Il n’est pas rare que des employeurs - quelles que soient leur envergure, leur forme : PME, particuliers, grosses sociétés - sollicitent la production, par le candidat, de son casier judiciaire (ou plus exactement de l’extrait de ce casier, dit Bulletin n°3, que l’on peut se procurer sur le site www.cjn.justice.gouv.fr).
Mais peuvent-ils toujours le faire ?
Par principe et en théorie, non.
Les dispositions de l’article L.1121-1 du Code du travail circonscrivent les pouvoirs « d’intrusion » de l'employeur dans la vie personnelle du salarié. Elles s’inscrivent dans la droite lignée du principe fondamental du droit au respect de la vie privée de chaque individu.
Sauf à ce que ce ne soit « justifié par la nature de la tâche à accomplir, et proportionné au but recherché », l’employeur ne doit pas s’adonner à cette ingérence.
Du reste, pour rappel, les informations requises lors de l’embauche d’un salarié doivent avoir pour seul but d’apprécier ses qualités professionnelles et l’adéquation de sa personnalité avec le poste proposé.
Dans cette logique, la Cour de cassation a jugé que le candidat à l’embauche n’avait pas l’obligation de mentionner ses antécédents judiciaires ; il ne pouvait donc pas être licencié ensuite pour avoir caché lors de l’entretien, une ancienne condamnation pénale.
Par exception et en pratique, oui.
Certaines activités professionnelles justifient, de par leur nature-même, que le maximum de renseignements soient pris autour du salarié, pour assurer la sécurité tant du public que des autres collaborateurs.
- La production du casier judiciaire est ainsi rendue obligatoire dans les entreprises de surveillance, de gardiennage, et de transport de fonds.
- Elle l’est également pour les employés de Banque.
D’une façon plus générale, le casier judiciaire peut être produit dès lors que l’employeur justifie sa demande, notamment au regard des missions de l’emploi à pourvoir, de l’activité de l’entreprise, de la confidentialité de ses données ou encore de son relationnel avec le public.
Bref, souvent.
A noter :
Passée l’étape du recrutement, la question de la production du casier judiciaire peut ensuite se poser au moment des élections des représentants du personnel.
L’éligibilité est conditionnée à l’absence de toute interdiction, déchéance, ou incapacité relative aux droits civiques.
Pour autant, les salariés étant présumés jouir de leurs droits civiques, l’employeur ne peut pas exiger des candidats la production de leur casier judiciaire.
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Qu’apprendra concrètement l’employeur à la lecture dudit casier ?
Généralement, il n'est demandé de fournir que le « Bulletin n°3 ».
Le B3 ne comporte que les condamnations les plus graves et les peines privatives de liberté (certaines déchéances, les condamnations pour des crimes et délits supérieures à 2 ans d’emprisonnement sans sursis, etc.).
En d’autres termes, seuls seront présentés les faits dont la connaissance par l’employeur pourrait avoir un réel impact sur la décision d’embauche, au regard de l’objectif de sécurité.
Les infractions mineures, même si elles sont provisoirement portées sur le B1 du casier judiciaire, ne seront pas portées à la connaissance de l’employeur (qui enfreindrait la limite due au respect de la vie personnelle du candidat en l’interrogeant dessus).
Idem pour celles du Bulletin n°2.
Elles ne sont pas considérées comme pouvant influer sur la relation de travail, mais simplement comme relevant de la vie personnelle du salarié. En application des dispositions légales précitées, l’employeur n’a pas à en connaître et ne peut pas fonder, sur elles, sa décision d’embauche.
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Le contexte de crise et de méfiance actuel pousse à prendre des précautions parfois excessives. Il est donc impératif de rester très vigilant pour éviter toute dérive. Attention alors à la systématique radiographie intégrale de la personnalité du salarié !
Une acceptation trop naïve de la production des documents demandés à l’embauche peut dévier sur la divulgation d’informations totalement personnelles, qui n’ont pas leur place dans le cercle professionnel.
Porte ouverte et pente glissante vers les discriminations prohibées par le Code du travail, vigilance !
Sources : Articles L.1121-1, L.1132-1, L.1221-6, L.2314-15 et L.2314-16 du Code du travail ; Article 9 du Code civil ; Loi n°83-629 du 12 juillet 1983 ; Article 18 CCN Personnel de Banque ; Cass. soc. 25 avril 1990, n°86-44148 ; Cass. soc. 1er décembre 2010, n°10-60163 ; Cass. soc. 25 octobre 1978, n°78-60693.
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