Le 29 mars 2023, je suis appelé pour assister Elena qui a déposé plainte pour viol et violences à l'encontre de son conjoint.
Elle va être confrontée à son mari qui est également son tortionnaire.
Elena parle mal français, elle est donc assistée d'un interprète.
Elena est isolée, elle arrive au commissariat avec ses trois enfants en bas âge.
Lors de l'entretien que nous allons avoir, je dois la préparer à cette confrontation et bâtir la relation de confiance.
Son mari a déjà été condamné pour des violences conjugales sur elle en 2019, mais il lui a promis qu'il allait changer. Elle s'est laissée convaincre notamment parce qu'elle ne sait pas parler français et ne serait pas se débrouiller seule, enfin seule...seule avec leurs trois enfants.
Je ne lui demande pas de me décrire la scène de viol...
Nous arrivons lors de la confrontation. Elle est assise à côté de son mari, sur sa gauche, il y a l'interprète. Je suis derrière elle. Elena ne parlant pas bien français, nos échanges non verbaux sont essentiels pour communiquer. Je la regarde et je pose la main sur le dossier de sa chaise.
Son mari cherche à faire des apartés avec elle dans leur langue. L'interprète, à ma demande, traduit tout même ce que dit - à voix basse - le mari.
Celui-ci est tour à tour larmoyant et menaçant. Il lui explique qu'à cause d'elle, il va aller en prison et qu'elle se retrouvera à la rue avec leurs enfants.
Elle a peur, elle n'arrive pas à prononcer le mot "viol" devant lui simplement elle explique qu'elle a été prise de force.
Le gardé à vue est confronté, par l'officier de police judiciaire, aux photographies des dessous de la victime qui sont déchirés. Il a des explications : ils étaient fragiles et son épouse et lui pratiquaient des jeux sexuels, elle était d'accord...
La confrontation se termine, l'officier de police judiciaire propose aux avocats de formuler leurs observations et de poser des questions.
Je pose une question à ma cliente "savez-vous ce qu'est une emprise ?" Elle pleure et elle répond en expliquant avec ses mots, à elle, à quel point son mari lui dicte son comportement...
Je pose une question au gardé à vue en lui demandant simplement si sa femme était d'accord non pas seulement pour avoir un rapport sexuel, mais aussi sur les pratiques et sur tout le rapport sexuel. Il perd son sang-froid et m'explique qu'elle n'a connu que lui et ne connaîtra que lui toute sa vie. Il sait deviner si elle a envie ou non...il est menaçant...
Je dépose des observations écrites !
L'interprète, la victime et moi restons ensemble à discuter de la suite. La victime hésite à retirer sa plainte. Elle a peur et ne sent pas légitime à revendiquer quoi que ce soit. Je lui parle de sa fille et lui demande si elle voudrait que sa fille subisse la même chose en reproduisant le schéma familial.
Elle maintient sa plainte.
Je dois interrompre ce récit, car ce matin, nous devons aller au tribunal pour demander l'aide juridictionnelle.
Je vais essayer de l'aider et de l'accompagner du mieux possible !