Depuis le 10 septembre 2014, les médicaments fortement dosés en Dompéridone (20 mg et plus) dont le célèbre Motilium® ont été retirés du marché par décision de l'Agence Nationale du Médicament (L'ANSM).
Ce retrait fait suite à la dénonciation par la revue spécialisée « Prescrire » le 19 février 2014 des effets néfastes de la molécule, responsable selon elle de 25 à 120 morts subites en France en 2012, et ce pour une efficacité modeste.
Censée combattre vomissements et nausées, la molécule entraîne des risques d'effets indésirables cardiaques graves, comme l'a confirmé par la suite l'ANSM.
A la suite de ces révélations le débat s'est focalisé sur l'existence de solutions palliatives à l'utilisation de Motilium®. Il a été démontré que ceux-ci sont nombreux du Vogalene® aux traitements contre le mal de mer (bien que concernant VOGALENE, celui-ci ait été dénoncé par ladite revue comme facteur d'augmentation du risque cardiaque)
Cela met à mal un argument classique des défenseurs de médicaments sur la sellette, brandissant la crainte du « vide médical » qu’entrainerait un retrait.
En l'occurrence, le risque est d'autant plus disproportionné que la molécule ne traite que des symptômes qui n'emportent pas de risques de mort du malade, comme le relève la revue « Prescrire ».
Les scandales médicaux s'enchaînent et se ressemblent, défrayant régulièrement la chronique.
Cette décision de retrait nous semble l'occasion de faire un point sur les missions de l'ANSM et son efficacité.
Pour schématiser, l'ANSM a deux missions principales : elle a un rôle préventif et un rôle réactif de gestion du risque.
L'ANSM est chargée par le code de la santé publique de « participer à la préparation et à l'application des lois et règlements » relatifs au commerce des médicaments et aux mesures de santé publique.
Elle met au service des décideurs politiques ses compétences, scientifiques et techniques dans le cadre de la réalisation de la politique de santé publique.
L'ANSM dispose également d'un pouvoir de décision propre, c'est elle qui fixe les règles de bonnes pratiques qui encadrent la conservation des médicaments, leur commerce, la conservation.
Elle encadre la recherche sur les médicaments et en pose les exigences.
Enfin son rôle préventif recouvre aussi le pouvoir de délivrer l'agrément de mise sur le marché du médicament, pour ce faire elle dispose d'une délégation de pouvoir de l'Etat.
Pour être commercialisé, un médicament doit en effet obtenir une « autorisation de mise sur le marché ». Celle-ci pourra être obtenue suite à des essais cliniques, menés avec l'autorisation et sous le contrôle de l'ANSM.
Les critères de validation de ces essais cliniques sont drastiques. Sont contrôlés par l'ANSM, le lieux de leur réalisation, les modalités opératoires des tests, les tests de conservation, de conditionnement.
L'autorisation de mise sur le marché doit être accompagnée du résumé des caractéristiques du produit et de la notice pour le patient.
Si l'autorisation de mise sur le marché est délivrée le médicament n'en reste pas moins surveillé.
Il est évalué en permanence afin de relever les effets secondaires indésirables qui n'auraient pas été révélé par les contrôles préalables.
Le rapport entre le bénéfice thérapeutique et les risques soulevés par le médicament est calculé afin de voir l'opportunité de la présence du produit sur le marché.
Un médicament qui ferait peser un risque trop important sur les consommateurs peut voir sa diffusion restreinte, ou connaître une modification des indications obligatoires.
Enfin arme ultime, l'ANSM peut en cas de risque sanitaire procéder au retrait de son autorisation de mise sur le marché.
Dans son rôle pro-actif, de gestion du risque, l'ANSM peut prendre l'initiative de retirer du marché un médicament qui présenterait des risques avérés pour les consommateurs ou sur lequel pèserait de graves suspicions.
Le pouvoir de gestion du risque de l'ANSM s'exprime de deux manières. D'une part, elle peut prendre ou demander aux autorités compétentes de mettre en oeuvre toute mesure de police sanitaire nécessaire lorsqu'est caractérisée une menace pour la santé de la population.
Plus couramment, l'ANSM prendra en charge le retrait de la circulation des médicaments dès lors qu'elle caractérise un danger certain ou hautement probable pour les consommateurs.
Pour s'engager dans une démarche restrictive de la circulation d'un médicament voir du retrait de celui-ci du marché l'ANSM doit relever une nocivité du médicament dans les conditions normales d'emploi, ou encore un défaut de l'effet thérapeutique prétendu.
De plus, un médicament peut être sous le coup d'une action de l'ANSM si sa composition ne correspond pas aux déclarations enregistrées, si les renseignements fournies sont trompeurs ou erronés, si les conditions de la mise sur le marché ne sont pas respectés, si les conditions d'étiquetage, de conditionnement, ou la notice du médicament ne sont pas conforme aux normes que l'Agence a posées dans sa fonction préventive.
Il y a une gradation dans la réponse de l'ANSM en fonction de l'évaluation de la gravité mis en rapport avec le bénéfice attendu du médicament.
Il doit être précisé que ces mesures restrictives, sauf en cas d'urgence, ne peuvent être prises qu'après avoir recueilli les observations de toute personne intéressée à la production ou la vente de ces médicaments.
L'ANSM peut prendre l'initiative de diffuser des précautions d'emploi ou des mises en garde, auprès des praticiens et du grand public via ses publications, c'est la réponse la plus mesurée de l'Agence, lorsque le médicament présente des risques qui peuvent être circonvenus par une meilleur information du public et des praticiens.
La suspension d'un médicament peut être autorisé lorsque le produit présente un risque hautement probable ou avéré sur la santé humaine, l'ANSM peut prononcer jusqu'à six mois de suspension, le temps que soit mis en oeuvre des mesures propres à faire disparaître ce risque.
A l'issue du délai, si les mesures nécessaires à circonscrire le risque n'ont pas été prises, l'ANSM peut prononcer une nouvelle suspension ou prendre toute mesures propres à faire disparaître le risque.
Ce qui nous mène à la possibilité pour l'ANSM en cas de problème médical grave et persistant, notamment en cas de risques létaux à l'utilisation du médicament, d'interdire son utilisation.
Techniquement, l'ANSM retire l'autorisation du marché du médicament ou d'un groupe de médicament utilisant la même molécule.
Elle peut limiter l'interdiction aux médicaments dépassant une dose jugée dangereuse de ladite molécule, comme c'est le cas pour la Dompéridone.
Dans ce cas, les stocks de médicaments nocifs devront être détruits.
On le voit l'ANSM est au coeur de la protection du consommateur de médicaments, il n'en reste pas moins que seule l'Agence peut imposer un cadre et des sanctions strictes face aux professionnels du médicaments.
L'ANSM est régulièrement décriée pour son manque de réactivité. Censée être le garde-fou de la santé des consommateurs de médicaments, elle se retrouve fréquemment dans la situation, comme c'est le cas pour la Dompéridone, de réaction par rapport à un danger révélé par la presse spécialisée, d'initiatives individuelles du secteur privé plus généralement. Cela soulève des questions plus délicates telles que celle des budgets toujours plus restreints, de la liberté d’action de l'agence, de la modernisation du fonctionnement, dans un souci de respecter un impératif qui ne devrait souffrir aucune concession : la protection de la santé des malades.
Swéta PANNAGAS
Avocat
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