A trop vouloir cacher des informations à ses salariés ou à ses représentants du personnel, l’employeur peut avoir à reprendre entièrement sa procédure d’information-consultation du CE.
Dans une décision récente (arrêt Sanofi du 5 novembre 2014), la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce, de nouveau, sur le sujet épineux des limites de l’obligation de discrétion des représentants du personnel. Elle profite de cette décision fort intéressante pour préciser clairement aux employeurs la marche à suivre en matière de confidentialité des informations transmises au CE, pour que ceux-ci évitent une lourde sanction en pratique.
Ainsi, lorsque l’employeur place l’intégralité des documents communiqués au CE sous le sceau de la confidentialité sans justifier de la nécessité d'assurer la protection de l'ensemble des données contenues dans ces documents, il commet un abus dans l'obligation de discrétion imposée au CE par le code du travail (art. L 2325-5). La sanction de cette atteinte illicite aux prérogatives du CE consiste alors pour l’employeur à devoir reprendre sa procédure de consultation du CE depuis son début…lui faisant ainsi perdre de précieux mois dans sa procédure et la mise en œuvre de son projet.
Rappelons en effet que l'obligation de discrétion imposée au CE prévue par l'article L. 2325-5 du code du travail est une exception légale au droit à l'information des salariés à travers leurs représentants. Et elle doit ainsi conserver ce caractère d’exception.
Pour la première fois, dans la médiatique affaire Sanofi Aventis R&D, la Cour de cassation prend une décision de principe en matière d'obligation de discrétion du CE, et dicte aux entreprises les règles à suivre.
Dans cette affaire, l'employeur avait adressé aux élus deux documents, qu’il avait entièrement classé confidentiels. Le CE ne pouvait dès lors absolument rien communiquer aux salariés sur le projet. Il a porté l’affaire devant les tribunaux.
Le Tribunal de grande instance d'Evry, puis la Cour d’appel de Paris, et enfin en dernier lieu la Cour de cassation (Cass. soc. 5 nov. 2014 n° 13-17270), donnent raison au CE.
Les magistrats jugent en effet que l'employeur ne peut pas classifier l'ensemble des documents comme confidentiels, alors même que seule une infime partie de ces documents comporte des informations sensibles, encore inconnues du public.
Dès lors il revient à l'employeur d'établir en quoi telles ou telles informations transmises aux représentants du personnel revêtent un caractère confidentiel et sont couvertes par l’obligation de discrétion. Ces éléments seront actés dans le procès-verbal de la réunion, pour éviter toute ambiguïté.
Si l'employeur demande au CE à ce que l'intégralité des documents transmis soit couverte par la confidentialité mais qu’il ne justifie pas de la nécessité de conserver une pleine confidentialité sur l’ensemble des informations écrites dans ces documents, les tribunaux considèrent qu’il existe une atteinte manifestement illicite aux prérogatives des élus dans la préparation des réunions, et que cet abus justifie l'annulation de la procédure, et donc impose la reprise de la procédure d’information et de consultation depuis le début.
Les conclusions à retenir de cet arrêt phare par les entreprises sont les suivantes :
- Pour satisfaire aux conditions de l'article L. 2325-5 du code du travail, d’une part, l'employeur doit déclarer comme étant confidentielle l'information donnée aux membres du CE [règle que l’on connaissait déjà],
- D’autre part, l’employeur doit établir/prouver que cette information a une nature confidentielle, au regard des intérêts légitimes de son entreprise. Il doit en effet justifier de la nécessité d'assurer la protection des données/informations contenues dans les documents qu’il entend placer sous le sceaux de la confidentialité.
- Enfin, si l’employeur commet un abus dans ce qu’il entend classer comme confidentiel pour les élus, il sera contraint de reprendre à zéro sa procédure d'information-consultation du CE.
Décisions de la procédure Sanofi Aventis R&D :
Cass. soc. 5 novembre 2014, n° 13-17270 ;
Arrêt de la CA Paris du 11 mars 2013, n° 12/20238, chambre 6-1 ;
Ordonnance du TGI Evry du 9 novembre 2012, n° 12/01095.