible.
a)- Première hypothèse : soit le bailleur n’avait pas mis en place le jeu de la clause résolutoire avant l’ouverture de la procédure collective
Dans ce cas, en vertu de l’article L 622-17 du code de commerce , ce sera trop tard, puisque la créance est antérieure.
b)- Seconde hypothèse: soit le bailleur avait pas mis en place le jeu de la clause résolutoire avant l’ouverture de la procédure collective, mais n’a pu obtenir une décision ayant force de chose jugée.
Dans ce cas la poursuite est suspendue et le bailleur aura à déclarer sa créance au titre des arriérés de loyer et charges au passif du locataire.
Il a été jugé qu'une ordonnance de référé frappée d’appel est sans effet, même si elle est exécutoire à titre provisoire et porte par essence un appel non suspensif d'exécution.
Celle-ci n’est pas une décision passée en force de chose jugée.
C’est ce qu’a jugé Cass. Com., 15 février 2011, pourvoi N° 10-12.747
« .. l'ordonnance de référé qui constate l'acquisition de la clause résolutoire et qui est frappée d'appel par le locataire avant sa mise en liquidation judiciaire n'est pas une décision passée en force de chose jugée à la date de la liquidation, peu important sa confirmation ultérieure en appel. »
Déjà 3ème Civ, 9 janvier 2008, pourvoi N° 06-21.499 a jugé au visa des artcicles L 145-4 1 et 641-3 du code de commerce
« .. Qu'en statuant ainsi, alors qu'à la date du jugement de liquidation judiciaire de Mme X..., l'acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement de loyers et de charges antérieur à ce jugement n'avait encore été constatée par aucune décision de justice passée en force de chose jugée de sorte que les effets du commandement de payer se trouvaient suspendus par l'effet du jugement ouvrant la liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; »
II- Le droit d’option dans la poursuite du bail commercial dans les procédures collectives.
L’article L 622-13 II du code de commerce rappelle que l'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur.
Même prérogative pour le liquidateur au regard de l’article L 641-12 du code de commerce
A) L’option de l’administrateur est triple et sa décision s’imposera au bailleur
1°- Ce dernier pourra choisir de ne pas continuer le bail
Article L 622-14- 1° du code de commerce
« Au jour où le bailleur est informé de la décision de l'administrateur de ne pas continuer le bail. Dans ce cas, l'inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif. Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les dommages et intérêts.. »
2°- de poursuivre les contrats en cours utiles à l’entreprise ,tel que le bail commercial.
Si l’administrateur décide de maintenir le bail, il se poursuivra aux conditions contractuelles souscrites.
Pour information, un liquidateur dispose des mêmes prérogatives que l’administrateur quant à l’option de la continuation du bail .
3°- de ceder le bail
L'administrateur pourrait céder le fonds de commerce du locataire, avec le bail commercial par essence.
Le droit des procédures collectives neutralise la plupart des clauses du bail.
Dans ce cas, l'agrément de l'acquéreur par le propriétaire n’est plus nécessaire même si le contrat de bail l’envisage expressément dans une clause.
B) La procédure de mise en demeure
1°- Mise en place
Si l’administrateur ne se prononce pas sur le sort du bail, le bailleur pourra alors le mettre en demeure par acte extra judiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception de se prononcer sur le sort du bail en cours, l’absence de réponse entraine la résiliation de plein droit
Article L 621-13 III du code de commerce modifié par Ordonnance n°2010-1512 du 9 décembre 2010 - art. 3
Le contrat en cours est résilié de plein droit :
1° Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l'administrateur et restée plus d'un mois sans réponse.
Avant l'expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir à l'administrateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer ;
2° A défaut de paiement dans les conditions définies au II et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles. En ce cas, le ministère public, l'administrateur, le mandataire judiciaire ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d'observation.
IV. - A la demande de l'administrateur, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.
V. - Si l'administrateur n'use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin dans les conditions du II ou encore si la résiliation est prononcée en application du IV, l'inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif. Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les dommages et intérêts. ..."
2°- Attention, le silence de l’administrateur après une mise en demeure ne vaut pas résiliation
Com, 2 mars 2010, pourvoi N° 09-10410
L'absence de réponse de l'administrateur à une mise en demeure de prendre parti sur la continuation d'un bail commercial n'entraînera pas la résiliation automatique de celui-ci.
La résiliation du bail commercial supposera donc une décision expresse de l'administrateur.
La bailleur n'aura donc plus qu'à attendre que
L’administrateur décide à résilier le contrat et l'en informe alors même que le loyer n'est plus payé.
Trois mois après le jugement d'ouverture de la procédure, il pourra toutefois demander en justice la résiliation du bail si l'administrateur ne s'est toujours pas prononcé.
C) La résiliation du bail après option
1°- Par l’administrateur
L’administrateur pourrait résilier unilatéralement le bail dont il avait exigé la continuation s’il découvre qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour respecter ses engagements à l’échéance.
Dans ce cas les indemnités résultant de la décision de l’administrateur de mettre fin au contrat de bail auquel il avait dans un premier temps exigé la continuation sont assimilés à des créances antérieures soumises à la déclaration au passif.
Com,15 octobre 2002 Bull Civ 2002 elles sont donc exclues du régime des créances postérieures ( article L 622-17 C Com ).
2°- Par le bailleur impayé
--Article L 622-14-2°) du code de commerce
« Lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu'au terme d'un délai de trois mois à compter dudit jugement. Si le paiement des sommes dues intervient avant l'expiration de ce délai, il n'y a pas lieu à résiliation.
Nonobstant toute clause contraire, le défaut d'exploitation pendant la période d'observation dans un ou plusieurs immeubles loués par l'entreprise n'entraîne pas résiliation du bail. »
Ainsi le défaut de paiement des loyers et charges postérieurs permettront au bailleur d’agir dans les trois mois qui suivent la date du jugement d’ouverture.
En cas de liquidation judiciaire, la résiliation de plein droit peut être constatée ou demandée par le bailleur en vertu de
--l’article L 641-12 2°) et 3°) du code de commerce
-- Lorsque le bailleur demande la résiliation judiciaire ou fait constater la résiliation de plein droit du bail pour des causes antérieures au jugement de liquidation judiciaire ou, lorsque ce dernier a été prononcé après une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, au jugement d'ouverture de la procédure qui l'a précédée. Il doit, s'il ne l'a déjà fait, introduire sa demande dans les trois mois de la publication du jugement de liquidation judiciaire ;
--Le bailleur peut également demander la résiliation judiciaire ou faire constater la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, dans les conditions prévues aux troisième à cinquième alinéas de l'article L. 622-14.
Rappelons en conclusion qu’il reste essentiel dès qu’une absence de paiement est constatée, de faire délivrer un commandement de payer et d’entamer sans délais une procédure en résolution de bail.
Cela permettra d'éviter de voir le passif s’accroître, de mettre en jeu l’expulsion pour pallier au risque des procédures collectives paralysantes, puisque dans ce cas, le bailleur serait « suspendu » au bon vouloir du mandataire.
Demeurant à votre disposition
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris