On savait que les clauses de non concurrence incluses dans les contrats de travail devaient être rémunérées dès lors qu’elles fussent respectées par le salarié tenu d’un engament de non concurrence vis-à-vis de la société. Une contrepartie financière est alors versée au salarié à l’issue du contrat de travail, couvrant toute la période de l’interdiction de concurrence.
Contrairement aux engagements de non concurrence figurant dans les contrats de travail, ceux figurant dans des pactes d’actionnaires (ou de contrats de cession d’actions) n’étaient pas obligatoirement rémunérés. Désormais, depuis un récent revirement de jurisprudence opéré par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 15 mars 2011, le versement d’une contrepartie financière devient une condition de validité de la clause de non concurrence souscrite dans un pacte d’actionnaire par le salarié agissant en qualité d’associé.
Dans son arrêt du 15 mars 2011, la Cour de cassation a estimé que l’insertion d’une clause de non concurrence dans un pacte d’actionnaire doit être assortie d’une contrepartie financière au bénéfice du salarié qui s’est engagé : « Lorsqu’elle a pour effet d’entraver la liberté de se rétablir d’un salarié, actionnaire ou associé de la société qui l’emploie, la clause de non concurrence signée par lui, n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour la société de verser à ce dernier une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives » (Cass. com., 15 mars 2011, n° 10-13824).
La solution ainsi dégagée est révélatrice d’une approche jurisprudentielle qui se veut désormais plus réaliste et pragmatique, en faisant sienne les données factuelles suivantes :
(1) La nouvelle solution garantit une meilleure sécurité juridique. Souvent, l’investisseur qui souhaite prendre une participation dans le capital d’une société cible pourra se prémunir de la concurrence du fait des agissements du des cédants (ou dirigeants, ou salariés) en exigeant de ses nouveaux associés un engagement de non concurrence vis-à-vis de la société dans le cadre d’un pacte d’actionnaires.
(2) La nouvelle solution respecte le principe fondamental de la liberté du travail. Le fait que la validité de la clause de non concurrence, souscrite par un salarié en tant qu’associé dans un pacte d’actionnaires, soit subordonnée aux mêmes conditions qu’à l’occasion du contrat de travail (engagement de non concurrence limité dans le temps et l’espace, engagement de non concurrence justifié par la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, clause de non concurrence assortie d’une contrepartie financière) préserve la liberté fondamentale de tout salarié (subordonné, dirigeant, actionnaire ou associé) d’exercer une activité professionnelle.
(3) La nouvelle solution apporte au droit du travail une cohérence juridique. Un salarié agissant en qualité d’associé reste toujours placé dans un lien de subordination à l’égard de la société qui l’emploie, même si son engagement de non concurrence souscrit dans un pacte d’actionnaire est juridiquement autonome par rapport à son contrat de travail.
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