Selon l’article 6 § 1 de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un objectif légitime et que les moyens pour réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.
Ce texte, directement applicable par le juge français en ce qu’il constitue un principe général du droit de l’Union (en ce sens déjà : Cass. soc. 11 mai 2010 : RJS 7/10 n° 582), a été repris à l’article L 1133-1 du Code du travail qui autorise les différences de traitement fondées sur l’âge dans les mêmes conditions.
La chambre sociale de la Cour de cassation fait une application de ces textes à propos des dispositions statutaires de mise à la retraite d’office de salariés à un âge déterminé fixées par le décret du 9 janvier 1954 pour les agents de la SNCF et par le décret du 16 janvier 1954 pour les salariés d’EDF.
Dans la première espèce relative au personnel de la SNCF, la Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir considéré que si les dispositions statutaires de l’entreprise autorisant les mises à la retraite d’office des salariés à l’âge de 55 ans n’étaient pas en elles-mêmes discriminatoires, il leur appartenait de vérifier si la décision individuelle de la SNCF de mettre à la retraite d’office un agent obéissait bien aux conditions posées par l’article L 1133-1 du Code du travail.
En l’occurrence, les motifs invoqués par la SNCF (« permettre à l’entreprise d’adapter ses effectifs à l’évolution du contexte dans lequel elle se situe », « apporter à l’entreprise une souplesse durable dans la gestion de ses effectifs, en fonction de l’évolution de son organisation et de son activité ») ont été jugés trop généraux pour que les juges du fond puissent considérer que la mise à la retraite d’office était justifiée par un objectif légitime. Ces derniers ont donc retenu à bon droit que la mise à la retraite était constitutive d’une discrimination fondée sur l’âge et qu’elle devait en conséquence être annulée.
Dans la seconde espèce (salariés d’EDF), la Cour de cassation reproche à la cour d’appel de n’avoir pas constaté que, pour la catégorie d’emploi du salarié, la différence de traitement fondée sur l’âge, conformément à l’article 6 § 1 de la directive communautaire, en application du décret du 16 janvier 1954, était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et que les moyens pour réaliser cet objectif étaient nécessaires et appropriés.
Appliquées à des entreprises à statut, ces solutions peuvent être étendues à toutes les entreprises du secteur privé susceptibles de mettre leurs salariés à la retraite d’office. Dans tous les cas, et à supposer que le système légal ou conventionnel de mise à la retraite d’office soit jugé, en lui-même, non discriminatoire en raison de la poursuite d’un objectif légitime, la décision de l’employeur devra également être justifiée par un motif légitime et non par le fait que le salarié a atteint un âge déterminé. Autant dire que de telles justifications pourront s’avérer bien difficiles à établir. Les mises à la retraite d’office ont-elles encore un avenir ? Rien n’est moins sûr après la lecture de ces deux arrêts.
Source :Editions Francis Lefebvre