L’article L. 2142-4 du Code du travail dispose que : « les publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs de l'entreprise dans l'enceinte de celle-ci aux heures d'entrée et de sortie du travail ».
Cette règle peut être interprétée de façon stricte et il convient de se demander si les tracts syndicaux pourraient être diffusés en dehors de l’entreprise et en dehors de heures de travail.
Dans un arrêt du 18 janvier 2011 (Cass. soc. 18 janvier 2011 n°09-12.240, Sté Bearingpoint France c/ Union des syndicats CGT et UGICT-CGT de la Défense (UDSD), la Cour de cassation confirme que l'article L 2142-4 du Code du travail, qui encadre la diffusion des tracts syndicaux à l'intérieur de l'entreprise, n'est pas applicable à une diffusion en dehors de l'entreprise :
« Mais attendu, d’abord, que l’article L 2142-4 du code du travail se borne à organiser la diffusion de tracts par les syndicats professionnels aux travailleurs dans l’enceinte de l’entreprise ; que n’y sont inclus ni la voie publique ni les parties communes de l’immeuble où l’entreprise occupe des locaux ni l’établissement d’un client au sein duquel des salariés de l’entreprise effectuent des missions ; que dès lors c’est à bon droit que la cour d’appel a décidé que la société Bearingpoint France ne pouvait pas invoquer ce texte pour contester la licéité de distributions de tracts syndicaux effectués en ces lieux ;
Attendu, ensuite, que, la cour d’appel qui a constaté que les distributions de tracts avaient eu lieu à l’extérieur de l’entreprise et que ceux-ci étaient dénués de caractère diffamatoire ou injurieux, n’avaient pas à effectuer les recherches mentionnées aux deuxième et sixième branches que ces constatations rendaient inutiles »
La Cour de cassation confirme ici sa position déjà affirmée dans un arrêt du 28 janvier 2007 aux termes duquel elle avait rejeté la thèse d'un établissement financier qui s'appuyait sur l'article L. 2142-4 du Code du travail pour faire juger illicite la distribution de tracts syndicaux aux clients entrants dans ses agences (Cass. soc. 28 février 2007 n° 15-15228).
L'arrêt du 18 janvier 2011 confirme cette condamnation de toute lecture a contrario de l'article L. 2142-4. Mais il présente également l'intérêt de préciser ce qu'il convient d'entendre par les locaux de l'entreprise au sens de ce texte. Dans le cas d'importants immeubles de bureau regroupant plusieurs entreprises, comme en l'espèce, cette définition ne va pas toujours de soi. Or, elle est importante, en pratique, puisqu'elle détermine le champ des restrictions apportées par l'article L. 2142-4 à la liberté de distribution des tracts syndicaux, et, par voie de conséquence, celui des accords qui peuvent en aménager ou en assouplir l'exercice.
Est-ce à dire que l'employeur ne dispose d'aucun moyen d'action à l'égard des distributions de tracts effectuées en dehors des locaux de l'entreprise ?
En faisant état de l'absence de caractère diffamatoire ou injurieux des tracts distribués, constatée, en l'espèce, par les juges du fond, la Cour de cassation rappelle que l'employeur a toujours la faculté, s'il estime leur contenu diffamatoire ou injurieux d'engager une action en justice sur le fondement de l'article L. 2142-5 du Code du travail et de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse.
Reste une question non abordée dans cette affaire : le client, chez qui la distribution de tracts a également eu lieu, pourrait – il s'opposer à la distribution de tracts effectué par des délégués syndicaux de son prestataire et si oui, sur quel fondement ?
Bien que l'article L. 2142-4 ne vise, stricto sensu, que les distributions de tracts aux travailleurs de l'entreprise, sans envisager ceux mis à dispositions par d'autres entreprises, il semblerait logique de permettre au client d'opposer également aux distributions de tracts faits dans ses locaux auprès de ces salariés les restrictions imposées par ce texte.
Source : Editions Francis Lefebvre