L’obligation d’adaptation des salariés trouve son origine dans la jurisprudence. C’est dans l’arrêt Expovit en date du 25 février 1992 que la Cour de cassation a posé le principe suivant : « l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, a le devoir d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois » (Cass.Soc., 25 fév 1992,n°89-41.634).
Par la suite, la loi n°2000-37 du 19 janvier 2000 remaniée par la loi n°2004-391 du 4 mai 2004 a mis en place une obligation générale d’adaptation, et ce, via l’article L.6321-1 du Code du travail.
Selon cet article : « L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations […] ».
L’employeur doit donc à la fois s’assurer que son salarié puisse suivre les évolutions de son poste de travail et faire en sorte qu’il puisse occuper un emploi au-delà du poste qu’il occupe. Néanmoins, le système lui permettait parfois de s’en exonérer.
Récemment, la Cour de cassation est venue renforcer cette obligation d’adaptation.
Dans un arrêt du 5 juin 2013 (Cass.Soc., 5 juin 2013, n°11-21.255), la Cour de cassation a condamné un employeur qui n’avait pas fait bénéficier à son salarié de la moindre formation alors même que celui-ci avait une ancienneté de 16 ans dans son entreprise. Dans cette affaire, les Hauts magistrats précisent que même dans le cas où le salarié n’aurait pas vu son poste évoluer depuis son embauche, l’employeur ne pouvait s’exonérer de son obligation en soutenant que l’expérience acquise était suffisante et qu’il appartenait au salarié de demander une formation dans le cadre du DIF ou du CIF (Cass.Soc., 5 juin 2013, n°11-21.255).
Dans un autre arrêt en date du 18 juin 2014 (Cass.Soc., 18 juin 2014, n°13-14.916), la Cour suprême a précisé que l’obligation de veiller au maintien à occuper un emploi relève de la seule initiative de l’employeur.
En l’espèce, il s’agissait de salariés qui avaient été engagés en qualité de préparateurs de véhicules neufs et d’occasion. N’ayant bénéficié d’aucune formation tout au long de leurs carrières, alors même que leurs anciennetés variaient de 2 à 12 ans, ils ont décidé de saisir le conseil de prud’hommes d’une demande de dommages et intérêts en raison du manquement de leur employeur à ses obligations de formation professionnelle. Dans cette affaire, la Cour de cassation retient que le fait que les salariés ne demandent pas à bénéficier de formation ne dispense pas l’employeur de son obligation de veiller à leur employabilité (Cass.Soc., 18 juin 2014, n°13-14.916).
L’employeur est LE garant de la formation de ses salariés
Avec ces deux arrêts, les Hauts magistrats confirment que l’employeur est bien LE garant de la formation de ses salariés et qu’à ce titre, il ne peut justifier son inaction par l’absence d’initiative de ces derniers.
Ainsi, le simple fait qu’un salarié ne demande pas à bénéficier de formation ne dispense pas l’employeur de veiller à son employabilité. Plus encore, l’absence de formation suffit à établir le manquement de l’employeur à son obligation de formation et d’adaptation.
Désormais, s’ils ne veulent pas être sanctionnés, les employeurs devront proposer régulièrement des actions de formation à leurs salariés (Cass.Soc., 23 oct. 2007, n° 06-40.950), et ce, même si ces derniers ne le sollicitent pas.
Bien que ces arrêts viennent durcir l’obligation d’adaptation des employeurs à l’égard de leurs salariés, il est néanmoins important de rappeler qu’ils n’ont pas à assurer la formation initiale qui fait défaut à leurs salariés mais simplement une formation complémentaire (Cass.Soc., 3 avril 2001, n°99-42.188 ; Cass.Soc., 12 juin 2014, n°13-11.597 ; Cass.Soc., 2 juillet 2014, n°13-13.876).
Il est fort probable que ces prochaines années, cette obligation d’adaptation continuera à prendre de l’ampleur puisque la loi n°2014-288 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale du 5 mars 2014 met en place plusieurs outils destinés à assurer son effectivité notamment à travers d’un entretien professionnel tous les deux ans qui évoquera « les perspectives d’évolution professionnelle » du salarié « notamment en termes de qualifications et d’emploi ». Puis, un autre entretien tous les six ans qui devra établir un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié.
En conclusion, nous pouvons dire que si la responsabilité de l’employeur se trouve accrue, il n’en reste pas moins qu’au travers de la loi du 5 mars 2014, le salarié est aussi acteur de son parcours professionnel.
Maître Virginie Ribeiro