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L'Assemblée générale du Conseil national des barreaux a voté l'augmentation des frais d'inscription à l'école des avocats provoquant un véritable tollé auprès des étudiants.
En effet, le risque est de voir une profession qui se fermerait aux plus démunis, d'une sélection fondée sur le niveau social. En effet, nombreux sont les étudiants incapables de faire face à tous les frais inhérents à l'entrée dans la profession qu'il s'agisse de l'inscription à l'IEJ, à une Prépa et au CRFPA.
Cette indignation a pris la forme :
- d'un communiqué de presse : http://www.ares-infos.org/2017/02/05/probite-humanite-cnb-empeche-legalite-dacces-a-profession-davocat/
Tout au long du week-end, j'ai recueilli les témoignages de nombre d'entre eux sur le groupe facebook "actualités CRFPA" : https://www.facebook.com/groups/652448784874705/?fref=ts
Certains d'entre eux ont accepté de répondre à mes questions. Il s'agit de :
- Julie Bertrand, étudiante à l'IEJ d'Aix-en-Provence
- Philippe Kayes, étudiant à l'IEJ d'Avignon
- Mahjoub Maireche, étudiant à l'IEJ de Paris V
- Alexandre Arlin, étudiant en Master 1 déconomie et de droit à l'Université de Toulouse 1
Q1 comment avez-vous appris l'augmentation des frais d'inscription ?
- Julie : Je suis active sur les réseaux sociaux, et j’ai eu cette information sur Twitter vendredi vers 22h.
- Philippe : Sur Facebook, via actualités crfpa.
- Mahjoub : J'ai vu un post sur mon fil d'actualité Facebook
- Alexandre : J’ai appris l’augmentation des frais d’inscription en faisant de la veille sur twitter vendredi soir. Mon engagement associatif me conduit à en faire régulièrement afin d’être toujours au fait de l’actualité qui concerne les étudiants en Sciences Sociales.
Q2 comment avez-vous réagi ?
- Julie : Pensant que c’était un projet après plusieurs vérifications, il s’avérait en fait que ce vote s’inscrivait à la suite d’un rapport prévoyant la réforme de la Formation initiale des avocats.
J’ai été choquée par l’augmentation des prix qui est un frein aux étudiants pauvres et ceux issus des classes moyennes.
Il ne s’agit pas d’un ajustement mais d’un quasi doublement sans aucune justification, j’ai vu qu’on se referait aux prix d’instituts privés pour augmenter les prix, je rappelle que la comparaison si elle permet parfois d’évoluer et de prendre le meilleur, ici il s’agit d’un calque sans aucune étude d’impact auparavant, c’est pas qu’on est en déficit qu’en augmentant les prix cela va se résoudre.
Le plus grand risque est selon moi la création de la collaboration qualifiante, ne faut-il pas rappeler pourquoi le stage obligatoire a été supprimé ?
Certains barreaux ne recrutaient aucun stagiaire et des étudiants pourtant titulaire de l’examen d’entrée à l’école se retrouvait sur le carreau.
On oublie souvent que la collaboration n’est pas une chose aisée à trouver, il suffit d’ailleurs de voir à partir de combien de CV et entretiens on obtient un stage.
- Philippe : Choqué et déçu, je n'ai pas nécessairement envie que mon avenir dépende du bien vouloir d'un banquier. Le barreau se doit d'être accessible aux étudiants issus de tous horizons, s’il veut prétendre être en mesure, de s'adresser à tous.
- Mahjoub : J'étais choqué, j'ai tout de suite réagi par un message sur mon fil d'actualité, que j'ai relayé ensuite sur plusieurs groupes « CRFPA », j'ai compris que mon indignation était partagée par beaucoup !
- Alexandre : Je dirai la surprise. La surprise d’apprendre une telle mesure un vendredi soir sur twitter alors même que le mardi précédent avait lieu les états généraux du droit auxquels j’étais présent. Lors de la table ronde sur la formation des juristes de ces EG, Me Grandjean, avocat au barreau de Paris et présent en qualité de représentant du conseil de l’ordre, a à maintes reprises abordé le sujet de la formation des avocats, sans jamais faire mention de cette augmentation des frais qui a pourtant été adoptée seulement 4 jours après. Et je ne parle pas de la « collaboration qualifiante ». Au final ce qui me gêne le plus, ce qui nous gêne le plus à nous les étudiants, c’est le manque de dialogue et de concertation préalable. Nous sommes conscients que des contraintes économiques pèsent sur la profession et, de facto, sur la formation mais d’autres solutions existent. Sélectionner par l’argent en augmentant les frais d’inscriptions c’est se résigner à une solution de facilité qui n’est pas digne de notre modèle d’enseignement supérieur et encore moins de la profession d’avocat.
Q3 Que pensez-vous de la justification avancée selon laquelle le coût de la formation serait de 5000 € par étudiant ?
- Julie : Cette justification est juste un chantage à la fermeture des écoles combien coûte un collégien, un lycéen ou un fonctionnaire ?
On parle quand même d’une profession formant des auxiliaires de justice, nécessaire à notre société qui avec les évolutions législatives technologiques devient de plus en plus complexe les avocats sont donc nécessaires, nous serons les garants et les conseils de nos concitoyens.
Si ces écoles n’arrivent pas à gérer on devrait alors confier aux universités la formation des élèves avocats ou alors à un organe ad hoc s’occupant de cela.
On devrait aussi informer aux étudiants des la première année de Licence le prix pour devenir avocat (codes, prépas privés pour préparer l’examen) car là on nous présente une profession ou la méritocratie permet d’y accéder alors que d’autres critères entrent en jeu.
- Philippe : Si le coût de revient de cette formation tant décriée, est de 5000 euros, alors c'était peut-être la formation elle-même, qu'il fallait revoir en profondeur, afin de gagner en efficacité et en qualité.
- Mahjoub : Je trouve cette justification infondée, d'où vient ce chiffre ? Comment a-t-il été calculé ? Pourquoi faire porter le coût total de la formation sur les étudiants ? Ne peuvent-ils pas envisager des modes de financement différents ?
Surtout ce montant de 3000 euros est pour moi une discrimination, le symbole d'une sélection par l'argent, dans une profession qui restait quand même accessible au plus grand nombre.
La formation actuelle coûte déjà assez cher entre l'inscription obligatoire dans un IEJ, l'éventualité d'une prépa qui coûte en moyenne 2000 euros, alors être obligé de payer 3000 euros suite à la réussite du CRFPA, je trouve a très excessif .
- Alexandre : Je ne doute pas de la véracité du cout, Ce dont je doute en revanche, c’est de l’efficience de la mesure prise vendredi soir. Il faut peut-être prendre le problème sous un autre prisme et repenser la formation d’avocat de manière profonde et globale. La réforme de l’examen d’entrée au CRFPA partait d’un bon sentiment, mais elle manquait d’ambition et de profondeur. Il faut avoir le courage de repenser tous les aspects de la formation, de la première année de droit jusqu’aux EDA
Q4 quelles sont les suites envisageables ?
- Julie : La première est une réduction du prix annoncé qu’il y ait une augmentation prévue en se basant sur l’inflation, cela se conçoit mais une telle augmentation n’est ni justifiable ni justifiée.
Suppression pure et simple de la collaboration qualifiante qui est contraire au droit de l’Union européenne et à la liberté d’entreprendre. Une fois le diplôme en poche on devrait nous laisser notre chance.
La solution est selon moi la création de 4/5 grandes écoles avec une carte lisible.
L’école doit se consacré à la pratique et je pense que le législateur devrait intervenir avec une incitation fiscale pour les avocats qui donnent des cours dans les écoles avec en contrepartie réduction du coûts des cours pour les écoles , il s’agirait d’un donnant donnant incitatif.
Il devrait y avoir une enquête de satisfaction des élèves avocats qui serait anonyme à l’issue de leur formation afin que les écoles deviennent des pôles d’excellence avec des diplômés prêt à intégrer le marché du travail dés la prestation de serment.
- Philippe : Continuer à soutenir les initiatives qui prennent, comme la pétition et les sollicitations d'organes de presse. Essayer d'en discuter avec les associations étudiantes "générales", ce combat particulier, s'inscrivant peut être dans un combat plus large (la hausse du coût des études), et donc toucher un public plus large. [Apres sans le bon vouloir des avocats je pense qu'on arrivera difficilement à faire quoi que ce soit... Il faudrait peut-être faire une pétition propre à eux , ou "un manifeste" co-signé par des avocats plus ou moins influents, autant dire que c'est pas gagné d'avance]
- Mahjoub : Tout d'abord mobiliser les étudiants, notamment via la pétition, les informer des conséquences directes de cette décision pour eux !
Mobiliser la presse juridique spécialisée, ce qui est déjà fait !
Mobiliser la presse généraliste pour toucher le plus de monde possible !
Je pense qu'il faudrait aussi avoir le soutien de personnalités reconnus du monde du droit, cela peut être symbolique mais renforcera la mobilisation sur la question.
Il faudrait aussi agir au niveau politique, demander aux candidats à la présidentielle leurs avis sur la question, cela permettrait une médiatisation importante de cette question d'autant plus qu'elle est reliée à des objectifs de justice sociale, d'organisation de l'enseignement supérieur, d'insertion des jeunes diplômés (en l’occurrence les avocats).
Si débat, il y a lieu, cela pourrait ouvrir la réflexion sur les vrais réformes dont a besoin la profession d'avocat aujourd'hui, une réflexion qui mêlerait l’ensemble des acteurs de la profession, y compris les étudiants qui n'ont semble-t-il pas été consultés sur cette mesure.
- Alexandre : Selon moi il serait fort bien que le CNB retire ses deux mesures et ouvre des concertations en y invitant tous les acteurs concernés et, qui sait, peut-être qu’il sera agréablement surpris des alternatives que les étudiants et les jeunes avocats ont à lui proposer. Dans tous les cas, prendre du temps pour échanger autour des positions de chacun ne peut être que socialement plus profitable.