C'est désormais (presque) chose faite !
Sous l'impulsion, encore une fois, européenne, la France va bientôt pouvoir mieux protéger les secrets des affaires de ses entreprises ! Il était temps...
Différents textes (cope pénal, code de propriété intellectuelle, etc...) permettent déjà certaines actions, plutôt restreintes, permettant de défendre ses savior-faire ou autres, mais en pratique et au vu des conditions à remplir telles qu'exigées par les tribunaux français, cette protection est très difficile à obtenir, voir impossible.
En dernier lieu, la récente Loi Macron avait échoué dans ce domaine, puisque les propositions de texte en ce sens n'avaient pas été retenues.
Mais ce n'est que partie remise.
En effet, la toute récente Directive UE 2016/943 du 8 juin 2016 (publiée au JOUE du 15 juin) vient prévoir la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites.
Ainsi, la directive commence par fournir une intéressante définition du secret d’affaires protégeable (article 2). Il s'agit des "informations secrètes, ayant une valeur commerciale parce qu’elles sont secrètes et ayant fait l’objet, de la part de leurs détenteurs, de dispositions raisonnables destinées à les garder secrètes".
La notion d'"informations" est très large, permettant ainsi une appréciation extensive de l’objet à protéger. il faut ainsi comprendre que sont visés par la protection les informations de toutes natures, comme par exemple le savoir-faire, les informations technologiques ou encore commerciales.
Cette définition émanant de la directive reprend les trois mêmes conditions prévues à l’article 39 de l’accord sur les Adpic (= accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce).
Ainsi, la nature "secrète" des informations protégées tient à ce que ces informations ne sont pas "généralement connues des personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre d’informations en question, ou ne leur sont pas aisément accessibles".
La "valeur commerciale" de l’information s’entend largement et est réputée acquise dès lors qu’une atteinte à son secret est susceptible de nuire, non seulement aux intérêts économiques de son détenteur, mais également à ses intérêts scientifiques et techniques, à ses positions stratégiques, ou à sa capacité concurrentielle. NB : le 14e considérant de la directive va même jusqu'à préciser que la valeur commerciale peut être simplement "potentielle", elle n’a ainsi pas besoin d'être avérée au moment où la mise en œuvre de la protection est demandée.
Quant aux "dispositions raisonnables destinées à garder secrètes les informations", cette condition a probablement le plus de résonnances pratiques pour les entreprises. La directive ne précise pourtant pas grand chose sur cet élément. Peut être la transposition permettra t elle, on l'espère, de clarifier ce point, resté trop ambigü.
Cette directive devrait être transposée en France au plus tard dans deux ans, donc d'ici le 9 juin 2018.
Encore un peu de patience donc...
Les articles 3 et 4 de la directive précisent es cas licites et hypothèses illicites d'obtention, d’utilisation et de divulgation de secrets d’affaires, tout en introduisant néanmoins plusieurs dispositions dérogatoires ou limitant l’effet de la protection (art. 1.2, 1.3 et 5). Parmi celles-ci, la protection du secret des affaires ne peut porter atteinte à l’exercice du "droit à la liberté d’expression et d’information".
La directive tente aussi de ménager la protection des secrets d’affaires avec d'autres règles de droit, notamment la liberté du travail. Les travailleurs doivent en effet rester libres d’utiliser l’expérience et les compétences qu'ils ont acquises dans l’exercice normal de leurs fonctions et, plus généralement, la directive ne doit pas être interprétée comme permettant de "restreindre la mobilité des travailleurs", ni empêcher la divulgation de secrets d’affaires par des salariés à leurs représentants dès lors que cette divulgation est nécessaire à l’exercice légitime de leurs fonctions ou mandats.
Par ailleurs, l’article 9 de la directive fixe des règles visant à protéger la confidentialité des secrets d’affaires au cours des procédures dont ils sont l’objet. AInsi, tous les acteurs d'une procédure sont astreints à une obligation de confidentialité, sont ainsi concernés les parties, leurs représentants, le personnel judiciaire, les témoins, les experts, etc.
Enfin, la directive impose aux Etats, lors de sa transposition par un texte national, de fixer un délai de prescription aux demandes et actions reposant sur un secret d’affaires. Ce délai de prescription sera de maximum 6 ans (art. 8). La directive renvoie au droit national le soin de fixer ce délai, son point de départ ainsi que les causes d’interruption et de suspension.
Attendons donc les prochains mois, d'ici juin 2018, pour connaître les modalités pratiques de cette protection, telles que décidées par le législateur français, et les applications pratiques qui en seront faites par nos chers tribunaux.