Les règles relatives au défèrement sont prévues par les articles 803-2 et 803-3 du code de procédure pénale, qui posent respectivement une règle et une exception à cette règle : l’article 803-2 impose une comparution devant le magistrat le jour-même en cas de défèrement à la suite d’une garde à vue. L’article 803-3 alinéa 1 dispose cependant « En cas de nécessité et par dérogation aux dispositions de l'article 803-2, la personne peut comparaître le jour suivant et peut être retenue à cette fin dans des locaux de la juridiction spécialement aménagés, à la condition que cette comparution intervienne au plus tard dans un délai de vingt heures à compter de l'heure à laquelle la garde à vue ou la retenue a été levée, à défaut de quoi l'intéressé est immédiatement remis en liberté. »
C’est un arrêt de la cour d’appel de PARIS (pôle 4 chambre 10) qui a été cassé par la chambre criminelle rendu le 13/06/18. Le prévenu était poursuivi pour des faits d’escroquerie consistant en l’organisation d’un jeu de bonneteau en pleine rue, incitant les passants à verser des sommes d'argent. En l’espèce, sa garde à vue avait été levée le 9 mars 2017 à 15 heures 45, et il n'avait été présenté que 10 mars 2017 à 11 heures devant le magistrat.
Le jugement rendu en première instance rejetait le moyen de nullité soulevé, portant sur l’absence de motivation de l’état de nécessité ayant imposé une comparution devant le Magistrat le lendemain seulement de la mesure de défèrement et non le jour-même.
Le jugement a été confirmé par la Cour d’appel, cette dernière ayant considéré que le mis en cause n’avait pas comparu devant le Magistrat le jour même du défèrement « par nécessité en raison de contingences matérielles », mais qu’il avait bien comparu devant ce dernier dans le délai de 20h imposé par l’article 803-3 du code de procédure pénale et qu’en conséquence, il « n'était plus sous une mesure de contrainte après la vingtième heure ». Le prévenu était condamné à deux mois d'emprisonnement et à une peine de confiscation.
Il se pourvoit en cassation et la chambre Criminelle casse cet arrêt, en considérant que la Cour d’appel n’avait pas caractérisé les circonstances matérielles ayant rendu nécessaire la rétention du mis en cause.
Elle motive ainsi son arrêt : « Attendu que, pour rejeter le moyen de nullité tiré de la violation des dispositions des textes précités, l'arrêt énonce qu'il a été mis fin à la garde à vue de M. X... Y... le 9 mars 2017 à 15 heures 45, au terme du délai de 24 heures, et que, par nécessité en raison de contingences matérielles, celui-ci n'a été présenté que le lendemain, 10 mars, à 11 heures 15, soit avant expiration du délai de vingt heures, au magistrat du parquet qui lui a notifié les faits reprochés ainsi que la date d'audience de jugement avant de le laisser libre ; que les juges ajoutent qu'ainsi, M. X... Y... n'était plus sous une mesure de contrainte après la vingtième heure ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans déterminer les circonstances ou contraintes matérielles rendant nécessaire la mise en oeuvre de la mesure de rétention, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision »
Les juridictions du fond devront ainsi caractériser les circonstances rendant nécessaire la rétention de la personne mise en cause suite à un défèrement.