Il y a quelques jours un avocat était mis en examen et placé en détention provisoire pour avoir méconnu le secret de l'enquête de l'instruction.
L'information s'est rapidement répandue parmi les pénalistes. De mon côté, j'en suis totalement tombé de ma chaise. En effet, j'ai justement soutenu une thèse sur le secret de l'enquête et de l'instruction (Le secret dans la phase préliminaire au procès pénal en France et en Angleterre, PUAM, 2004) et la mesure me paraît tout à la fois incroyable, improbable et totalement disproportionnée.
Le secret de l'enquête et de l'instruction est prévu par l'article 11 du Code de procédure pénale. Il ne concerne que les personnes qui concourent à la procédure. Or, la jurisprudence estime que l'avocat ne concourt pas objectivement à la procédure, puisqu'il représente les intérêts d'une partie. Il est, en revanche, tenu au secret professionnel de l'article 226-13 du Code pénal (voir pour une étude complète l'article d'Avi Bitton sur le délit de violation de secret professionnel).
Par ailleurs, le législateur a créé à l'occasion de la loi du 9 mars 2004, un délit spécifique pour l'avocat à l'article 434-7-2 du Code pénal. Dès lors, était punissable toute violation du secret par l'avocat qui était de nature à nuire à l'intérêt des investigations. Certains magistrats se sont rapidement emparés de ce texte et ont cru bon d'incarcérer une avocate, Maître Moulin, sur ce fondement. A l'époque, nombre de barreaux s'étaient opposés à une mesure totalement disproportionnée et à une atteinte aux droits de la défense. La Chancellerie avait entendu les arguments présentés par la profession et le Parlement avait corrigé le texte à l'occasion de la loi du 12 décembre 2005, estimant désormais que la révélation devait avoir pour dessein de nuire à l'intérêt des investigations. Plus encore, la légende veut également qu'un sénateur, un certain Robert Badinter ait fait ajouter au texte la formule "sans préjudice des droits de la défense", créant ainsi une cause d'irresponsabilité pénale. La précision était heureuse. Il faut donc depuis, pour pouvoir condamner, apporter la preuve d'un dol spécial, à savoir la volonté de l'avocat (ou le professionnel de la justice) de nuire aux investigations. Dès lors, le texte n'a plus donné lieu qu'à quelques applications éparses et peu significatives.
Concernant l'avocat actuellement incarcéré sur ce fondement, il en va différemment. Tout d'abord, il convient de rappeler que le secret de l'instruction est TRES largement méconnu, véritable secret de polichinelle, les médias relatent les affaires en cours quotidiennement. Les journalistes se retranchent d'ailleurs derrière le secret de leurs sources pour échapper aux poursuites.
Le trouble social généré par la méconnaissance du secret est donc minime, pourtant, il peut conduire à une détention provisoire. En droit, celle-ci est effectivement encourue concernant le délit de l'article 434-7-2 du Code pénal, dès lors que celle-ci serait l'unique moyen de remplir l'un des objectifs prévus par l'article 144 du Code de procédure pénale et que ni un contrôle judiciaire, ni une assignation à résidence sous surveillance électronique n'y parviendrait.
Comment est-il possible que ce soit le cas ? Certes, je n'ai pas connaissance du dossier ! Cette précision devrait d'ailleurs me permettre d'éviter des poursuites, mais comment justifier une telle mesure ? La chronologie d'ailleurs interroge. En effet, le mouvement de contestation des avocats et notamment des avocats pénalistes agacent les magistrats qui reportent nombre d'audiences.
La profession s'est mobilisée et une nouvelle audience aura lieu prochainement, espérons que les magistrats retrouvent la sagesse...