Gifler le Président de la République : que risque-t-on ?

Publié le Modifié le 10/06/2021 Vu 3 461 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Le 8 juin 2021, un individu a giflé le Président de la République Emmanuel Macron à l'occasion d'un déplacement. Cet article va permettre de cerner les contours de la répression prévue dans cette hypothèse

Le 8 juin 2021, un individu a giflé le Président de la République Emmanuel Macron à l'occasion d'un dépla

Gifler le Président de la République : que risque-t-on ?

L'actualité est marquée par l'affaire de la "gifle" au Président de la République Emmanuel Macron.

L'avis de nombreuses personnes est demandé. On y décrit les stigmates d'une campagne présidentielle déjà nauséabonde à l'issue d'un quinquennat hanté par les crises des "gilets jaunes" et du COVID-19. 

Pour beaucoup, la tendance est à l'exagération et à la surenchère juridique. Quelques jalons historiques vont permettre de dresser le cadre juridique applicable.

Tout d'abord, il est totalement inexact d'indiquer qu'il s'agit des premières violences envers un chef d'Etat en exercice. Ainsi, Paul Doumer en 1932 a été assassiné par Gorgulov. A cette occasion, la Cour de cassation a affirmé l'indispensable principe d'indifférence des motifs (Crim., 20 août 1932).  L'enjeu était alors de taille puisque la peine de mort avait été abolie en matière politique en 1848 et que Gorguloff avait agi en raison de son anarchisme. 

Ensuite, une autre affaire, beaucoup plus récente, retient notre attention, l'affaire "casse-toi pov’con". En 2008, Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, est accueilli par une telle banderole lors d'un déplacement. Cette banderole reprenait les mots que celui-ci aurait prononcés quelques mois plus tôt. Poursuivi par le procureur, l'auteur de la banderole a été condamné sur le fondement du délit d'offense envers le chef de l'Etat prévu par l'article 26 de la loi du 29 juillet 1881 à une peine d'amende minime. L'affaire a alors été portée devant la Cour européenne des droits de l'homme, laquelle a considéré qu'il s'agissait là d'une atteinte excessive à la liberté d'expression (CEDH, 14 mars 2013, Eon c. France). Tirant les conséquences de cette décision, le législateur national a abrogé le délit (article 21 de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France). 

Enfin, concernant la présente affaire, il n'existe donc pas de disposition spécifique. Une gifle constitue des violences réprimées par les articles 222-7 et suivants du Code pénal en fonction de l'ITT provoquée. En l'occurrence, il ne semble pas qu'il y ait d'ITT. Par conséquent, c'est l'article 222-13 4° du Code pénal qui s'applique puisque l'infraction a été commise sur une personne dépositaire de l'autorité publique. Plus encore, il semble que les faits aient été prémédités, ce qui rendrait également applicable 9° de l'article. Finalement, la peine encourue est de 5 ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. 

Si les poursuites aboutissent à une condamnation, une éventuelle saisine de la Cour européenne des droits de l'homme sur le fondement de la liberté d'expression serait, cette fois, vouée à l'échec, la violence n'étant pas un mode d'expression tolérable dans une démocratie...

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

A propos de l'auteur
Blog de Mikaël Benillouche

Ce blog est destiné à recenser les actualités juridiques en pénal inhérentes à ma profession d'avocat

Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles