Dans la sphère judiciaire congolaise, à côté des Avocats (connus de tous et par tous) ; il y a les défenseurs judiciaires (mal connus ou pas connus du tout).D’où pour expliquer ce qu’un défenseur judiciaire on fait souvent référence aux Avocat de première instance qui existe en France, qui reste, malgré quelques similitudes, différent au défenseur judiciaire congolais. Ainsi, dans ce premier article, je me propose de présenter la profession de défenseur judiciaire.
Pour la petite histoire, depuis l’ l’E.I.C (Etat indépendant du Congo) en passant par le Congo-belge jusqu’à l’indépendance du Congo en 1960, très peu d’avocats exercés au Congo (chose qui s’est compliqué avec les désordres politiques post indépendance qui ont causés le retour des beaucoup des avocats belges dans la métropole). D’où le législateur a admis les anciens agents des cabinets d’avocats belges établis au Congo à exercer la défense des justiciables qui le désiraient. Ils avaient quelques notions de droit et pouvaient imiter leurs anciens patrons. En 1968, ils furent regroupés en un corps régi par la loi et appelé « Défenseurs judiciaires » (Le corps). Ce corps fut reconduit en 1979 suite à la pénurie persistante des avocats dans le pays.
On le voit, à l’instar des avocats, c’est l’ordonnance-loi n°79 du 28 Septembre 1979 qui organise la profession de défenseurs judiciaires (Plus particulièrement les articles 125 à 142). Il ressort de ses articles que :
- Les défenseurs judiciaires sont des auxiliaires de justice, chargés d’assister ou représenter les parties, postuler, conclure et plaider devant les tribunaux de paix et les tribunaux de grande instance (ainsi que ceux qui en ont le rang : tribunal de commerce, tribunal du travail, tribunal pour enfant, tribunal militaire de garnison).
Toutefois, lorsque les circonstances le permettront, le président de la République pourra, sur proposition du président du Conseil judiciaire, procureur général de la République, mettre fin à l’existence du corps des défenseurs judiciaires (art 125) ;
- Les défenseurs judiciaires n’exercent leur ministère que devant les tribunaux de grande instance auprès desquels ils ont été inscrits ainsi que devant tous les tribunaux de paix faisant partie du ressort desdits tribunaux.
Toutefois, sur décision du président de la Cour d’appel, le procureur général entendu, ils peuvent être admis à plaider devant tous les tribunaux de paix et les tribunaux de grande instance du ressort de la Cour d’appel dans lequel se trouve le tribunal de grande instance près duquel ils sont inscrits (Art 126) ;
- Dans les limites de leur compétence, les défenseurs judiciaires jouissent de toutes les prérogatives reconnues aux avocats. Aussi, les interdits applicables aux avocats sont également applicables aux défenseurs judiciaires (Art. 136 et 138) ;
- Le président du tribunal de grande instance est chargé de tenir à jour le tableau des défenseurs judiciaires et d’en assurer l’affichage permanent dans un endroit du palais de justice accessible au public. Il est assisté dans cette tâche par le syndic et la chambre de surveillance qui veillent à la moralité du corps(Art 128 et 135) ;
- Les conditions d’accès à la profession sont : être au moins gradué en droit (Le graduat en droit congolais correspond aux trois ans d’études universitaires qui précèdent les deux ans de la licence en Droit ), être Congolais, être de bonne vie et mœurs ( n’avoir pas été condamné pénalement ou sanctionné administrativement).
Il est statué sur l’admission au tableau par le tribunal de grande instance siégeant à trois juges, au moins, et en chambre du conseil, le procureur de la République entendu (Art 129 et 130) ;
- Pour ce qui est du régime disciplinaire, c’est le tribunal de grande instance qui siège en chambre du conseil et à trois juges au moins qui peut, sur réquisition du procureur de la République, après avoir entendu ou appelé le défenseur inculpé, avertir, réprimander, interdire d’exercer pour un temps qui ne peut excéder un an ou rayer du tableau des défenseurs judiciaires. (Se saisissant d’office, sur plainte ou sur dénonciation du procureur de la République, de la chambre de surveillance, d’un défenseur, d’un magistrat ou d’un tiers) (Art 139);
Pour l’heure, il faut admettre que la profession a un caractère provisoire, parce que le Président de la république peut, le jour où il sera jugé que le nombre d’avocats est suffisant, mettre fin à l’existence du corps. D’où les syndics des différents corps des défenseurs judiciaires de la RDC mènent un plaidoyer pour la modification de la loi sous examen afin que le corps de défenseurs judiciaires soit permanent et ait plus d’autonomie en plus du fait que les défenseurs judiciaires puissent circuler librement sur toute l’étendue du territoire national. Bref, la réorganisation du corps.
Il sied de préciser que de nos jours, la majorité des défenseurs judiciaires sont des licenciés en Droit qui préfèrent soit commencer par le corps avant d’aller au barreau (afin d’avoir de l’expérience et d’être dispenser de deux ans de stage), soit préfèrent évoluer au sein du corps qui est (il faut l’admettre) moins rigoureux par rapport à certaines exigences déontologiques que le barreau.
Aussi, face aux barreaux qui organisent les tests suivant un cycle de trois ans et la magistrature dont le recrutement est tributaire à la politique, les jeunes licenciés en Droit, qui brulent de désir de faire leurs preuves dans le domaine judiciaire, trouvent dans ce corps une opportunité à saisir. Surtout que les défenseurs judiciaires font le même travail que les avocats à la différence qu’ils sont soumis à des limites quant à leur compétence territoriale, outre le fait qu’ils portent à l’audience la robe noire sans chausse (mais avec le rabat blanc).
De manière laconique voilà ce que c’est un défenseur judiciaire.