L’acquisition d’un fonds de commerce est une opération économique conséquente, intervenant souvent grâce à un endettement important ou en investissant des fonds économisés sur de longues années.
La revente dudit fonds de commerce doit donc être sécurisée. La question de la sécurisation de la vente se pose notamment au niveau du paiement du prix qui se veut parfois à crédit.
Le vendeur du fonds de commerce doit s’armer de vigilance en prenant plusieurs précautions :
- La première est de faire appel à son propre Conseil et d’éviter de passer par un Conseil commun aux deux parties (cédant et cessionnaire).
D’ailleurs, l’usage en la matière a fait que le recourt à un deuxième Conseil ne génère aucun frais supplémentaire pour le vendeur. L’acquéreur règlera les mêmes honoraires en présence d’un seul ou de deux Conseils. Un partage des honoraires s’opère entre les deux avocats.
- La deuxième précaution est de prendre des cautions personnelles auprès des dirigeants de la personne morale candidate à l’acquisition tout en vérifiant leur capacité financière.
- La troisième et principale précaution est de prévoir sur le fonds de commerce des suretés et garanties suffisantes au-delà du fameux nantissement et la clause résolutoire.
En effet, en cas de déconfiture du cessionnaire, ces inscriptions s’avèreront obsolètes. Dès l’ouverture d’une procédure de redressement ou liquidation judiciaire, les chances de recouvrer la créance restante due au titre du prix de vente de fonds de commerce s’amenuise jusqu’à son anéantissement par la clôture de la procédure pour insuffisance d’actif.
Le caractère privilégie de la créance ne sera donc, en pratique d’aucun secours au créancier en absence d’actifs suffisants et notamment face à une file de créanciers autant protégés que le cédant du fonds de commerce.
A ce titre l’article 78 de la loi du 25 janvier 1985 prévoit :
« En cas de vente d'un bien grevé d'un privilège spécial, d'un nantissement ou d'une hypothèque, les créanciers bénéficiaires de ces sûretés ou titulaires d'un privilège général sont payés sur le prix après le paiement des créances garanties par le privilège établi aux articles L. 143-10, L. 143-11, L. 742-6 et L. 751-15 du code du travail (le superprivilège des salariés) ».
L’ordre sera donc entre les créanciers de 1er rang comme suit :
- Les salariés
- Les créanciers bénéficiaires de sûretés (privilège spécial, d'un nantissement ou d'une hypothèque) ou titulaires d'un privilège général
- Aussi, sur l’actif total de l’entreprise, l'ordre légal de préférence entre les créanciers, notamment en application de l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985 :
- Les créanciers superprivilégiés : les salariés.
- Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture
- Les créanciers privilégiés : les organismes bénéficiant de garanties particulières données par la loi, par exemple, le Trésor Public, les caisses sociales ainsi que ceux titulaires d’inscription de nantissement ou privilège.
A la fin de cette file, viennent les créanciers chirographaires, ne bénéficiant d’aucune protection et garanties particulières.
Il apparait donc que le nantissement du fonds de commerce ainsi que l’inscription du privilège du vendeur ne peuvent s’avérer efficaces dans le sens où dans les meilleurs des cas, le vendeur du fonds de commerce inscrit, se trouvera à partager le prix de vente de fonds du commerce avec les autres créanciers inscrits et avec les privilégiés de droit (les organismes de l’ETAT) et surtout après le paiement des créances salariales.
Il est rappelé à ce titre que le vendeur du fonds de commerce qui n’a pas inscrit son privilège lors de la cession peut passer du statut de créancier chirographaire à celui de privilégié grâce au dernier alinéa de l’article 57 de la loi précitée et qui prévoit que dès le jugement d’ouverture du redressement judiciaire, aucun privilège ou nantissement ne peut être pris sauf celui au profit du vendeur du fonds de commerce.
Or, cette possibilité de recouvrer un rang privilégie n’est malheureusement pas efficace dans les faits pour les raisons qu’on a expliquées plus haut.
Il est donc vivement conseillé de mettre le fonds de commerce à l’abri de cette concurrence en prévoyant dans le contrat de cession du fonds de commerce la clause de réserve de propriété qui ouvrira le droit au vendeur du fonds de commerce de revendiquer le fonds dont conservé la propriété jusqu’au paiement intégral de son prix.
L’article L 624-16 du code de commerce précise néanmoins que la clause de réserve de propriété « doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison ».
Il ne faut donc pas hésiter à imposer à l’acheteur du fonds de commerce cette condition avant de lui accorder la possibilité de régler le prix du fonds cédé à crédit.
Bien naturellement, les inscriptions d’usage en nantissement, privilège du vendeur ou action résolutoire sont à prévoir puisqu’elles conserveront toute leur efficacité face à un débiteur récalcitrant qui n’est pas concerné par les procédures collectives et qui tient à conserver son activité.