Le 24 Aout 2017, la Cour d'Appel du Haut Katanga recevait le serment des nouveaux avocats admis à la liste de stage du Barreau de Lubumbashi. C'est fut un moment fort en émotions et plein de joies pour les nouveaux venus dans la profession. Cependant; Il ne suffit pas d'avoir prêté serment, encore faut-il exercer effectivement la profession et pouvoir en vivre. oui, il faut bien pouvoir en vivre!
Or, nous sommes là dans un monde des requins, mieux un monde des gladiateurs en costards (pour piquer l'expression à Olivia Pope). Pour pouvoir y survivre, il sied d'avoir une volonté d'acier et d'être inventif (Comme ne cessait de me répéter l'un de mes mentors).
Parmi les nombreux moyens qui peuvent être développés pour se faire un nom dans la profession, il existe un, en particulier, qui (sans nécessiter des gros moyens financiers) est très efficace et accessible à tous: Développer une stratégie Marketing sur Internet .
Ainsi, dans le présent article, j'essaye de présenter comment l'avocat congolais du XXIème siècle, plus précisément l'avocat de l'ère numérique, peut profiter au maximum des nouvelles technologies de l'information pour optimiser ses services et être le plus compétitif possible.
Voici donc quelques astuces pour être un Avocat 2.0
D'entrée de jeu, une question préalable peut être soulevée: Sachant que L’article 74 de l’ordonnance-loi n°79-08 du 28 septembre 1979 portant organisation du Barreau, du Corps des Défenseurs judiciaires et du Corps de Mandataires de l’Etat, interdit aux avocats « d’user de tous moyens publicitaires, sauf ce qui est strictement nécessaire pour l’information du public »[1], l'utilisation des nouvelles technologies de l'information pour développer une stratégie de webmarketing n'est-elle pas contraire au prescrit de cet article?
Sans vouloir entrer dans un débat doctrinal, nous répondons à cette question de la manière que voici: Certes, dans beaucoup des législations la publicité est désormais permise à l'avocat, sous certaines conditions.[2] Toutefois, en droit congolais, la doctrine admet qu'en vertu de la disposition sus mentionnée une publicité personnelle est admise à l’avocat congolais, uniquement dans la stricte mesure où elle se borne à procurer au public une information dans la discrétion et la dignité. Tel est le cas de la plaque d’avocat placée à l’extérieur de l’immeuble ou sur la porte du cabinet[3]. Réservant la publicité fonctionnelle et l’information au public relatives à la profession aux seuls organes compétents du Barreau.
Ainsi, ce principe s'étend également à la présence des avocats sur internet.
Donc; l'avocat congolais peut diffuser des informations sur la nature des prestations de services qu'il propose, dès lors qu’elle est exclusive de toute forme de démarchage et sollicitation[4]. Cette publicité doit être véridique, respectueuse du secret professionnel et mise en œuvre avec dignité et délicatesse.
Partant de cet état des choses, comment donc réussir à développer une stratégie de webmarketing dans le respect des règles déontologiques?
Premièrement: Utilisez internet autrement: soyez visible sur la toile!
Traditionnellement, l'’Internet est utilisé par l’avocat congolais comme une banque des données juridiques permettant l’accès aux textes législatifs et réglementaires, à la jurisprudence et la doctrine de plusieurs systèmes juridiques mondiaux. Il permet donc au jeune avocat congolais d’accéder par exemple à la doctrine tant nationale, qu'internationale; ou encore à des décisions des juridictions internationales ( Cour Pénale internationale, Cour Internationale de Justice, Cour commune de justice et d'arbitrage de l'ohada etc.) sans pour autant dépenser des frais énormes en transport ou en ouvrages. Et tout cela, en consultant directement les sites des ces différentes institutions. Aussi, l'Internet permet encore à l’avocat congolais de communiquer avec les tiers, notamment à travers son adresse mail.
Cependant, avec l'apparition des réseaux sociaux, la démocratisation des blogs ainsi que la simplification de création des sites internet; vous pouvez utiliser internet autrement: Vous pouvez vous rendre visible aux yeux du monde et ainsi vous faire connaitre. Certes, de nos jours la majorité des professionnels sont, au minimum, présents sur deux ou trois réseaux sociaux (essentiellement LinkedIn, Facebook et whatsapp pour la RDC) mais cela ne suffit pas. Encore faut-il produire des contenus pertinents. Ce que beaucoup ignorent ce que, le fait d'avoir des comptes sur les réseaux sociaux, les plus populaires du moins, et de produire beaucoup de contenus pertinents se rapportant à votre personne et à vos activités; vous rend visible aux yeux de tous les internautes (du monde entier) qui feraient une recherche sur vous ou sur un sujet sur lequel vous avez produit du contenu pertinent.
Ainsi, la première étape pour être un avocat 2.0 est d'avoir une présence sur internet. cela peut se faire de différente manière: la création d'un site web, la création d'un blog, l'ouverture d'un compte sur un réseau social professionnel ( dont LinkedIn est le plus connu); ou encore une simple page facebook.
Afin de guider votre choix sur le type de présence numérique que vous souhaitez, il vous faut définir vos objectifs quant à votre présence numérique. En effet, il est bon d'avoir une idée précise de ce que vous voulez réaliser sur internet: vous pourrez ainsi définir efficacement vos priorités et mettre en place votre projet de webmarketing. En effet, il faut éviter de s'éparpiller, internet offre de nombreux atouts pour faire avancer votre business mais mal utilisé, on risque de s'y éparpiller. Il permet notamment de tisser des liens sur les réseaux sociaux, de développer l'offre de vos services sur internet, d'attirer des nouveaux clients, ou encore de fidéliser votre clientèle existante. D'où il faut définir les grands axes de votre stratégie numérique.
En décidant de créer un site Web, par exemple, vous pouvez décider de diffuser des informations sur votre cabinet (ou votre personne, si vous exercez en indépendant), notamment vos horaires, votre localisation, vos tarifs, vos spécialités, les services que vous proposez. Peut être quelques photos et vidéos qui pourraient inciter des nouveaux clients à vous rendre visite. Aussi, en créant une page sur les réseaux sociaux, tels que Facebook, Twitter, google+, sur laquelle vous pourrez publiez des posts reflétant la vie interne du cabinet, des photos de vos activités afin de montrer aux clients une autre image de l'avocat et de tisser des liens plus forts avec eux. Bien plus, vous pouvez twitter des messages sous forme de commentaire d'actualité, ou suivre sur LinkedIn l'évolution professionnelle de vos clients. Aussi vous pouvez opter pour un Blog, sur lequel vous publierai régulièrement des sujets d'actualité, des sujets se rapportant à vos spécialités, ou encore des conseils pratiques sur des sujets donnés. Mais n'oubliez pas!! Tous cela doit être fait dans le stricte respect de la déontologie, avec délicatesse, dignité et avec le plus de sobriété possible.
Deuxièmement: Prenez place sur les réseaux sociaux
Quelque soit le type de présence numérique pour lequel vous avez opté( site web, blog ou réseaux sociaux), être présent sur les réseaux sociaux reste indispensable pour atteindre un large public.
Les plate formes les plus performante pour les avocats sont LinkedIn, Facebook, Twitter et Google+.
Une fois que vous avez créé un profil sur chacun d'eux ( dans le meilleur des cas) ou sur celui qui vous permettra de développez au mieux votre présence et choisi une photo qui vous met le plus en valeur; commencez à partager du contenu, des informations pertinentes. Si vous avez un blog ou un site web, partagez également leur contenu via votre page de réseau social.
Essayez également de rejoindre des groupe publics pour obtenir une plus grande exposition et élargir votre réseau professionnel.
Troisièmement: Gérez vos publications et Evaluez les
Avoir une présence numérique ou utiliser les réseaux sociaux ne suffisent pas à eux seuls. Encore faut-il produire et publier des contenus pertinents et attrayants et les évaluer, afin d'éviter d'être contre productif voir de nuire à votre activité. Parmi ces erreurs à éviter, il y a par exemple: publier des contenus ennuyeux et répétitifs; ne poster que tous les trois mois ou, à l'inverse, se laisser dépasser en postant bien trop souvent.
Première règle: Planifier vos publications
Gérer un site internet, tenir un blog, ou encore gérer une page d'un réseau social dans le cadre d'une activité professionnelle et différent d'avoir un blog personnel ou un compte sur un réseau social à des fins récréatives.
En effet, cela nécessite un certain engagement. Il faut non seulement veillez minutieusement à la qualité de ce que vous y postez mais aussi à leur pertinence. Ayez donc un calendrier des publications. Préparez vos articles et vos post à l'avance. Evitez les coups de tête irréfléchis!
Deuxième règle: Eviter d'être trop technique et Ennuyant
En effet, les gens se connectent pour partager des nouvelles, des conseils, des vidéos et images amusantes, etc. Ils n'ont pas envie de lire, de voir ou d'écouter des contenus trop techniques ou ennuyeux, cela est lassant.
Dites vous que toute personne qui vous suit sur les réseaux sociaux, s'interesse déjà à vous. Inutile d'en faire trop. Contentez vous de leur offrir une expérience plaisante et de conserver leur attention.
Ainsi, informez simplement vos abonnés sur certains aspects juridiques de l'actualité, les changements législatifs; le regard du droit sur certains faits sociaux à la une etc. Vous n'avez pas besoin de reproduire vos cours de Droit pour obtenir de l'audience.
Troisième règle: Interagissez avec votre public
Les internautes n'aiment pas être envahis par des messages à sens unique et agressifs. Ils aiment interagir, faire des commentaires, demander des compléments d'information. Aussi, étant dans le monde juridique, ils voudront se sentir écoutés, présenter leurs cas. Veillez à assurer un suivi des commentaires et élaborer une stratégie de réponse.
Bien plus, lorsqu’on « surfe » sur le Net, force est de constater l’existence des sites d’avocats et des certaines professions qui se livrent aux consultations en lignes, offrent explicitement la possibilité d’être interrogés par e-mail. D’autres qui proposent des consultations bénévoles en précisant qu’ils ne répondent seulement qu’aux questions brèves et que la réponse se veut seulement une indication très courte et non une consultation[5]D’autres encore proposent des consultations gratuites par e-mail.[6] Pourquoi ne pas envisager des telles possibilités? Précisons ici que L’avocat offrant des consultations bénévoles en ligne ne se livre pas, selon une certaine doctrine[7], au démarchage ou à la sollicitation dans la mesure où il n’effectue pas de « proposition personnalisée ». C’est l’internaute qui prend l’initiative de poser sa question à l’avocat. Dans tous les cas, gardez constamment à l'esprit la nécessité d'être présent sur internet avec dignité, délicatesse et discrétion.
Quatrième règle: Evaluer votre action
Il est indispensable d'évaluer les conséquences de vos efforts sur votre activité. A l'aide des outils mis à votre disposition par les réseaux sociaux, vous pourrez constater directement les retombées de votre présence sur les réseaux sociaux et découvrir lesquels ont le plus d'impact.
Evitez que votre expérience dans le monde numérique ne se transforme en catastrophe, ce n'est pas bien compliqué: restez vous même, répondez aux commentaires, concentrez vous sur la pertinence de vos publications, faites preuve de cohérence et mesurez vos résultats. En suivant ces quelques conseils, vos efforts seront couronnés de succès.
Je finis cet article par cette question: où les internautes trouvent-ils des renseignements utiles sur le droit congolais ? Qu’on se le dise, les internautes commencent tout naturellement à rechercher les informations juridiques sur le Net. Or, il demeure indiscutable que les juristes occidentaux ne renonceront et ne cesseront jamais de créer de sites destinés à donner des consultations sur les droits des pays africains[8]. Ils sont encouragés dans leur démarches par la faible présence des Juristes Africains, plus particulièrement congolais ,en ce qui nous concerne, sur la toile.
Pourtant, au fur et à mesure qu’il gagne le terrain, l’Internet impose sa logique qui conduit les internautes à développer des habitudes de nature virtuelle. Peu nombreux seront encore les internautes enclins à se déplacer jusque dans un cabinet d’avocat aux fins de requérir une consultation juridique. Ainsi, plusieurs "Legaltech[9]" voient le jour à travers le monde, et même en rapport avec le Droit Africain (notamment www.legalsoba.com spécialisé dans le droit ohada) faisant ainsi directement concurrence à la profession d'avocat. D'où je lance ce cris d'appel à vous , jeunes avocats congolais, emparez vous de la toile, soyez des avocats de l'ère du numérique, soyez des Avocats 2.0. Mais surtout, n'oubliez pas: une publicité personnelle est admise à l’avocat congolais, uniquement dans la stricte mesure où elle se borne à procurer au public une information dans la discrétion et la dignité
[1]Il sied de noter aussi que l’article 63-VI du règlement intérieur cadre des Barreaux congolais interdit «toute recherche d’une publicité personnelle de l’avocat. Il lui est aussi défendu de « donner son assentiment exprès ou tacite à toute forme de publicité professionnelle qui lui serait offerte ou d’alimenter celle-ci par quelque moyen que ce soit ».
[2] En France, la publicité est permise à l’avocat dans la mesure où elle procure au public une nécessaire information. Les moyens auxquels il est recouru à cet effet doivent être mis en œuvre avec discrétion de façon à ne pas porter atteinte à la profession et doivent être communiqués au Conseil de l’ordre; . Au Québec, la publicité d’avocat est permise. Elle est cependant soumise à plusieurs restrictions et obligations. Il est par exemple interdit aux avocats québécois de faire ou de permettre que soit faite, par quelque moyen que ce soit, de la publicité fausse, trompeuse, incomplète ou susceptible d’induire en erreur. L’avocat ne peut, dans sa publicité, utiliser ou permettre que soit utilisé un témoignage d’appui ou de reconnaissance qui le concerne; En Belgique, le règlement de l’Ordre National des avocats du 19 décembre 1996 a modifié l’article 3 du règlement relatif à la publicité. Par cette modification, les avocats belges sont autorisés à ouvrir leur site web. Ce règlement prévoit aussi que l’avocat est autorisé à porter à la connaissance de ses clients, ou à des tiers qui en font la demande, des renseignements écrits. Ces renseignements, quel qu’en soit le support (Internet, CD-Rom, CD-I, etc…), ne peuvent être imprimés ni diffusés sans que le projet ou le bon à tirer n’ait été préalablement approuvé par le Conseil de l’Ordre des avocats dont il relève
[3] Mbuy Mbiye, La profession d’avocat au Zaïre, Ntobo, Kinshasa, 1990, p. 126.
[4] Par démarchage, on entend le fait d’offrir des services en vue de donner des consultations, de rédiger des actes en matière juridique, d’entreprendre une action judiciaire ou de provoquer à la souscription d’un contrat aux même fins, notamment en se rendant personnellement ou en envoyant un mandataire soit au domicile ou à la résidence d’une personne, soit sur les lieux de travail, de repos, de traitement ou dans un lieu public. Et par sollicitation, on entend une proposition personnalisée de prestation de services effectuée par un avocat sans qu’il y ait été préalablement invité
[7] notamment celle de Me. Emery Mukendi Mfuana l'un des rares avocats congolais très présent sur internet
[8] Emery Mukendi W.; Avocat congolais sur internet: Information ou publicité?, Revue Juricongo
[9] Legaltech, en français technologie juridique ou technologie au service du droit. Fait référence à l'usage de la technologie et des logiciels pour offrir des services juridiques.