Je m’appelle Cécile MARTEL, j’ai 21 ans et je suis actuellement en M1 droit privé approfondi à la faculté de droit de l’Université de Picardie-Jules Verne. Passionnée par le droit pénal, le milieu carcéral et la criminologie cette visite en maison d’arrêt était pour moi une opportunité unique. Après m’être « battue » pour pouvoir m’inscrire à l’une de ses visites, je me retrouve coordinatrice du groupe. Je patient puis vient le jeudi 2 mars : jour J pour la visite. Il faut tout d’abord savoir que le milieu pénitentiaire m’attire curieusement depuis que je suis toute petite, déjà très jeune je demandais à mes parents de s’arrêter devant la maison d’arrêt en espérant entrevoir un détenu ou le transport d’un détenu dans un véhicule de l’administration pénitentiaire.
Je me lève le jeudi 2 mars 2017, j’avais évidemment passé une nuit à penser encore et encore à cette visite tant attendue. Je me gare avenue de la Défense passive, la boule au ventre tout en étant tellement impatiente. Remplie de clichés, de stéréotypes perçus dans les films, j’ai soif d’apprendre et de découvrir de ce milieu qui me fascine tant. Notre groupe entre au sein de la maison d’arrêt et les choses sérieuses commencent. Nous laissons nos affaires et passons au détecteur de métal puis rejoignons un formateur de l’administration pénitentiaire, c’est ce monsieur qui nous fera la visite. Il commence tout d’abord par nous faire un bref historique de la maison d’arrêt, du nombre de détenus et nous dit surtout de ne pas hésiter à lui poser des questions. Très abordable et alliant professionnalisme et humour, cet homme est l’un des éléments qui fait que cette visite restera pour moi une expérience marquante.
Nous entrons, ce qui surprend de suite est l’architecture de la prison. En effet, elle s’observe en forme de cercle et plusieurs étages s’additionnent. Le formateur nous explique en outre qu’il y a deux grandes zones : un quartier pour les détenus travailleurs et un autre pour les détenus non-travailleurs soit dit en passant, plus difficiles. Il n’y a pas de vide au centre des étages mais des filets. Pourquoi ? Le formateur nous répond que c’est pour éviter les suicides ou tout du moins les sauts des détenus, tout en nous disant que certains tentent encore et qu’il arrive d’aller les repêcher. Nous passons ensuite, comme un détenu le ferait, dans la partie « entrée en détention » où chaque détenu est généralement seul dans une cellule, sous surveillance permanente étant donné que cette période est l’une des plus risquée en termes de suicide. Nous avons la possibilité de visiter ces cellules, de parler à l’agent pénitentiaire ayant cette zone sous surveillance et cela n’est que du bonheur.
En outre, nous continuons notre visite. Un des clichés s’effondre : non les détenus ne passent pas leur journée en cellule, habillés en orange et presque un boulet à la cheville avec des menottes. Tout cela est faux, les détenus sont habillés en civil, avec leurs propres vêtements, ne sont pas menottés et se déplacent « librement » au sein de la prison, toujours accompagné toutefois d’un agent pénitentiaire. En outre les détenus possèdent dès leur arrivée un kit d’hygiène comprenant brosse à dent, une lame de rasoir, des couverts ou encore des assiettes en verre etc. Une question se pose de suite : le rasoir ou le couteau ne sont-ils pas trop dangereux ? Nous sommes un peu étonnés mais le formateur relativise et nous dit qu’en prison, tout peut se transformer et devenir une arme, chaque détenu étant responsable de ses affaires et une fois que l’un des éléments est abîmés ou cassés, le détenu devra faire sans, il réfléchira alors avant de faire quelque chose de stupide. De plus, un minimum de confiance doit être accordé à chaque détenu. Mais il faut surtout retenir que rien n’est figé en prison, c’est un milieu dynamique où les déplacements sont permanents. Bien sûr ce milieu est bruyant, nous pouvons entendre des détenus frappant la porte de leur cellule ou quelques insultes mais le formateur nous rassure à nouveau et nous dit que ce langage est habituel en milieu carcéral, le bruit est bon signe.
La visite se dirige ensuite vers les cours de promenade. Nous avons pu observer l’un des cours de promenade du haut des fenêtres de la maison d’arrêt. Nous apprenons que ces promenades sont encadrées, régulées selon des temps de promenade précis. Nous sommes également confrontés à la saleté, un des clichés du milieu carcéral. Le formateur nous explique qu’auparavant lorsque les barreaux des fenêtres des cellules donnant sur les cours de promenade étaient assez espacés, les détenus jetaient directement leurs déchets par ces barreaux, préférant cette solution au lieu de sortir leur poubelle chaque matin aux environs de 7h. Ces agissements ont eu pour conséquence une prolifération de rats, un problème majeur résolu par des barreaux plus étroits. Le formateur répond à toutes nos interrogations et les questions fusent notamment concernant les éléments lancés au-dessus des murs de la prison c’est-à-dire par des personnes extérieures non détenues. Il nous répondra que de par sa longue carrière il y a observé une évolution : auparavant les familles et amis avaient peur de balancer des choses dans les cours de promenade, désormais la présence de caméras et les patrouilles n’effraient plus personne. Il nous dira également que sont essentiellement balancés : des kebabs, de la drogue, de l’alcool, des téléphones et même une fois en été une piscine gonflable ! Toutes les anecdotes du formateur nous font rire, nous détendent et nous permettent également de réfléchir à l’évolution du milieu carcéral et de la difficulté du métier ; surveiller l’intérieur de la prison mais aussi l’intérieur. En outre les agents pénitentiaires sont parfois confrontés aux bagarres, il faut ainsi réussir à allier les différends entre détenus et repérer ceux qui ne devraient pas se retrouver ensemble en promenade. Même problème pour chaque activité : salle de sport, salle d’activité, salle informatique etc.
Nous avons ensuite été visités le quartier des travailleurs ; les détenus travaillant au sein de la prison et notamment dans les cuisines de la prison car les détenus y travaillant fabriquent les repas de chacun des détenus. En parlant de nourriture, les détenus ont 3 repas par jour : un le midi et deux le soir (dîner et petit-déjeuner du lendemain matin). Nous avons pu visiter une cellule d’un détenu travailleur, évidemment non présent, mais une cellule occupée. Les cellules ne sont pas très grandes certes, toutefois elles sont propres, possèdent toutes une télévision, des toilettes et un lavabo. Chaque cellule est environ occupée par deux détenus couchant sur des lits superposés. Nous voyons accrochés au mur des photos d’enfants, des dessins, des mots de la famille : cela nous touche obligatoirement et à ce moment-là nous nous rendons véritablement compte de la difficulté de l’incarcération ; l’absence d’intimité, la distance et l’absence de liens familiaux et amicaux, le confort primaire… Toutefois, les détenus ont la possibilité de cantiner c’est-à-dire d’acheter de la nourriture ou des cigarettes à travers un compte « bancaire » que possède chaque détenu à son entrée en détention : ce compte sera fourni soit par le salaire du détenu s’il travaille, soit par des sommes versées par les proches du détenu. Lors de notre visite nous avions pu observer la cantine de cigarettes ; les détenus pouvant fumer dans leur cellule, les cigarettes sont pour la plupart un refuge primordial.
Enfin nous passons devant l’unité sanitaire de la maison d’arrêt étant donné que chaque détenu a un droit de soins, des médecins viennent plusieurs fois dans la semaine effectuée des consultations. Puis nous visitons le quartier disciplinaire de la maison d’arrêt ; plus sécurisé, plus surveillé. Nous visitons les cellules de ce quartier qui elles possèdent deux rangs de barreaux afin de garantir une sécurité maximum. Dans ce quartier disciplinaire les sorties ne sont pas autorisées et le « mobilier » est fixé au sol.
Pour finir nous visitons les parloirs. De nouveau les clichés s’effondrent étant donné qu’il n’y a qu’un seul parloir hygiaphone c’est-à-dire comme dans les films avec une séparation en plexiglass et une communication à travers deux téléphones. Pour le reste, chaque parloir ne possède qu’une table et des chaises et ne sépare pas matériellement les visiteurs des détenus. Les questions continuent de fuser à travers l’un des clichés : les relations sexuelles au sein des parloirs. Le formateur nous rappelle qu’elles sont en principe interdites mais une fois de plus, riche d’anecdote, nous dit qu’il y avait eu, une semaine avant notre visite, une coupure d’électricité durant 3h et nous dit en rigolant que dans 9 mois le taux de paternité des détenus va exploser !
Pour résumer, une telle visite est une chance incroyable. Elle a pour ma part était une expérience bien plus qu’enrichissante, elle m’a profondément marqué et confirme ma volonté de travailler dans le milieu pénitentiaire. Je tenais tout particulièrement à remercier M. Benillouche pour l’opportunité de cette visite, son dévouement et sa pédagogie à travers un enseignement à la fois théorique et pratique. Vous êtes réellement l’un des seuls à nous permettre d’effectuer de telles visites et à vous battre pour que l’on réalise nos rêves ; vous avez réalisé l’un des miens, visiter une maison d’arrêt et pour cela je vous exprime toute ma reconnaissance : MERCI. Je remercie également le formateur de l’administration pénitentiaire pour cette superbe visite ; elle aurait sûrement eu une autre saveur si vous n’aviez pas été si franc, si humain, si pédagogue, si professionnel et si généreux : un grand MERCI également. Merci enfin à l’administration pénitentiaire de nous avoir accordé du temps et de nous avoir permis d’entrer dans ce milieu fascinant. Pour conclure, cette visite de la maison d’arrêt est une opportunité incroyable, une expérience humaine qui ne laisse pas insensible, bien au contraire. C’est une expérience marquante qui laisse à réfléchir sur le milieu carcéral, sur les aspects tant négatifs que positifs, sur les problématiques qu’il faudrait résoudre mais aussi sur les métiers pénitentiaires qui sont loin d’être faciles. Plus particulièrement les agents pénitentiaires qui sont confrontés à la misère sociale, à la bêtise humaine, à l’irrespect, à la violence mais qui peuvent également vivre des choses fantastiques, humainement parlant très enrichissantes. Un seul mot résumera cette visite de la maison d’arrêt d’Amiens : EXTRAORDINAIRE.