L'actualité est marquée par l'affaire de la "gifle" au Président de la République Emmanuel Macron.
L'avis de nombreuses personnes est demandé. On y décrit les stigmates d'une campagne présidentielle déjà nauséabonde à l'issue d'un quinquennat hanté par les crises des "gilets jaunes" et du COVID-19.
Pour beaucoup, la tendance est à l'exagération et à la surenchère juridique. Quelques jalons historiques vont permettre de dresser le cadre juridique applicable.
Tout d'abord, il est totalement inexact d'indiquer qu'il s'agit des premières violences envers un chef d'Etat en exercice. Ainsi, Paul Doumer en 1932 a été assassiné par Gorgulov. A cette occasion, la Cour de cassation a affirmé l'indispensable principe d'indifférence des motifs (Crim., 20 août 1932). L'enjeu était alors de taille puisque la peine de mort avait été abolie en matière politique en 1848 et que Gorguloff avait agi en raison de son anarchisme.
Ensuite, une autre affaire, beaucoup plus récente, retient notre attention, l'affaire "casse-toi pov’con". En 2008, Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, est accueilli par une telle banderole lors d'un déplacement. Cette banderole reprenait les mots que celui-ci aurait prononcés quelques mois plus tôt. Poursuivi par le procureur, l'auteur de la banderole a été condamné sur le fondement du délit d'offense envers le chef de l'Etat prévu par l'article 26 de la loi du 29 juillet 1881 à une peine d'amende minime. L'affaire a alors été portée devant la Cour européenne des droits de l'homme, laquelle a considéré qu'il s'agissait là d'une atteinte excessive à la liberté d'expression (CEDH, 14 mars 2013, Eon c. France). Tirant les conséquences de cette décision, le législateur national a abrogé le délit (article 21 de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France).
Enfin, concernant la présente affaire, il n'existe donc pas de disposition spécifique. Une gifle constitue des violences réprimées par les articles 222-7 et suivants du Code pénal en fonction de l'ITT provoquée. En l'occurrence, il ne semble pas qu'il y ait d'ITT. Par conséquent, c'est l'article 222-13 4° du Code pénal qui s'applique puisque l'infraction a été commise sur une personne dépositaire de l'autorité publique. Plus encore, il semble que les faits aient été prémédités, ce qui rendrait également applicable 9° de l'article. Finalement, la peine encourue est de 5 ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
Si les poursuites aboutissent à une condamnation, une éventuelle saisine de la Cour européenne des droits de l'homme sur le fondement de la liberté d'expression serait, cette fois, vouée à l'échec, la violence n'étant pas un mode d'expression tolérable dans une démocratie...