1 - Depuis 2001, la Cour de cassation décide que la cessation d'activité de l'entreprise, quand elle n'est pas due à une faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable, constitue un motif économique de licenciement (Cass. soc. 16 janvier 2001 n°98-44647). Par exemple, constitue une légèreté blâmable la décision d'une filiale de cesser de manière précipitée son activité, alors que celle-ci est prospère, pour céder à la demande de la direction du groupe (Cass. soc. 28 octobre 2008 n° 07-41984).
Hors ces deux situations particulières, il n'est donc pas nécessaire à l'employeur qui met fin à son activité de justifier que sa décision repose sur des difficultés économiques, sur une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise ou sur une mutation technologique (Cass. soc. 8 juillet 2009 n° 08-41644).
2 - Cette solution repose sur la prise en compte de la liberté d'entreprendre qui implique, pour celui qui l'exerce, la faculté d'interrompre son activité sans que la rupture des contrats de travail qui en résulte soit dépourvue de cause. C'est en considération de cette liberté que le Conseil constitutionnel a jugée inconstitutionnelle une disposition de la loi de modernisation sociale qui restreignait le champ des causes de licenciement économique, en excluant de la sorte la cessation d'activité comme cause autonome de rupture (Cons. const. 12 janvier 2002 n° 2001-455 DC : RJS 3/02 n° 275).
3 - L'appartenance de l'employeur à un groupe n'y change rien car il doit demeurer libre de mettre fin à son activité économique sans avoir en principe à apporter d'autres justifications, de nature économique ou technologique. Cependant, lorsque ce groupe exerce une influence excessive sur une filiale au point de devenir le coemployeur de son personnel, la situation n'est plus la même. Lorsque l'un d'eux interrompt son activité alors que l'autre la poursuit, le licenciement du personnel employé par le premier ne peut reposer sur un motif économique réel et sérieux que si cette rupture est justifiée au regard des deux coemployeurs (déjà en ce sens, voir Cass. soc. 9 janvier 2008 n°06-44522).
Aussi, la Cour de cassation, dans ses arrêts du 18 janvier 2011, énonce t-elle qu'en ce cas la cessation d'activité ne peut constituer une cause économique de rupture qu'à la condition d'être justifiée par l'évolution de la situation économique ou technologique du secteur d'activité du groupe dont relèvent les coemployeurs.
Ces décisions confirment celle rendue en 2009 par la cour d'appel de Paris. Les juges avaient alors décidé que le groupe JFH pouvait être considéré comme coemployeur des salariés car il existait «une confusion d'intérêts d'activités et de direction» entre le groupe et sa filiale, et qu'en conséquence la cessation d'activité de l’employeur découlait de choix stratégiques décidés par JFH et non de réelles difficultés économiques.
Il faudrait sans doute réserver aussi le cas, peu fréquent, où les deux coemployeurs cessent simultanément leur activité.
Source : Editions Francis Lefebvre et Le Figaro