Le Conseil Constitutionnel a rendu une décision le 22 juin 2018, déclarant comme étant contraire à la constitution certaines dispositions du premier alinéa de l'article 40 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, permettant à l’autorité judiciaire de s’opposer au droit d’une personne placée en détention provisoire de correspondre avec toute personne de son choix, au motif que cette décision méconnaît le droit au recours juridictionnel effectif dans la mesure où elle ne peut faire l’objet d’un recours.
Le premier alinéa de l’article 40 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 disposait :
« Les personnes condamnées et, sous réserve que l'autorité judiciaire ne s'y oppose pas, les personnes prévenues peuvent correspondre par écrit avec toute personne de leur choix.
Le courrier adressé ou reçu par les personnes détenues peut être contrôlé et retenu par l'administration pénitentiaire lorsque cette correspondance paraît compromettre gravement leur réinsertion ou le maintien du bon ordre et la sécurité. En outre, le courrier adressé ou reçu par les prévenus est communiqué à l'autorité judiciaire selon les modalités qu'elle détermine.
Ne peuvent être ni contrôlées ni retenues les correspondances échangées entre les personnes détenues et leur défenseur, les autorités administratives et judiciaires françaises et internationales, dont la liste est fixée par décret, et les aumôniers agréés auprès de l'établissement.
Lorsque l'administration pénitentiaire décide de retenir le courrier d'une personne détenue, elle lui notifie sa décision. »
L’article R. 57-8-16 du code de procédure pénale précise que le Magistrat a la possibilité de s’opposer à l’exercice du droit à communiquer soit en désignant une ou plusieurs personnes, soit de manière générale.
La QPC a été posée par la Section française de l’Observatoire international des prisons devant le Conseil d’État, qui a décidé de la renvoyer le 11 avril 2018 devant le Conseil Constitutionnel, considérant qu’elle présentait un caractère sérieux.
Le Conseil Constitutionnel s’est en conséquence prononcé sur la question en ces termes :
« 4. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction.
5. Le premier alinéa de l'article 40 de la loi du 24 novembre 2009 reconnaît aux personnes placées en détention provisoire le droit de correspondre par écrit avec toute personne de leur choix, sous réserve que l'autorité judiciaire ne s'y oppose pas. Toutefois, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ne permettent de contester devant une juridiction une décision refusant l'exercice de ce droit.
6. Au regard des conséquences qu'entraîne ce refus pour une personne placée en détention provisoire, l'absence de voie de droit permettant la remise en cause de la décision du magistrat conduit dès lors à ce que les dispositions contestées méconnaissent les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.
7. Par conséquent, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les mots « sous réserve que l'autorité judiciaire ne s'y oppose pas » figurant au premier alinéa de l'article 40 de la loi du 24 novembre 2009 doivent être déclarés contraires à la Constitution. »
Le Conseil constitutionnel a décidé de différer l’abrogation de ces dispositions au 1er mars 2019. Cependant et jusqu’à cette date, les décisions de refus de communiquer sur la base de ces dispositions pourront être contestées devant le Président de la Chambre de l’Instruction sur le fondement de l’article 145-4 du code de procédure pénale, permettant à la personne détenue de contester devant le Président de la Chambre de l’Instruction la décision du juge d’Instruction refusant de délivrer un permis de visite ou d'autoriser l'usage du téléphone. Le Président de la Chambre de l’Instruction doit se prononcer dans un délai de cinq jours par décision écrite et motivée, non susceptible de recours.