RDC: Retour sur la répression du detournement des deniers publics.

Publié le 06/10/2022 Vu 4 753 fois 2
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Certaines pratiques illégales sont devenues usuelles et constituent la vie courante dans l'administration publique. Il s'agit de la corruption, concussion et du détournement.

Certaines pratiques illégales sont devenues usuelles et constituent la vie courante dans l'administration pub

RDC: Retour sur la répression du detournement des deniers publics.

RD Congo : ENTRE ESPOIR ET IMPASSE                           

1. Retour sur la répression du détournement de deniers publics  

I. CONTEXTE

Depuis la campagne électorale pour les élections de décembre 2018, les citoyens congolais ont émis leurs vœux pour le changement dans la gestion des affaires publiques de l’Etat. Plusieurs candidats, présidents, députés, sénateurs, gouverneurs, ont axé leur campagne sur ce contexte. Les promesses les plus évoques étaient la lutte contre la corruption, la fermeture des cachots, la sécurité, le développement et le rétablissement de l’Etat de droit.

Dans cette philosophie des attentes de la population, les nouveaux dirigeants ne devraient que s’atteler à la mise en exécution de leurs discours de campagne. Cependant, il faut constater un courant d’éveil dans la population congolaise qui commence à dénoncer et à s’indigner des certaines pratiques qui n’entre pas dans sa ligne d’intérêt. C’est sous ce label que des dénonciations vont pleuvoir, sur les arrières de salaire des agents de l’Etat dans les entreprises publiques à l’exemple de la SNCC, GECAMINES, les détentions arbitraires, la corruption et le détournement de fonds.

Nous pouvons affirmer aujourd’hui, que certaines pratiques illégales sont devenues usuelles et constituent la vie courante dans l’administration publique. Il s’agit de la corruption, concussion et du détournement. Exemple certains services gratuits de l’Etat sont devenus payable, d’autres projets du gouvernement finissent sur les maquettes. Cependant l’attention aujourd’hui est focalise sur la question du détournement de deniers publics, ceci en se référant au procès sur la gestion et l’exécution du programme de 100 jours du président Felix Tshisekedi.

 Mais l’intérêt dans cette réflexion s’établi seulement sur les éléments de Droit, qui peuvent être d’application dans ce procès, et le plus important est d’éclaircir le lecteur sur la répression du détournement de deniers publics en droit pénal congolais. 

II. La répression du détournement de deniers publics en Droit pénal congolais

1. DEFINITION : Qu’est-ce-que le détournement

Un détournement désigne une action de soustraire illégitimement quelque chose à sa destination normale, pour son propre profit. Il fait également référence à une appropriation frauduleuse de sommes dont on n’est que le dépositaire. Il s’agit d’une modification du parcours normal que doit prendre quelque chose. 

Dans notre contexte nous parlons du détournement de fonds ou de deniers publics. C’est quoi un fonds ou un denier public. En se basant sur le côté économique, un fonds constitue un compte spécial du trésor public, qui est destiné à la réalisation d’un projet de développement dans un Etat. Exemple le fonds pour lutter contre le coronavirus. Un fonds est également assimilé à une somme d’argent tout comme les deniers publics qui constitue l’argent de l’Etat. Donc on peut facilement parler du détournement de fonds ou des deniers publics pour désigne la soustraction de l’argent de l’Etat à son profit.

 

 

2. FONDEMENT JURIDIQUE : Le détournement de deniers publics comme Infraction en Droit pénal

Le code pénal congolais livre II condamne le détournement des deniers publics à travers les articles 145, 145 bis et 145 ter. L’article 145 dispose : « Tout fonctionnaire ou officier public, toute personne chargée d’un service public ou parastatal, toute personne représentant les intérêts de l’État ou d’une société étatique au sein d’une société privée, parastatale ou d’économie mixte en qualité d’administrateur, de gérant, de commissaire aux comptes ou à tout autre titre, tout mandataire ou préposé des personnes énumérées ci-dessus, qui aura détourné des deniers publics ou privés, des effets en tenant lieu, des pièces, titres, actes, effets mobiliers qui étaient entre ses mains, soit en vertu, soit à raison de sa charge, sera puni d’un à vingt ans de travaux forcés… »

Dans un jugement, le juge prononcera en outre:

• L’interdiction pour cinq ans au moins et dix ans au plus, après l’exécution de la peine, du droit de vote et du droit d’éligibilité.

• L’interdiction d’accès aux fonctions publiques et paraétatiques quel qu’en soit l’échelon.

• La privation du droit à la condamnation ou à la libération conditionnelles et à la réhabilitation dont le but est de faire bénéficier le coupable des avantages prohibés au présent article.

• L’expulsion définitive du territoire de la République après l’exécution de la peine, si le condamné est un étranger.

N.B. : Sera puni des peines portées aux alinéas 1 et 2 de l’article sus évoqué, celui qui, sciemment, aura, de quelque manière que ce soit, dissimulé ou caché soit les deniers ou les biens détournés, soit certains bien du coupable dans le but de les faire échapper à la confiscation.

Vu l’article 17 de la constitution en vigueur et en s’appuyant sur le principe « Nullum crimen Nulla poena sine Lega », ce n’est que sur base de l’article 145 du code pénal qu’une personne peut être poursuivie pour détournement de deniers publics.

 

III. COMPRENDRE LE DETOURNEMENT A TRAVERS TROIS ELEMENTS

En Droit pénal congolais ou dans un procès en matière pénale, un juge doit être en disposition de certains éléments pour poursuivre une personne de détournement, on parle des éléments qui constituent une infraction. Il s’agit de la qualité de l’auteur, l’acte incriminé ou le fait de détourner et l’intention criminelle.

A. La qualité de l’auteur

Lorsqu’on parle de la qualité de l’auteur, il s’agit de la personne qui a commis l’acte de détournement. L’article 145 du code pénal congolais précise que seuls :

- Un fonctionnaire, 

- Un officier public, 

- Toute personne chargée d’un service public ou parastatal,

- Toute personne représentant les intérêts de l’État ou d’une société étatique au sein d’une société privée, parastatale ou d’économie mixte en qualité d’administrateur, de gérant, de commissaire aux comptes ou à tout autre titre, 

- Tout mandataire ou préposé des personnes énumérées.

Seules les personnes ayant ces qualités ci-haut citées peuvent être auteur du détournement.

Mais qui est « fonctionnaire » en RD Congo ? En parlant d’un fonctionnaire ou d’un officier public, le code pénal fait référence aux personnes qui ont la qualité juridique de fonctionnaire ou d’un agent public, il peut s’agir de fonctionnaire civil (Un conseil du président ou d’un ministre, etc.), militaire, un magistrat ou un juge.

Il faut noter que le personnel politique et administratif des services de la présidence et même dans les ministres, sont des agents publics de l’Etat . Donc ils entrent dans le champ de l’article 145.

B. L’acte incriminé ou le fait de détourner

Le seul fait de changer la destination d’un fonds de l’Etat pour ses besoins personnel, constitue l’acte. Donc le détournement c’est le fait générateur de l’infraction. Dès que l’argent de l’Etat est détourné, il y a commission de l’infraction, quand bien même l’auteur peut avoir la volonté de rembourser l’argent. Ainsi nous disons en cas de détournement de deniers publics, le remboursement est inopérant, il n’efface pas l’infraction. L’acte incriminé doit être réalisé au moment où une personne est chargé de service publics ou lorsqu’elle représente les intérêts de l’Etat. 

Exemple d’un ministre qui aurait un fonds de l’Etat pour appuyer les agriculteurs en milieu rural, mais il utilise ce fonds pour cultiver son champ.

C. L’intention Criminelle

Cette intention doit être constate chez l’auteur de l’infraction. En prenant l’argent de l’Etat l’auteur doit agir librement. L’appropriation de l’argent de l’Etat doit se faire frauduleusement. Il faut une intention frauduleuse pour parler du détournement. L’intention criminelle est un élément nécessaire dans l’établissement de cette infraction. Elle est comprise comme une conscience claire et une volonté libre de l’auteur pour détourner.

 

 

• L’intention frauduleuse

L’intention frauduleuse doit être prouvée et non supposée dans le chef de la personne accusée ; à l’absence de cette intention l’infraction ne peut être établie . A ce terme Bony CIZUNGU écrit qu’il faut donc la preuve de la décision unilatérale et volontaire d’appropriation ou de rétention ou, si l’on veut, la preuve de l’intention dolosive ou frauduleuse .

Ajoutons à ce sujet que la preuve de l’intention frauduleuse peut être établie par le fait de la violation des instructions administratives à la gestion des fonds . Elle peut être encore établie soit sur base des présomptions graves, précises et concordantes, soit sur base des présomptions déduites des contradictions dans les explications du prévenu tant à l’instruction préparatoire qu’aux audiences, soit aussi sur base de présomptions résultant de la non justification concluante sur l’utilisation des sommes détenues à titre précaire.

N.B. : La charge de la preuve incombe à celui qui allègue le fait. Donc il appartient au ministère publique de prouve l’élément matériel et moral d’une infraction de détournement. Mais lorsque le prévenu apporte des explications vraisemblables sur l’utilisation des fonds dont il avait la garde ou la gestion, non démentis par le ministère public, le doute doit entrainer l’acquittement  (In dubio pro reo).

Il sied de noter que lorsqu’un témoignage à charge en vue de prouver l’infraction de détournement se trouve en contradiction avec un fait établi, il y a sur l’existence de cette infraction un doute qui peut justifier l’acquittement du prévenu. Aussi lorsque certains manquements dans la gestion de fonds sont imputés à une erreur de calcul des vérificateurs ou à la remise-reprise des pièces justificatives, ou à une mauvaise imputation de dépenses par le gestionnaire, le prévenu devra être acquitté au bénéfice du doute.

En somme il faut signaler que dans la répression du détournement de deniers publics la confiscation des biens en générale a été abrogé par  par la loi 86-030 du 5 avril 1986. Ainsi seules les peines que nous avons évoquées au début sont prises en compte. Dans le contexte congolais où les pratiques de la corruption et du détournement de deniers publics sont devenus une habitude, il revient au pouvoir judiciaire via les officiers du ministère public de lancer un défis pour éradiques ces pratiques dans leurs bureaux et ceux de l’administration publique. La République démocratique du Congo a un code pénal, à eux de l’appliquer dans l’intérêt supérieur des citoyens congolais, car la justice est rendue au nom du peuple. 

 

 

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1 Publié par P.E.R.S
29/03/2023 17:22

2 Publié par Bulldozer
14/09/2023 19:00

Je suis marqué par les fond des ces textes

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