Dans un arrêt du 13 novembre 2018, la Cour d’appel de Versailles a condamné une banque car celle-ci avait débloqué les fonds sans même vérifier la validité des bons de commande et la régularité du certificat de livraison.
Au cas particulier, le 6 juillet 2013, après avoir été démarché par la société X, un consommateur a signé un bon de commande de 22.900 euros pour l'achat de 12 panneaux photovoltaïques et leur pose sur un abri de jardin.
Le bon de commande mentionnait que le raccordement de l'onduleur au compteur de production, l'obtention du contrat de rachat d'électricité produite et les démarches auprès du conseil d'Etat (obtention de l'attestation de conformité) incombaient à la société X.
Pour financer cet achat, le bon de commande prévoyait un crédit affecté proposé par une banque.
Le 6 juillet 2013, la société X, a fait signer au consommateur une offre de prêt auprès d’une banque pour financer la centrale photovoltaïque.
Le 31 juillet 2013, la société X a procédé à la livraison et à la pose des panneaux photovoltaïques.
Une attestation de livraison - demande de financement' et un second bon de commande ont été signés le 31 juillet 2013, (étant précisé que le deuxième bon avait pour objet de corriger une erreur de rédaction du premier bon concernant la durée de financement de prêt).
Le 13 août 2013, le prêteur a délivré les fonds directement entre les mains de la société X au vu du bon de commande et de l'attestation de livraison signés le 31 juillet 2013. Le même jour, la société X a adressé une facture au consommateur.
Début janvier 2014, la société ERDF a adressé un devis pour le raccordement de l'installation photovoltaïque dont la moitié de son montant a été acquittée par la société X.
Le raccordement a été réalisé et mis en exploitation, la société ENEDIS, chargée des travaux de raccordement et de mise en service, restant depuis dans l'attente de la mise en service de l'installation qui était conditionnée notamment par le règlement du solde de sa facture et l'achèvement des travaux de pose et raccordement de l'installation de production.
N'ayant pas eu de réponse à ses demandes d’informations relatives aux démarches de raccordement, le consommateur a adressé un courrier à la banque afin d'une part, l’aviser des problèmes survenus avec la société X au sujet du raccordement et d'autre part, de solliciter l'annulation du bon de commande et enfin de demander la transmission des documents contractuels et la suspension des prélèvements.
La banque a communiqué divers éléments au consommateur, lequel a constaté que les pièces en sa possession n’étaient pas identiques.
Le consommateur a assigné le liquidateur judiciaire de la société X ainsi que la banque devant le Tribunal d’instance compétent, aux fins de voir (principalement et sous le bénéfice de l'exécution provisoire) prononcer l'annulation du contrat de vente et du contrat de prêt affecté et condamner le prêteur à lui restituer les sommes déjà versées.
Le consommateur a obtenu satisfaction devant le Tribunal d’instance.
La banque a formé un recours à l’égard de cette décision devant la Cour d’appel de Versailles.
Les juges d’appel ont confirmé l’analyse retenue par le juge de 1ère instance.
Sur la nullité du contrat de vente :
La Cour a notamment considéré que les bons de commande n’étaient pas conformes aux dispositions du Code de la consommation relatives aux démarchages à domicile du fait que diverses mentions n’étaient pas indiquées, à savoir :
- « le délai dans lequel doivent être réalisées les démarches administratives, et ce sur les deux bons,
- la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés, (…) ».
Sur le second bon de commande, la Cour a retenu que : « la marque n'est pas non plus indiquée, aucune case n'étant cochée pour ce qui est des panneaux, il y a seulement une sorte de cachet au paragraphe ' autres observations' faisant mention cette fois de ballons thermodynamiques, avec un choix de marques, mais là non plus, aucune case n'est cochée, le nom du démarcheur venu sur place n'étant pas mentionné (…). »
En conséquence, la Cour confirme le jugement de 1ère instance en ce qu’il avait prononcé l’annulation des bons de commande et de fait la nullité du contrat de vente conclu entre la société X et le consommateur.
Sur la nullité du contrat de crédit affecté
Au visa de l’article L 311-32 (ancien) du code de la consommation, la Cour a confirmé la décision du premier juge en ce qu’il a constaté l’annulation du contrat de crédit affecté suite à l’annulation du contrat de prestation de vente.
Sur la restitution du capital et les demandes au titre des échéances
La Cour d’appel de Versailles a notamment estimé que :
« (…) En l'espèce, il est constant que la [banque ]a proposé [au consommateur] un contrat de financement sur la base d'un bon de commande, en fait deux, comportant de graves carences au regard des dispositions protectrices édictées en faveur du consommateur, comme dit plus haut, en sorte qu'elle a bien commis une faute.
En effet, le démarchage à domicile constitue le cadre habituel des contrats dont l'objet est, comme en l'espèce, l'installation de panneaux photovoltaïques pour produire de l'électricité, la [banque] se devait, en présence d'un bon de commande incomplet ou de deux bons différents qui ne comportaient pas notamment le délai dans lequel les démarches administratives devaient être réalisées et la description précise des biens, aucune marque n'étant précisée, alors qu'elle sait que la société [x] n'est qu'un installateur, refuser de financer cette opération conclue sur la base d'un contrat affecté à l'évidence d'une cause de nullité, et ce d'autant que l'opération portait sur plus de 20.000 euros. Elle a donc fait preuve de négligence fautive.
(…)
La banque aurait dû, avant de délivrer les fonds, s'assurer que le contrat avait bien été exécuté dans son entier, elle a donc là encore, commis une négligence fautive en ne s'en assurant pas, ses arguments qui sont notamment de faire valoir que la livraison était parfaite à compter de l'installation des éléments matériels, n'étant pas pertinents dans la mesure où cet élément ne résulte pas clairement du contrat.
Même si le raccordement et les diverses démarches administratives étaient à la charge de la société [X], aux termes des bons de commande, cette prestation faisait partie intégrante du contrat initial en sorte que [ la banque] est mal venue à prétendre qu'elle n'aurait pas commis de faute sur ce point.
Les fautes commises sont bien en lien avec le préjudice subi, savoir une installation qui ne fonctionne pas.
La faute commise ainsi par le [prêteur] a pour conséquence de lui interdire de solliciter le remboursement du capital prêté et la [banque ] sera donc déboutée de sa demande de remboursement du capital prêté, et aussi de sa demande tendant à voir condamner [ le consommateur] à reprendre le remboursement du prêt et à régler les échéances échues impayées, soit la somme de 5 933,44 euros arrêtée au 11 juin 2018, le contrat étant annulé.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que [ le consommateur] n'est plus tenue de rembourser le crédit à la [banque] ».
Sur la restitution des échéances du prêt payées par le consommateur
La Cour a confirmé la décision du premier juge en ce qu’il a condamné la banque à rembourser au consommateur les sommes versées par lui au titre du contrat de crédit.
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Cet arrêt s’inscrit dans le cadre de la jurisprudence la plus récente rendue en la matière par la Cour de cassation qui considère que les établissements financiers sont désormais tenus d’assumer pleinement le risque de non-conformité des biens financés. (Cass.1ère civ. 27 juin 2018, n° 17-16352).
Naturellement, le cabinet MPMCT se tient à votre disposition pour vous conseiller en matière de contentieux photovoltaiques.
Matthieu PUYBOURDIN
Avocat à la Cour
MPMCT AVOCATS A.A.R.P.I.
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