La suspension ou le retrait du permis de conduire d'un salarié affecté à la conduite d'un véhicule, pour des faits commis dans le cadre de sa vie privée, ne peut en aucun cas justifier un licenciement disciplinaire. C'est ce que vient de juger la Cour de cassation, revenant ainsi sur sa jurisprudence antérieure.
La Cour rappelle tout d'abord le principe qui guide, depuis 1997, sa jurisprudence en matière de licenciement pour un fait tiré de la vie personnelle. Un tel fait ne peut justifier un licenciement disciplinaire que s'il constitue un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail (Cass. soc. 16 décembre 1997 n° 95-41.326 ; Cass. mixte 18 mai 2007 n° 05-40.803).
L'application de cette règle implique que l'on distingue précisément les faits pouvant être rattachés à la vie professionnelle du salarié, et ceux qui relèvent de sa vie personnelle.
Depuis 2003, la Cour de cassation considérait que le fait, pour un salarié affecté en exécution de son contrat de travail à la conduite de véhicules de se voir retirer son permis de conduire pour des faits de conduite en état d'ébriété, même commis en dehors de son temps de travail, se rattachait à sa vie professionnelle (Cass. soc. 2 décembre 2003 n° 01-43.22 ; Cass. soc. 19 mars 2008 n° 06-45.212).
Cette solution est abandonnée. La Cour considère désormais que l'infraction commise par le salarié dans le cadre de sa vie privée entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire ne constitue pas un manquement à une obligation contractuelle. La Cour de cassation rejoint ainsi la position du Conseil d'Etat, qui s'est récemment prononcé en ce sens à propos de la suspension de permis d'un salarié protégé occupant les fonctions de chauffeur (CE 15 décembre 2010 n° 316856).
Néanmoins, les faits commis par le salarié dans le cadre de sa vie privée peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement s'ils occasionnent un trouble objectif caractérisé dans l'entreprise (Cass. soc. 30 novembre 2005 n° 04-13.877 et n° 04-41.206). L'impossibilité pour le salarié d'exécuter le travail pour lequel il a été engagé pourrait ainsi justifier la rupture de son contrat de travail.
Rappelons enfin que la décision du 3 mai 2011 ne concerne que les faits commis en dehors de l'exécution du travail. Un salarié dont les fonctions impliquent la conduite de véhicules et qui commettrait une infraction au Code de la route pendant ses heures de travail pourrait faire l'objet de mesures disciplinaires, si un comportement fautif est à l'origine de l'infraction (par exemple, état d'ébriété ou excès de vitesse).
Source : Editions Francis Lefebvre