Mes désaccords avec le rapport Clavel - Haeri

Publié le Modifié le 01/11/2020 Vu 5 561 fois 7
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Le rapport Clavel - Haeri a été remis au Garde des Sceaux le 23 octobre dernier. Il contient de nombreuses propositions, mais celles-ci sont loin de résoudre les difficultés liées à l'examen du CRFPA.

Le rapport Clavel - Haeri a été remis au Garde des Sceaux le 23 octobre dernier. Il contient de nombreuses p

Mes désaccords avec le rapport Clavel - Haeri

Tout d'abord, je tiens à préciser que je suis un spécialiste du CRFPA. J'enseigne en Prépa depuis près de 20 ans, je suis Maître de conférences et surtout je dirige Sup Barreau, une Prépa CRFPA depuis sa création.

Ensuite, je n'ai aucune animosité envers les auteurs du rapport, j'ai même la faiblesse de penser que Kami Haeri est un ami. 

Que contient ce rapport en soutien des propositions du CNB ?

1. Le rapport préconise de limiter l'accès à l'examen aux titulaires d'un M2

Justement tout l'intérêt du CRFPA réside dans le fait que les compteurs sont remis à zéro et que l'étudiant qui a "galéré" dans ses études et n'a pas été admis en M2 se retrouve au même niveau qu'un étudiant titulaire d'un M2. 

Cette mesure se justifie par la volonté d'élever le niveau. Comment dire ? Il y a M2 et M2 tout de même...

Et comment justifier que le concours de l'ENM soit ouvert dès le M1 ?

2. Recentrer l'examen

Là le droit pénal et la procédure pénale disparaîtrait. Ah non, là je ne suis pas d'accord du tout ; un pénaliste n'est pas un privatise (quoiqu'en dise le CNU) et pas un publiciste. Non la procédure civile n'est pas plus noble que la procédure pénale. Surtout, le profil d'un candidat pénaliste n'est pas le même que celui des autres...souvent il est habité. Demandez-lui simplement pourquoi il veut devenir avocat.

En revanche, lors de la réforme de l'examen, le droit des obligations devait disparaître...

3. Nationaliser les corrections

Oui, là je suis tout à fait d'accord, il y a tellement de disparités. Pour s'en assurer, il suffit de se rendre sur les forums de discussion consacrés au CRFPA. Les étudiants choisissent l'IEJ en fonction de la plus ou moins sévérité de celui-ci. 

Sur le CAPA, je n'ai rien à dire. 

En revanche, je suis totalement opposé à la dispense de CRFPA pour les docteurs en droit. Moi-même je n'ai pas utilisé la passerelle. En effet, en quoi mon doctorat en droit comparé me permet de revendiquer les compétences pour être avocat ? 

En conclusion, bien sûr qu'il faut réformer l'examen du CRFPA, notamment compte tenu des nombreux dysfonctionnements apparus cette année. En effet, une partie du sujet de droit fiscal n'était pas au programme, un IEJ a voulu rendre les résultats d'admissibilité après la date nationale et que dire de l'interminable attente concernant le maintien du GrandO. Mais pas comme ça...

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1 Publié par Sandrine Clavel
31/10/2020 23:05

Cher Mikaël,
Vous avez bien sûr le droit d'être en désaccord, et la confrontation d'idées est toujours fructueuses.
En revanche il ne faut pas faire dire au rapport ce qu'il ne dit pas: le droit pénal -y compris dans notre esprit la procédure pénale- ne disparaît pas, bien au contraire. Il devient OBLIGATOIRE pour tous, là où il n'était qu'une option au travers des spécialités, en étant officiellement intégré dans le grand oral.
Voilà qui devrait réjouir les pénalistes!

2 Publié par MikaBenillouche
01/11/2020 10:17

Bonjour,
J’apprécie beaucoup votre réaction ! Toutefois, le pénal est déjà inclus dans le GrandO. En outre, je constate depuis plusieurs années que les étudiants arrivent au GrandO avec assez peu de culture juridique générale.
Je pense qu’il faudrait discuter des maquettes et ce, dès la licence

3 Publié par Mithat BK
02/11/2020 12:51

Il faut arrêter de rendre l'accès à cette profession de plus en plus privilégiée, à l'heure où la libéralisation des métiers devient la règle.

Que doit prouver de plus quelqu'un qui a déjà un master 2 en droit ? Qu'il sera un bon avocat ? Qu'il est fait pour cette profession ?

Qui peut préjuger de la carrière d'un individu ?

J'envisage de passer le CRFPA mais je trouve quand même cette situation regrettable.

4 Publié par ArianeB
03/11/2020 21:30

Oui ce concours (parce qu’il faut malheureusement appeler un chat un chat) n’est pas parfait mais qu’est ce qui transforme réellement un candidat en bon avocat ? Je ne suis pas certaine qu’il s’agisse de l’obtention d’un M2 mais a priori je répondrai plutôt l’école de formation, or de ce côté là tous s’accordent à dire que c’est loin d’être le cas... La première des réformes ne serait-elle pas celle de cette « formation » avant de reformer de nouveau un CRFPA déjà profondément bouleversé il y a trois ans ?

5 Publié par L.A
04/11/2020 15:26

Chère Madame Clavel,

Je pense surtout qu’il faudrait arrêter de jouer le destin des étudiants sur UN SEUL ET UNIQUE moment ( le concours ) de leur vie.
À quoi bon travailler avec acharnement et obtenir de superbes mentions en licence et en Master 2, si tout se joue sur cet unique moment ?? Ce concours ne reflète malheureusement pas le niveau des candidats. De mauvais passent, et de très bons sont laissés sur le carreau...
Certains valident même des M2 dans une des spécialités proposées au CRFPA avec des 14,5 de moyenne générale, et pour autant finissent avec un 5,5 dans cette spécialité deux années de suite ?
Vous ne croyez pas qu’il y a un problème ?
La solution est pourtant toute simple, il faut profondément réformer ce CRFPA qui est profondément injuste et inégalitaire. Idéalement, il faudrait sélectionner les candidats en fonction de leur parcours et de leurs résultats pendant leurs 5 années universitaires, car sinon je me répète, à quoi bon servent-elles ?? Je vais vous le dire : À RIEN !
J’en connais qui n’ont rien fait durant leur cursus et qui s’en sont majoritairement sortis grâce au travail des autres et à la triche, et qui, le jour du CRFPA, ont en plus la chance d’être ceux qui vont passer sur un coup de bol, à l’image de leurs 5 années universitaires.
Alors arrêtons de sélectionner des candidats nuls par un concours dépassé et qui laisse des centaines de futurs bons avocats qui ont toujours tout donné, aux portes de la justice. Merci

6 Publié par Ericdu31
25/12/2020 12:06

TB article ! A titre personnel, je considère qu'il devrait y avoir une liberté d'installation comme avocat dès l'obtention du Master 2 voire du Master 1. Cela a bien été dit ci-dessus, par un autre commentateur : "Que doit prouver de plus quelqu'un qui a déjà un Master 2 en droit ?"

De plus, j'ai cru comprendre que la qualité des cours dispensée dans les Écoles d'Avocats est très variable, et certains regrettent le temps perdu dans ces écoles. Je ne vois aucun problème à ce qu'on les supprime, et je rejoins plusieurs avocats qui ont eu cet avis après avoir passé l'examen du CRFPA et avoir eu cette longue formation de 2 ans (avec un PPI stupide, des cours d'une vacuité ahurissante, et des enseignants venus raconter leur vie et faire leur auto-promotion).

Pour le fait de restreindre le passage de l'examen d'accès au CRFPA aux seuls titulaires d'un M2, c'est une très mauvaise idée. D'abord parce que ceux qui réussissent cet "examen" sont, en forte majorité, des étudiants ayant déjà validé le M2, donc la réforme ne se bornerait tout au plus qu'à entériner un état de fait déjà existant ; ensuite, cela envoie effectivement un mauvais signal aux futurs étudiants, étudiants et même, cela renvoie une mauvaise image, osons-le dire, de la profession d'avocat ou du moins de ceux qui l'organisent (faute d'un meilleur mot) ; troisièmement, je souscrits tout à fait à l'argument de M. Mikaël Benillouche, selon lequel "l'examen" du CRFPA est une remise des compteurs à zéro entre les titulaires d'un M1 et d'un M2.

En un mot : c'est une fausse bonne idée.

Pour le reste, le rapport ne me semble pas spécialement discutable. Par exemple la correction nationale des épreuves du CRFPA me semble, réellement, nécessaire, pour ne pas dire urgente. Mais je doute que ce rapport soit mis en œuvre au cours des prochaines années. En France, les seules réformes appliquées sont des mesurettes, pour ne pas dire des demi-mesurettes (on n'a pas une vraie tradition réformiste, contrairement à l'Allemagne, l'Angleterre ou les États-Unis).

7 Publié par csou
04/02/2021 12:53

Surtout, sachant que l'accès à un M2 peut être totalement aléatoire, à quoi bon avoir fait toutes ces années de droit si on ne peut même pas exercer le métier pour lequel on a été formé ?

Je fais partie de ceux qui ont dû partir vers d'autres cieux il y a plusieurs années, faute de réussir à intégrer un M2. J'essaie actuellement de revenir vers le droit mais c'est -très- compliqué : il se trouve que mon université donnait des bases en comptabilité-finances les deux premières années, étant à l'aise avec les chiffres j'ai apprécié cette approche et tout à fait assimilé les enseignements. Depuis plusieurs années, je travaille en tant que comptable, et j'y suis très compétente. Sauf que je ne peux pas briguer de "vraiment gros postes", n'ayant jamais validé les diplômes pour (j'ai beau y être très compétente, ça n'est pas ma formation d'origine). De toute manière, plus le temps passe plus le droit me manque, notamment pour son côté "conseil". Je me suis donc inscrite l'année dernière dans un IEJ pour préparer le CRFPA, j'y avais de bons résultats (13-14 de moyenne, ce qui est très bien dans l'IEJ en question), et à l'examen final je me retrouve avec 7,5 de moyenne. Dont un magnifique 3/20, soit une note "pour payer l'encre". Aujourd'hui, quand je me présente à un poste de juriste, on me reproche de ne pas avoir d'expérience dans le domaine. Alors que... si je suis très compétente dans un métier pour lequel je n'ai pas été formée, est-ce si incroyable de penser que je pourrais être encore plus compétente dans le métier pour lequel j'ai été formée ? Et pour lequel je suis en train de réactualiser mes connaissances ?

Cette réforme fait la preuve d'un élitisme qui me paraît terrifiant. Les juristes ne sont certes pas responsables du fait que le bac est devenu très facile, or il faut bien mettre des barrières à moment-donné, c'est certain, mais le numerus clausus en médecine n'a-t-il pas montré à quel point il a été néfaste ? Après tout, le CRFPA est un concours avec un maquillage d'examen, c'est un fait connu. En médecine, au-delà même du trop faible nombre de personnes formées, n'importe quel "ancien" médecin reconnaîtra qu'à l'époque l'accent était aussi mis sur l'aspect humaniste de la profession, alors qu'aujourd'hui on ne forme plus que des bêtes de concours. La même chose arrive au droit. Quand je préparais le CRFPA l'année dernière, j'entendais une de mes camarades raconter que lors de son stage, elle finissait par éclater de rire devant certains dossiers tant les circonstances décrites allaient loin, et ça lui faisait peur, elle se demandait si elle ne devenait pas inhumaine. Ses camarades lui ont répondu que c'est normal, tout le monde passe par là, c'est une manière de se construire une carapace, ce qui est nécessaire dans ce métier. Mais est-ce vraiment le cas ? Est-ce que l'humanité doit disparaître de ces métiers ?

"Des professionnels du secteur", voilà ce que veut la France. Des techniciens. Des bêtes de concours. Je me suis réinscrite au CRFPA cette année, mais je ne sais encore pas si je le passerai : à la lecture de la correction de mes copies que l'IEJ a bien voulu m'envoyer (assez complète, il faut les remercier), je ne comprends toujours pas vraiment mes notes, puisque sur les 2/3 des points censés avoir été omis, j'en parle bien. Je n'ai probablement pas été assez claire ? Justement ces quatre jours-là ? Pour la note de synthèse, on me reproche de ne pas mentionner d'éléments qui n'étaient pas dans les extraits, alors que les consignes officielles, ou ce qu'on nous en disait toute l'année, étaient de ne pas mentionner quoi que ce soit -en dehors- des extraits fournis.
Cette réforme ne corrige absolument pas cet effet "roulette russe", alors que ça devrait être son but. Partant de là... à quoi bon ? Mais la France ne recherche que "des bêtes de concours", lors d'une ancienne épreuve on m'avait même reproché d'être trop "humaniste" (48ème sur 2800 à se présenter, les 127 premiers étaient pris, sous réserve de l'oral.)

"Vive la France", un vrai futur pays de technocrates.

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