L’intérêt de la distinction opérée entre d’un côté les salariés et d’un autre les salariés ayant le statut de cadre dirigeant réside dans les dispositions des titres II (Durée du travail, répartition et aménagement des horaires) et III (Repos et jours fériés) de la troisième partie du Code du travail.
Aussi, il est important de souligner que les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux règles de la durée légale du travail, et ne peuvent donc se prévaloir du régime favorable des heures supplémentaires (pour lesquelles le taux horaire est majoré).
Dans un arrêt récent, la Haute Juridiction nous rappelle ce principe en confirmant le rôle prépondérant des juges du fond via leur pouvoir d’interprétation. (Cour de cassation, chambre sociale, Audience publique du mercredi 18 novembre 2015, N° de pourvoi: 14-17590).
Dans les faits, M.X, suite à son licenciement pour faute grave, a réclamé en justice le paiement d’heures supplémentaires non rémunérées.
La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par ce salarié au motif suivant :
« Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que la rémunération du salarié était située au plus haut niveau au regard de celles des trois dirigeants de l'association, que les fonctions du salarié lui permettaient d'organiser son temps de travail comme il l'entendait et qu'il n'était soumis à aucun contrôle de la part de son employeur qui ne lui avait jamais imposé d'horaires alors même qu'il avait fait le choix d'observer des horaires réguliers, qu'il résultait des statuts et du règlement intérieur de l'association ainsi que de l'annexe au contrat de travail du salarié que les établissements et l'ensemble du personnel étaient placés sous son autorité, qu'il disposait du pouvoir de recruter, exception faite pour les médecins, qu'il assurait la préparation des travaux du conseil d'administration et du projet d'établissement et était chargé de l'exécution des décisions du conseil d'administration et de la mise en oeuvre de la politique définie par ce dernier et approuvée par l'agence régionale d'hospitalisation, la cour d'appel en a exactement déduit que le salarié avait le statut de cadre dirigeant ; que le moyen n'est pas fondé ; »
Deux enseignements peuvent être dégagés de cet arrêt. Tout d’abord, les magistrats reviennent sur les critères de distinction fixés par la loi (article L3111-2 du Code du travail).
A ce titre, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels :
- sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps
- qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome
et
-qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
De plus la décision insiste sur le pouvoir souverain des juges du fond en la matière ; eux seuls peuvent vérifier la réalisation ou la non réalisation de ces conditions cumulatives.
Les magistrats ne sont en effet pas tenus par la qualification du contrat de travail (intitulé du poste) et doivent déterminer, concrètement et par la méthode des faisceaux d’indice, la réalité juridique de la situation.
L’objectif est d’éviter que l’attribution de la qualité de cadre dirigeant ne soit réalisée dans le seul but de soustraire l’entreprise à ses obligations légales ; en matière notamment de paiement des heures supplémentaires.
Cette question est d’importance. S’il est vrai que ce type de litige n’éclate généralement que dans l'hypothèse d'un licenciement du salarié, les montants en jeu peuvent s'avérer très lourds pour l’entreprise concernée.