Voici une information qui ne fera pas les gros titres de la presse écrite, je n'aurai pas droit à un #breakingnews sur BFM TV, ni même une tribune dans une revue juridique : à la rentrée universitaire 2017, je ne serai plus en charge du cours de droit pénal général en L2 !
Alors, certes ce n'est pas grave en soi. A titre d'exemple, je dirai que l'élection de Donald Trump c'est grave, que le départ d'Enora Malagré de TPMP c'est grave, que l'abstention c'est grave...mais renoncer à ce cours après 15 ans, ce n'est pas grave.
C'est que pourtant, ce cours m'a offert mes plus beaux souvenirs d'enseignant dont certains (j'en conserve quelques-uns pour une suite...) ont alimenté ma "chronique d'un maître de conférences" (Enrick B. éditions, 2017, https://www.facebook.com/MikaBenillouche). Ce sont mes premiers pas de maître de conférences à 27 ans dans cet amphi. J'y ai fait de belles rencontres, notamment avec ma pédagogie. Personne ne le sait, mais si j'ai commencé à enseigner sans notes manuscrites c'est à cause d'un accident...de coca light. Ma canette a explosé sur ma préparation de cours au bout de 10 minutes, il a donc fallu improviser... . Quelques années plus tard, c'est aussi cette chute mémorable après m'être pris les pieds dans le fil du micro (je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître)... .
Ce cours c'était également le premier lien qui se faisait entre les étudiants et la matière pénale. Dès le premier cours, je les interrogeais sur le sens de la peine et leur proposais d'organiser - pour eux - une visite à la maison d'arrêt. Ce cours me portait. Je me souviens d'un jour où, malgré une infection de l'oeil, je suis tout de même venu en cours avec un pansement et mes lunettes de soleil. Je ne voyais pas grand chose. J'appréhendais la réaction des étudiants. Quelle erreur... ils ont été exemplaires et leurs applaudissements en fin de cours m'ont galvanisé. J'ai contribué à la formation de 15 générations d'étudiants, je crois avoir suscité quelques vocations quand je vois ce que certains sont devenus : universitaires, avocats, magistrats, greffiers, juristes et même comédiens. Ils m'ont tellement apporté. Je tiens à les en remercier. Qu'il s'agisse de problèmes de santé ou de problèmes personnels, ce cours me permettait pendant 3h de tout évacuer !
Ce cours était également le lien d'un petit "jeu" avec ma collègue Sylvie Tsoulidès, maître de conférences en droit public, qui enseigne avec la même passion les finances publiques (oui ça existe). Les étudiants ont, en début de semestre à choisir quelle matière ils auront en TD entre le droit pénal et les finances publiques. Ce choix, je dois l'avouer, est d'un point de vue pédagogique redoutable car finalement ils doivent choisir entre deux matières qui détonnent dans la summa divisio : droit privé / droit public. Nous ne pourrons plus échanger sur nos promotions, ni nous laisser des messages par amphi interposé.
Enfin, ce cours était aussi le support de travaux dirigés. J'en ai vu passer des chargés de TD en 15 ans...des stressés, des doués, des filous, des pédagogues, des démagogues...j'espère avoir contribué à leur formation (ou à leur déformation selon le cas). C'est vrai que j'aurai aimé un jour transmettre à l'un d'eux le micro de cet amphi...quand il lira ces lignes, il comprendra que je n'ai pas tenu cette promesse...
Il fallait bien que ça se termine un jour, j'ai résisté longtemps et j'en suis fier. Il y aura d'autres cours, d'autres enjeux, d'autres souvenirs. Un autre enseignant va reprendre ce cours avec passion et panache, je n'en doute pas.
Et puis, finalement ne fallait-il pas que je finisse - comme je m'y attendais - sur ce Mannequin Challenge en décembre dernier https://youtu.be/XGwTk6CtzJ0 ... ?