L’égalité hommes/femmes en matière d’accès à la formation professionnelle n’est pas encore perçue comme une priorité pour les entreprises. Peu de sociétés sont en conformité avec la loi. Pourtant le principe d’égalité est un principe fondamental du droit communautaire qui sous-entend l’égalité de traitement et, par là même, l’interdiction de discriminer.
L’interdiction des discriminations en fonction du sexe est affirmée expressément par la Directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 modifiant la directive 76/207/CEE du Conseil relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 269 du 5 octobre 2002, pp. 5-20).
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) livre, pour la première fois à notre connaissance, sa position sur la mise en application de ce principe d’égalité hommes-femmes dans l’accès à la formation professionnelle, dans l’arrêt Kelly du 21 juillet 2011. Il s’agit d’une position de compromis dont la portée paraît passablement obscure.
Dans cette affaire, un professeur irlandais qualifié se voit refuser l’entrée dans une formation de maîtrise en sciences sociales, formant des travailleurs sociaux, à l’University College de Dublin. N’étant pas satisfait de cette décision, il saisit la justice d’une action en responsabilité contre l’université pour discrimination liée au sexe, en soutenant que des femmes, pourtant moins qualifiées que lui, auraient été admises à suivre la formation. La juridiction irlandaise du premier degré (Director of the Equality) a jugé que la circonstance d’une discrimination fondée sur le sexe n’était pas établie. Le plaignant décide alors de former un recours contre cette décision auprès de la cour d’appel (Circuit Court). Dans son recours, il demande au juge d’appel d’enjoindre l’université de lui donner l’accès à des documents dont elle dispose concernant les qualifications des autres candidats à la formation, pour qu’il puisse établir l’existence d’une discrimination liée au sexe en matière d’accès à la formation professionnelle. Suite au rejet de sa demande, le requérant décide de se pourvoir en cassation. A l’appui de son pourvoi en cassation, il soutient que la preuve d’une discrimination directe ou indirecte dans l’accès à une formation professionnelle ne peut être apportée à la justice en l’absence d’accès aux informations détenues par l’organisateur de cette formation. La Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle reprenant les termes du pourvoi.
Selon la CJUE, l’application de la directive 2002/73 garantissant un égal accès à la formation professionnelle ne prévoit pas « le droit pour un candidat à une formation professionnelle, qui estime que l’accès à celle-ci lui a été refusé en raison du non-respect du principe d’égalité de traitement, d’accéder à des informations détenues par l’organisateur de cette formation concernant les qualifications des autres candidats à cette même formation, afin qu’il soit en mesure d’établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte » (CJUE, 21 juillet 2011, Patrick Kelly c/ National University of Ireland, aff. C-104/10). Ainsi, la Cour de justice n’entend faire aucun écart dans l’interprétation des textes communautaires, en décidant que ceux-ci n’accordent aucun droit d’accès à des informations sur les qualifications des candidats retenus dans une formation professionnelle. Il appartient donc au demandeur d’établir lui-même des faits permettant de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.
Consciente que sa position en matière de preuve constitue un très sérieux obstacle à l’action des victimes de discriminations, la CJUE précise qu’il appartient aux juridictions nationales de vérifier si le refus du défendeur de transmettre des informations ne risque pas de compromettre « la réalisation de l’objectif poursuivi » par les directives sur l’égalité.
En résumé, le requérant n’a donc aucun droit d’obtenir des informations pour établir l’existence d’une discrimination en matière d’accès à une formation professionnelle, mais le défendeur ne saurait quant à lui complètement refuser de lui transmettre des informations. Voilà une position jurisprudentielle que l’on peut qualifier de « clarté ambigüe » : comprenne qui voudra, comprenne qui pourra.
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