Il y a quelques années je découvrais comme beaucoup d'autres lecteurs "l'avocation" d'Aurore Boyard et suivait les aventures de Léa Dumas au barreau de Paris qui jonglait avec les audiences, les confrères, les clients et...une romance balbutiante...
Cet ouvrage fait partie de ceux que je conseille régulièrement à mes étudiants qui ambitionnent de devenir avocats. Il explique toutes les facettes de la profession et ne passe sous silence ni le rythme infernal, ni la difficulté de gérer les dossiers sensibles...ceux qui vous conduisent à vous interroger sur votre capacité à continuer à exercer la profession.
Un passage m'avait particulièrement marqué. Suite à un drame [SPOILER ALERT], un avocat trouve les mots pour rassurer Léa et à la faire revenir au cabinet. Bien évidemment, l'ouvrage trouve un écho particulier en moi, puisque confronté à la même situation, j'avais progressivement pris la décision de raccrocher la robe et de me faire omettre du barreau...
Mais le roman n'est pas uniquement destiné aux avocats ou aux futurs avocats, il est parfaitement accessible au grand public, le jargon de la profession est décortiqué, de même que ses particularismes (par exemple concernant la robe ou l'absence d'hermine sur les épitoges parisiennes)...
Ayant reçu de l'auteur la suite du roman et ayant été convoqué à quelques centaines d'heures de surveillance d'examen [avis au lecteur, il s'agit là d'une exagération à caractère humoristique], j'ai voulu prendre "de l'avocation à l'avocature" pour découvrir les nouvelles aventures de Léa en partant pour cette longue journée de transport et de surveillance sous un soleil de plomb. Bien évidemment, à 5h42, encore endormi, je me suis trompé de roman en partant et j'ai donc relu une nouvelle fois"l'avocation" et...sa lecture m'a perturbé.
Or, depuis ma dernière lecture de l'ouvrage, j'ai créé le Penal Trophy, un quizz opposant plusieurs étudiants face à un pénaliste de renom, le tout sous le haut patronage de Sup Barreau et des éditions LexisNexis, afin que les participants puissent repartir avec des lots. Les retours quant à ce jeu sont excellents, si ce n'est quelques grincheux qui n'y ont jamais assisté et n'en voient donc pas l'utilité... bref !!! Régulièrement, j'entends dire - et pas nécessairement de la part des praticiens de ma génération ou de celle qui la précède - mais plutôt des étudiants que les GRANDS pénalistes ne sont que des hommes. Ils ont la voix, l'éloquence, le charisme, ... ! Quel machisme primaire ! Heureusement, toute l'organisation du Penal Trophy a démontré l'inverse en accueillant notamment comme marraines Me Delphine Boesel ou encore Me Clarisse Serre (en attendant Aurore Boyard ?), d'exceptionnelles pénalistes...
Or, le roman fait état de ce sexisme quotidien voire même d'un harcèlement sexuel sous couvert de blagues grivoises et de gestes affectueux. Combien de fois, ai-je vu des élèves-avocates ou même des avocates (sans même parler de ma femme lors d'un entretien en vue d'un stage final) me relater des anecdotes pathétiques d'avocats misogynes et harceleurs qu'elles renoncent à dénoncer pour éviter des représailles ? Certes, la création du compte twitter @payetarobe en 2016 a permis aux avocates de libérer leur parole (http://www.village-justice.com/articles/phenomene-fulgurant-Payetarobe-les-avocats-sont-ils-sexistes,24037.html), mais les propos relatés sont si proches de certaines anecdotes de Léa Dumas que cela atteste d'une certaine constance de ces pratiques.
Finalement, le roman est bien plus engagé qu'il n'y paraît, il dénonce le sexisme dont sont victimes les femmes dans le monde du travail et, d'une certaine façon, il est dérangeant, car depuis 2014, les femmes en général et les avocates en particulier ont-elles réellement vu l'égalité entre hommes et femmes progresser ? Difficile à dire...
Pour résumer, le roman est bien plus qu'un livre léger et pétillant, il est profond et sincère. Qu'en est-il de la suite ?
Seule la lecture de la suite des aventures de Léa Dumas me permettra de le savoir...
A SUIVRE....