Rapport de la visite de la maison d'arrêt du 24 février (par Clémentine Roy, étudiante en L2 droit, UPJV) :
« … La prison ce n'est pas simplement la suppression de la liberté de mouvement, c'est un changement de la gravité atmosphérique et de la composition de l'air, comme si les murs ne se contentaient pas de vous entourer mais qu'ils écrasaient votre peau et votre pensée » L'apiculture selon Samuel Beckett de Martin Page.
Le jeudi 24 février nous avons visité la maison d’arrêt d’Amiens. Nous étions 10 étudiants en deuxième année de droit très intéressés par le milieu carcéral. Notre objectif en participant à cette visite était de se rendre compte de la réalité au sein d’une prison par rapport à ce que nous voyons en cours de droit pénal et de procédure pénale notamment ou encore en cours de sociologie politique. Nous avons été accueillis par M. Godé, formateur du personnel, qui a répondu à toutes les interrogations que nous avions dès notre arrivée et qui nous a fait visiter la maison d’arrêt en nous en montrant le plus possible, ce qui a rendu la visite vraiment enrichissante. Cette personne a été tout au long de la matinée très à l'écoute ce qui nous a permis d'être le plus à l'aise possible dans un environnement totalement inconnu pour nous.
Les avis sur cette matinée divergent. Il faut dire que personne ne connaissait ce milieu à part dans les séries américaines ! Ce qui n'est absolument pas la réalité française. Nos idées préfabriquées ont donc été vite ébranlées. Et aujourd'hui chacun est capable le plus raisonnablement et objectivement possible de faire sa propre opinion sur le sujet.
En premier lieu, nous avons tous été impressionnés par le fonctionnement de la prison, une sorte de ville avec des règles, des lois et une organisation interne insoupçonnée. Cette organisation repose en partie sur le droit et les lois qui régissent le règlement des prisons.
Nous avons tous été touchés par ce sentiment évident d'enfermement tout au long de la visite. L'éloignement de la vie courante s'est vite fait ressentir par tous.
De plus, le froid est prenant dans toute la structure aussi bien dans le quartier homme que dans celui des femmes même si, dans ce dernier une ambiance beaucoup plus chaleureuse règne. Ce froid est extrêmement ressenti lors du passage au sein du quartier disciplinaire. Un passage qui nous a tous laissé sans voix, car ici, c'est l'image la plus hostile de la prison que nous avons eu. Avec des cellules nauséabondes, sales, froides, peu éclairées, et surtout enfermées par des grilles et une porte. C'est cet isolement qui nous a le plus effrayé. Ce dernier est pesant dans toutes les cellules visitées. Le corps est prisonnier, l'esprit reste libre mais l'enferment est tel que les journées dépressives doivent envahir l'esprit. C'est alors un isolement total aussi bien physique que mental.
Le confort n'est pas au rendez vous dans les cellules, un matelas précaire, seulement 3 douches par semaine, un sol sale, peu d'objets personnels, des visites au parloir surveillées et restreintes. Le confort de base est précaire, les détenus peuvent cantiner, cependant, tout ce qui peut améliorer la vie quotidienne est payant (tabac, gel douche parfumé, Nutella, abonnement à la télévision, etc...).
Nous avons pu remarquer que même si les conditions de vie dans les locaux sont surmontables, le plus difficile reste les relations entre les détenus eux mêmes, cela a été compris lors de notre passage au quartier d'isolement. Certains doivent s'isoler pour pouvoir échapper aux conditions et aux possibles altercations avec les autres.
En deuxième lieu, quelques uns parmi nous, ont vu un coté légèrement « laxiste ».
En effet, l'image hostile de la prison présentée dans les médias ou dans les films, ne s'est pas faite ressentir sur certains points.
Certains étudiants ont été surpris par l’architecture de la maison d’arrêt. En effet, les deux premiers étages date de 1904, puis deux nouveaux étages ont été ajoutés par la suite, certainement pour augmenter la capacité d’accueil de la maison d’arrêt qui est généralement a un taux d’occupation qui approche les 130%.
Certaines différences sont flagrantes entre les deux architectures, la construction initiale comportait de petites fenêtres, mais de plus grandes cellules. Alors que l’architecture plus contemporaine comporte de plus grandes fenêtres, mais des cellules plus petites. La maison d’arrêt est réalisée sur un système ouvert : un grand sas dessert toutes les ailes de la prison. Ce sas est lumineux, de part son ouverture sur tous les étages et nous avons pu apercevoir des vitraux en forme de fleurs au plafond laissant pénétrer la lumière, cet aspect n'est pas froid comme nous aurions pu l'imaginer.
Par ailleurs, Il y a de nombreuses activités proposées au sein de la prison même si les places sont extrêmement limitées. Des formations sont proposées pour aider les détenus à se réinsérer dans la vie. Ce qui est ici normal. Les détenus sont rémunérés pour certaines activités comme le ménage dans la structure ou autre. Il y a de plus, des soirées proposées telles que : un défilé de mode avec un créateur ou encore un remake de danse avec les stars. Par exemple, il y a une salle de sport remplie de machines plutôt récentes. Certaines possibilités proposées par la prison seraient irréalisables pour certains à l'extérieur.
En outre, l'administration pénitentiaire donne à tous les détenus qui entrent avec 0 euro en poche, 20 euros pour pouvoir cantiner. Ne serait ce pas dans certains cas de l'abus ? En effet, chaque détenu doit avoir 20 euros dès le début. Si ce dernier arrive avec 15 euros l'administration va lui donner 5 euros. Il y a des abus dans le sens ou les détenus qui reviennent pour la 2eme fois voir plus, ont compris le système et profite de cela, en arrivant avec 0 euros a chaque fois et 2 jours après ils ont 100 euros sur leur compte.Dans certains cas, c'est étonnant voir scandaleux de donner ces 20 euros a des récidivistes qui ont bien compris le système.
De ce point de vue, nous n'avons absolument pas ressenti la dur vie de la prison et avons été étonnés.
En dernier lieu, nous avons également vu les différents métiers au sein de la prison, entre le formateur pénitentiaire, les surveillants mais aussi nous avons eu la chance de rencontrer la présidente de la commission disciplinaire. Tous ces métier ne sont pas faciles. Mais, le personnel a su trouver le bon dosage entre fermeté et accompagnement tout au long de la peine.
Cette visite a donc été extrêmement constructive et appréciée par tous. Nous avons compris la chance qui nous a été donnée lors de cette matinée. Ce milieu peu connu du monde extérieur nous a été dévoilé et pourtant nous ne sommes ni avocats, ni surveillants mais simplement étudiants en droit en licence 2.
Alors, un grand merci a toute les personnes qui nous ont accueillis au sein de l'établissement. Également merci a notre professeur de Droit pénal, Mr. Benillouche, qui a tout fait pour que cette sortie soit réalisable, malgré la conjoncture politique actuelle.