Nullité du licenciement de la salariée enceinte : non cumul entre salaire et revenu de remplacement
Si elle demande sa réintégration du fait de la nullité de son licenciement du fait de son état de grossesse, la salariée a droit aux salaires dont elle a été privée, sous déduction des revenus perçus durant la période de nullité Cass. soc. 30 septembre 2010 n° 08-44340, Mawabi c/ Et public local d’enseignement Gérard de Nerval).
1 - A quelle indemnisation peut prétendre la salariée dont le licenciement est nul pour avoir été prononcé durant la période légale de protection de son emploi en raison de sa grossesse ou de sa maternité et qui demande sa réintégration ?
La Cour de cassation vient de répondre à cette question, qui n’était pas jusqu’ici clairement tranchée.
2 - Il avait été jugé, dans des arrêts anciens, que les dispositions de l’article L 122-30, al. 2 (L 1225-71, al. 2) du Code du travail prévoyant qu’en cas de nullité du licenciement prononcé en méconnaissance des règles légales de protection de la grossesse et de la maternité, l’employeur est tenu de verser le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par cette nullité, ne souffraient aucune restriction de sorte qu’il ne pouvait être déduit des salaires versés à titre de sanction, les indemnités éventuellement payées à l’intéressée par la sécurité sociale (Cass. soc. 10 avril 1991 : RJS 5/91 n° 567 ; Cass. soc. 13 octobre 1993 : RJS 11/93 n° 1096) ou par les organismes de chômage (Cass. soc. 10 novembre 1993 : RJS 12/93 n° 1192). Mais ces décisions avaient été rendues à une époque où la jurisprudence n’assortissait pas la nullité d’un tel licenciement d’un droit à réintégration pour la salariée (voir, notamment, Cass. soc. 27 novembre 1990 : RJS 1/91 n° 14).
Or, depuis 2003, il n’en va plus de même : la réintégration dans son emploi est de droit lorsqu’elle est sollicitée par la salariée dont le licenciement est nul en application de l’article L 122-25-2 (L 1225-4) du Code du travail (Cass. soc. 30 avril 2003 : RJS 7/03 n° 869 ; Cass. soc. 15 octobre 2003 : RJS 1/04 n° 28).
3 - Mais quelle réparation accorder à la salariée qui demande sa réintégration ?
La jurisprudence distingue en effet deux types d’indemnisation : d’une part, celle de droit commun prévoyant la réparation de la totalité du préjudice effectivement subi, soit une somme égale au montant des salaires dont a été privé le salarié, sous déduction des rémunérations et des revenus de remplacement perçus entre le licenciement et la réintégration (Cass. soc. 3 juillet 2003 : RJS 10/03 n° 1141 ; Cass. soc. 19 janvier 2010 : RJS 4/10 n° 327) ; d’autre part celle, plus favorable, consistant en une réparation forfaitaire, c’est-à-dire au montant des salaires perdus, sans déduction possible des sommes éventuellement perçues entre le licenciement et la réintégration. C’est cette dernière indemnisation qui est versée en cas de nullité du licenciement d’un salarié protégé (Cass. soc. 3 mai 2001 : RJS 7/01 n° 892 ; Cass. soc. 10 octobre 2006 : RJS 12/06 n° 1296), d’un salarié gréviste (Cass. soc. 2 février 2006 : RJS 4/06 n° 488) ou de nullité du licenciement fondé sur les activités syndicales d’un salarié (Cass. soc. 2 juin 2010 : RJS 8-9/10 ° 685).
4 - Dans son arrêt du 30 septembre 2010, rendu en formation plénière mais non publié au Bulletin des chambres civiles de la Cour de cassation (ce que l’on peut regretter), cette dernière opte pour la première de ces deux solutions. Le principe pouvait certes déjà se déduire d’un arrêt récent où la Cour suprême, statuant sur le cas particulier d’une salariée ayant demandé et obtenu devant le juge sa réintégration, pour finalement y renoncer, avait dit que l’intéressée pouvait prétendre, pour la période comprise entre son licenciement et la date de son refus d’être réintégrée, à la réparation de la totalité du préjudice effectivement subi, dans la limite des salaires dont elle avait été privée pour cette période (Cass. 17 février 2010 : RJS 5/10 n° 423). Il est conforté par ce nouvel arrêt qui ne laisse aucun doute puisque la Cour suprême y rejette le pourvoi de la salariée reprochant à la cour d’appel d’avoir déduit du montant de son indemnisation les revenus qu’elle avait perçus durant la période couverte par la nullité de son licenciement.
5 - Pourquoi la Cour suprême n’a-t-elle pas étendue au cas particulier de la nullité du licenciement prononcé en violation du statut protecteur des femmes enceintes ou ayant accouché, la solution plus favorable de la réparation forfaitaire dégagée dans certaines situations ? Sa décision du 30 septembre 2010 n’étant pas autrement motivée – alors que la décision précitée du 2 juin 2010 octroyant une réparation forfaitaire en cas de nullité du licenciement fondé sur les activités syndicales d’un salarié l’avait été par référence à une atteinte à une liberté garantie par la Constitution – on peut supposer que, dans le cas présent, elle a considéré qu’il n’y avait pas, malgré le caractère illicite du licenciement, atteinte à un droit ou une liberté garantis par la Constitution.
Source : Editions Francis Lefebvre