Il est de règle que c'est au salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur qu'il revient d'établir que ce dernier a commis des manquements d'une gravité suffisante pour justifier la rupture (Cass. soc. 19 décembre 2007 n° 06-44.754).
Cependant, il en va différemment si le salarié se prévaut du manquement de l'employeur à une obligation de résultat. Dans une telle hypothèse, il suffit au salarié de démontrer que le résultat auquel était tenu l'employeur n'a pas été atteint pour qu'il en découle que la prise d'acte était justifiée.
Or, l'employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat dont il doit assurer l'effectivité (Cass. soc. 28 janvier 2009 n° 07-44.556 : P-II-1110). A plusieurs reprises, la Cour de cassation a considéré que le non-respect des règles d’hygiène et de sécurité caractérisait en lui-même un manquement de l’employeur à cette obligation ; et elle en a déduit que la prise d'acte de la rupture par le salarié à raison de cette inobservation de la règlementation était nécessairement fondée : il en a été jugé ainsi pour un salarié victime sur son lieu de travail d'agissements de harcèlement moral (Cass . soc. 3 février 2010 n° 08-44.019) ou n’ayant pas bénéficié d’une visite de reprise après un arrêt de travail pour maladie (Cass. soc. 16 juin 2009 n° 08-41.519).
C'est le même raisonnement qui est appliqué dans l'arrêt du 12 janvier 2011 : une salariée avait pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur en invoquant notamment le manquement de ce dernier à son obligation de sécurité et le fait, qu'ayant été victime d'un accident du travail, celui-ci était survenu faute pour l'employeur d'avoir respecté les règles de prévention et de sécurité. La cour d'appel avait cru pouvoir juger que la prise d'acte produisait les effets d'une démission, dès lors que la salariée n'établissait pas que l'employeur n'avait pas pris toutes les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé de son personnel.
L'arrêt est censuré à raison d'une inversion de la charge de la preuve : le salarié ayant été victime d'un accident du travail et invoquant une inobservation par l'employeur des règles de prévention et de sécurité, c'est à ce dernier qu'il revenait de démontrer que la survenance de cet accident était étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité de résultat.
La solution va très loin car elle laisse supposer que toutes les fois que survient un accident du travail, le salarié pourrait être fondé à prendre acte de la rupture aux torts de l'employeur sauf à celui-ci à justifier que l'accident procède d'une cause étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité de résultat, ce qui est pratiquement impossible.
Source: Editions Francis Lefebvre