Depuis trois ans, le Certificat Universitaire "Droits debout" organisé à l'Université Catholique de Lyon est porté par Marion Wagner qui charge plusieurs personnalités de piloter une des journées de la formation.
Elle m'a confié la thématique du travail en prison. Le milieu carcéral et ma volonté de partager sur toutes les problématiques qui lui sont inhérentes sont à l'origine de la création de ce blog. En effet, je connais la prison pour l'avoir côtoyé dans trois cadres différents : en tant qu'avocat (aujourd'hui omis), en tant qu'accompagnateur d'étudiants venus visiter les lieux de détention et en tant qu'assesseur en commission de discipline.
La première journée avait été porteuse d'espoir concernant le statut des condamnés occupant un travail en prison et avait donné lieu à une synthèse diffusée sur ma chaîne YouTube.
Cette année, pour bâtir la journée, j'avais choisi de faire appel à des personnes qui avaient des messages à faire passer.
La journée a été ouverte avec Eric Jayat, ancien détenu pour une longue peine qui est revenu sur son expérience et nous a même remis des copies des fiches de paie qu'il recevait. Il a rappelé les difficultés de la réinsertion et a porté un regard dur sur les modalités du travail en prison, qui sert davantage à occuper les détenus par des tâches répétitives qu'à préparer la sortie.
Elle devait se poursuivre avec un autre ancien détenu, Patrice Rigaud, qui n'a pu se déplacer pour des raisons de santé, mais avait pu nous communiquer son texte. Il y décrivait les difficultés d'obtenir un travail et pointait la rémuénration ridicule octroyée. Ainsi, il n'y aurait du travail que pour un détenu sur quatre.
Monica Cardillo, Maître de conférences, a rappelé l'étymologie des termes employés, mais aussi les différentes conceptions du travail. Le travail peut ainsi être envisagée comme une punition. Son intervention permettait déjà de s'interroger sur les changements de conception en fonction du paradigme choisi.
Ensuite, Jean-Paul Céré, Président de l'Association Française de droit pénal, a rappelé le cadre juridique du travail en prison qu'il s'agisse du code de procédure pénale, mais aussi des apports des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme en la matière.
Mathilde Delwaulle, étudiante en Master 2 dont le mémoire que je dirige porte notamment sur cette question a évoqué l'ensemble des sources supralégislatives, qu'il s'agisse des décisions constitutionnelles ou des règles pénitentiaires européennes, dressant les contours d'un droit frileux et l'absence de courage politique en la matière.
Pour Paul Latouche, avocat, son rôle de défenseur est essentiel en la matière afin de garantir l'effectivité des droits du détenu. Celui-ci n'est-il pas dans une véritable situation d'inféodation par rapport à une administration pénitentiaire toute puissante en la matière ?
Finalement, la journée était à charge pour l'administration pénitentiaire jusuq'à l'intervention d'Edwige Gbadamassi, CPIP. Après avoir judicieusement rappelé son rôle, elle a préféré préciser qu'elle était davantage accompagnatrice, qu'aide à la réinsertion. Toutefois, comment mener à bien cette tâche quand il y a 3500 CPIP pour environ 70.000 détenus et 200.000 probationnaires ?
Enfin, Franck Ludwiczak, Directeur du Master Droit de la matière pénale, a traité des alternatives à l'emprisonnement par le biais du travail, profondément impactées par les dernières réformes pénales. A titre d'exemple, le travail d'intérêt général crée comme substitut à l'emprisonnement devient une véritable peine en étendant son champ d'application réforme après réforme.
Finalement, je n'ai pu que conclure sur l'ambivalence du travail : punition ou récompense et sur l'absence de politique pénale effective claire en la matière...
Une bien belle journée d'échange, en espérant - je l'espère - celle de l'année prochaine toujours devant un public plus nombreux...