L’avant-projet de loi « Travail » de la Ministre du Travail, Myriam EL KHOMRI, transmis par le Gouvernement au Conseil d’État, sera présenté en Conseil des ministres, en principe le 9 mars 2016.
Il n’est pas inutile dès à présent, de faire un bref rappel de ce qui existe en matière d'indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse pour pouvoir mieux les comparer avec celles qui pourraient être octroyées aux licenciements notifiés à compter du lendemain de la publication de la future loi, dont l’adoption est envisagée pour l’été 2016, étant précisé que ce projet de loi intéresse des pans entiers du code du travail, comme notamment la durée du travail, la médecine du travail et la négociation collective.
A°) Cas général
Aujourd’hui, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise de 11 salariés et plus, l'article L 1235-3 du code du travail prévoit le versement d'une indemnité, non soumise à un quelconque plafond, mais qui ne peut pas être inférieure aux salaires des six derniers mois, outre la faculté pour le juge d'ordonner le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi de tout ou partie des allocations de chômage versées à ce salarié licencié, et ce à défaut de sa réintégration dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis que le juge peut proposer mais que tant l’employeur que le salarié, peuvent refuser.
Si le salarié a moins de 2 ans d’ancienneté ou travaille dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, l'article L 1235-5 du code du travail prévoit le versement d'une indemnité calculée en fonction du préjudice subi et non soumis à un quelconque plancher ou plafond.
L’avant-projet de loi prévoit qu’en cas de refus par l’employeur ou le salarié de la réintégration dans l’entreprise, le salarié recevrait une indemnité qui serait plafonnée, [ce qu'avait tenté de faire avant elle, M. MACRON] selon son ancienneté dans l'entreprise :
Indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse |
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Ancienneté du salarié dans l’entreprise |
Montant maximal de l’indemnité en mois de salaire |
inférieure à 2 ans |
3 mois |
au moins 2 ans et moins de 5 ans |
6 mois |
au moins 5 ans et moins de 10 ans |
9 mois |
au moins 10 ans et moins de 20 ans |
12 mois |
au moins 20 ans |
15 mois |
Les salariés de moins de 2 ans d’ancienneté ou travaillant dans une entreprise de moins de 11 salariés, seraient donc soumis au nouveau barème en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il est à noter que ce nouveau barème prévu en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse serait également applicable en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail ou de prise d’acte de la rupture, emportant les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
B°) CAS PARTICULIERS
- Le licenciement nul
Il s'agit des licenciements reposant sur les faits ou les situations suivants et pour lesquels il n’existerait pas, selon le projet de loi, de plafond applicable :
- Faits de harcèlement moral ou sexuel (victimes ou témoins) ;
- Licenciement discriminatoire ou consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou en matière de corruption ;
- Violation de l’exercice du droit de grève ou de l’exercice d’un mandat par un salarié protégé ou de la protection dont bénéficient certains salariés ;
- Atteinte à une liberté fondamentale.
Actuellement, à défaut de réintégration qui est de plein droit lorsque le salarié en fait la demande, ce dernier peut prétendre à, outre ses indemnités de rupture, à des dommages intérêts réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite licenciement dont le montant est souverainement apprécié par les juges et au moins égal à six mois de salaire, quels que soient son ancienneté et l’effectif de l'entreprise.
Pour les salariés protégés au titre d'un mandat ou encore au titre d'un statut particulier, ceux-ci peuvent prétendre en plus au versement d'une indemnité correspondant à l'intégralité des salaires qu'ils auraient dû percevoir pendant la période couverte par la nullité
- Le licenciement à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle
En cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, le montant plancher de l’indemnité visée à l'article L 1226-15 du code du travail et due en cas de licenciement prononcé en violation de l'obligation de réintégration d'un salarié apte ou des règles relatives à l'obligation de reclassement d'un salarié inapte, serait réduit de 12 à 6 mois.
- Les licenciements économiques
Des modifications seraient apportées en matière d’indemnités dues en cas de licenciement pour motif économique.
En cas de licenciement collectif, l’indemnité pour non-respect par l’employeur des procédures de consultation des représentants du personnel ou d’information de l’autorité administrative visée à l’article L. 1235-12 du code du travail, aujourd’hui calculée en fonction du préjudice subi, serait à l’avenir plafonnée par le barème.
L’indemnité visée à l’article L. 1235-13 du code du travail, pour non-respect de la priorité de réembauche, actuellement au moins égale à 2 mois de salaire, serait à l’avenir calculée en fonction du préjudice subi dans la limite du nouveau barème.
L’indemnité visée à l’article L. 1235-15 du code du travail, lorsque le comité d’entreprise ou les délégués du personnel n’ont pas été mis en place alors qu’ils auraient dû l’être et qu’aucun procès-verbal de carence n’a été établi, actuellement d’au moins un mois de salaire brut, serait à l’avenir calculée en fonction du préjudice subi dans la limite du nouveau barème.
Ces trois indemnités pourraient comme aujourd’hui se cumuler avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais cette fois dans la limite du barème.
Dans le cadre d’un « grand » licenciement économique (licenciement concernant au moins 10 salariés dans une période de 30 jours et appartenant à une entreprise d'au moins 50 salariés), il n'y aurait pas application du nouveau barème en cas de nullité du licenciement mais application de règles spécifiques traduisant une diminution, malgré tout, de l'indemnisation.
Cela concerne les licenciements décidés en l’absence de toute décision relative à la validation ou à l’homologation du PSE ou alors que la DIRECCTE a refusé de valider ou d’homologuer (cf. articles. L. 1235-10, L. 1235-11, L. 1235-16, al. 1 et 2 et L. 1233-58, II, al. 7).
Parmi ces indemnités, le montant plancher de l’indemnité due en cas de nullité du licenciement pour absence ou insuffisance du PSE, visée à l'article L 1235-11 du code du travail, serait réduit de 12 à 6 mois de salaire. Ce minimum de 6 mois de salaire ne s’appliquerait pas aux salariés ayant moins de 2 ans d’ancienneté dans l’entreprise. Ces derniers pourraient prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi, dans la limite du nouveau barème.
Bien évidemment, il ne s'agit que du projet qui déjà suscite une vive protestation, notamment des syndicats qui se sont réunis hier en intersyndicale.
À suivre donc....
Me Jean-Luc Chouraki, Avocat au barreau de Paris, spécialiste en droit du travail