La sanction du défaut de motivation présente un intérêt pratique
Afin de démontrer cet intérêt pratique (B) il semble nécessaire de rappeler la nature de la sanction du défaut de motivation (A).
A) La sanction du défaut de motivation…
L’article L80 CA du livre des procédures fiscales dispose, en son second aliéna, que le juge :
« …prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France. »
Naturellement, la jurisprudence a affiné la notion d’erreur substantielle. L’arrêt MEYER[1] a circonscrit le champ de l’arrêt DANTHONY[2] en matière fiscale, en imposant que pour qu’une irrégularité soit sanctionnée le contribuable ait été réellement privé de la garantie visée par la règle de procédure en cause.
L’arrêt PAULIN[3] impose de porter une attention particulière à la motivation des procédures de rectification, car :
« …l'obligation de motivation de la proposition de rectification est une garantie du contribuable. (…), il s'agit d'une obligation inconditionnelle. Son respect suppose que le contribuable soit mis à même de pouvoir discuter utilement des éléments sur lesquels l’Administration s'est fondée. (...) Le comportement du contribuable n'est pas pris en compte dans l'appréciation du caractère suffisant de la motivation de la proposition de rectification »[4].
Autrement-dit, si l’irrégularité se rattache à la motivation, le juge apprécie le caractère substantiel selon une méthode formaliste et non téléologique comme pour d’autres irrégularités. Cela doit conduire à une sanction automatique des irrégularités affectant la motivation[5].
B)…représente un intérêt pratique
L’appréciation du caractère suffisamment motivé de facto, et de jure d’une proposition de rectification appartient au juge du fond[6]. Le Conseil d’État se réserve cependant le contrôle de l’erreur de droit quant aux mentions de la proposition de rectification[7], ce qui n’interdit pas que la jurisprudence en la matière soit "non sans subtilité"[8].
Il s’agit de déterminer s’ « il résulte de ses termes mêmes que la notification de redressement était suffisamment précise et circonstanciée pour permettre au contribuable de connaître la nature et les motifs des rehaussements envisagés »[9].
En clair cela signifie que le juge doit être particulirement sévère envers l'administration fiscale quand il évalue si la proposition de rectification est suffisament motivée.
[1] CE, sect., 16 avr. 2012, n° 320912, Meyer : JurisData n° 2012-009300, Dr. fisc. 2012, n° 27, comm. 366, p. 42.
[2] CE, 23 décembre 2011, Danthony, n° 335033
[3] CE, 4 févr. 2013, n° 336592, Paulin : Dr. fisc. 2013, n° 14, comm. 230, concl. D. Hedary, p. 56 à 59
[4] Note anonyme sous RJF 4/2013, n° 421 ; concl. D. Hedary BDCF 4/2013, n° 46
[5] en ce sens concl. sous CE, 4 févr. 2013, n° 336592, Paulin : Dr. fisc. 2013, n° 14, comm. 230, concl. D. Hedary, p. 56 à 59
[6] CE, 5 mars 1999, n° 135287, SA Domaine Clarence Dillon : Dr. fisc. 2000, n° 8, comm. 125, concl. F. Loloum ; RJF 1999, n° 386), sous réserve de l'hypothèse de dénaturation des faits (CE, 26 janv. 1994, n° 118900, Panas : Dr. fisc. 1994, n° 18, comm. 831 ; RJF 1994, n° 259. - CE, 11 févr. 2011, n° 317170, Sté Dalkia France : RJF 2011, n° 625 ; BDCF 2011, n° 63, concl. E. Cortot-Boucher) ou de celle d'erreur de droit (CE, 2 nov. 1994, n° 126814 et 126815, Lefebvre : JurisData n° 1994-052060 ; Procédures 1996, comm. 63, note J.-L. Pierre ; Dr. fisc. 1995, n° 27, comm. 1471 ; RJF 1994, n° 1356. - CE, 12 mai 1997, n° 143812, Quiquandon : Dr. fisc. 1997, n° 40, comm. 1041, concl. F. Loloum ; RJF 1997, n° 717
[7] CE, 3e et 8e ss-sect., 11 févr. 2011, n° 317170, Sté Dalkia France : RJF 5/1993, n° 625 ; BDCF 5/2011, n° 63, concl. E. Cortot-Boucher
[8] Concl. F. Loloum sur CE, 13 déc. 1993, n° 117130, Beaume : Dr. fisc. 1994, n° 13, comm. 644
[9] CE, 26 juin 1985, n° 39049 et n° 39805 : Dr. fisc. 1985, n° 44, comm. 1856, comm. 1857 et comm. 1860 (déc. non reproduite) ; RJF 1985, n° 1212