Confronté à un mouvement de grève dans son entreprise, l’employeur, tenu de fournir du travail aux non-grévistes, peut organiser l’entreprise afin d’assurer la continuité de son activité. Il peut ainsi demander à un salarié de l’entreprise non-gréviste ayant une qualification ou des compétences similaires à celles d'un salarié gréviste d'occuper provisoirement le poste de ce dernier ou d’effectuer des heures supplémentaires pour pallier son absence.
Il peut également recourir à la sous-traitance (Cass. soc. 15 février 1979 : Bull. civ. V p. 101 n° 143) ou faire appel à des bénévoles (Cass. soc. 11 janvier 2000 : RJS 2/00 n° 203, Bull. civ. V n° 15).
En revanche, le Code du travail lui fait interdiction de remplacer les travailleurs grévistes en engageant des salariés sous contrat à durée déterminée ou en recourant aux services de travailleurs temporaires (C. trav. art L 1242-6 et L 1251-10). La facilité et la souplesse de ces formes d'emploi en font en effet des armes anti-grève trop puissantes pour qu'elles soient admises comme moyen de défense loyal.
S’agissant des salariés temporaires valablement embauchés avant le début du conflit alors que celui-ci n’était pas prévisible, la chambre criminelle de la Cour de cassation a toutefois considéré qu’ils pouvaient être affectés, dans le cadre de leur mission et conformément à leur qualification, à des postes délaissés par les ouvriers en grève, dès lors qu’il n’était pas allégué qu’ils aient été affectés à des tâches étrangères à celles prévues par le contrat d'embauche (Cass. crim. 2 décembre 1980 n° 80-90.149, Bull. crim. n° 330).
La difficulté vient de ce que l’employeur peut être tenté de modifier la mission des travailleurs temporaires déjà présents dans l'entreprise dans le but de priver la grève de son efficacité. Dans ce cas, sa conduite tombe sous le coup de la prohibition édictée par le Code du travail. En présence d’une modification de l’objet pour lequel le contrat initial a été conclu, on peut en effet soutenir qu’il s’agit d’un nouveau contrat conclu en méconnaissance de l’interdiction légale. Ce détournement de la mission initiale des travailleurs temporaires suppose un examen minutieux des faits et confère un rôle essentiel aux juges du fond.
En l'espèce, la société avait fait accomplir aux travailleurs temporaires, en plus de leur travail habituel, celui de salariés grévistes en augmentant leur amplitude horaire. Il y avait là manifestement, au-delà de la simple réorganisation de l’entreprise pour assurer le maintien de l’activité, une volonté de priver la grève de son efficacité. Cet arrêt rappelle opportunément les employeurs à leurs obligations en cas de grève et contribue à asseoir une jurisprudence jusque là assez parcimonieuse.
La solution, rendue à propos de salariés temporaires, vaut également pour les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée.
Source: Editions Francis Lefebvre