En effet, au cas présent, l'article L.1454-2 du Code du Travail impose que la juridiction de départage se prononce dans un délai d'un mois. Aussi, la justice sociale pâtit d'un manque évident de moyens, qui se répercute de manière implacable sur le justiciable. Aussi, l'un des meilleurs moyens de voir prospérer sa demande est d'invoquer l'article 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme qui renvoie à une notion fondamentale : « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial».
La particularité de la procédure prudhommale :
Au travers de ce jugement, il est intéressant de se plonger dans la procédure devant le Conseil des Prud'hommes. Au-delà de la phase de conciliation, le salarié saisit le Bureau de jugement du Conseil. En l'espèce, le salarié a saisi le CPH de Bobigny, le 20 mars 2006. Le 11 décembre 2006 fut rendue une décision de départage. L'audience de départage, rendue par le magistrat professionnel, eut lieu le 30 juin 2009 et le prononcé du jugement de départage est intervenu le 28 août 2009. La procédure dura donc au total 2 ans et 6 mois.
Le défaut d'application de l'article L.1454-2 n'est pas sanctionné. Aussi, le tournant amorcé par le TGI de Paris est marquant. D'autant qu'il ne s'agit pas d'une décision isolée mais bien d'une position générale. En effet, le seul 18 janvier 2012, 16 dossiers eurent à traiter de la responsabilité de l'Etat dans le dysfonctionnement de différents Conseil des Prud'hommes, que ce soit de Bobigny, Nanterre ou Longjumeau. A terme, le 15 février prochain, environ 70 dossiers auront été jugé sur ce fondement.
La motivation :
Pour le Tribunal, « il relève du devoir de l'État de mettre à la disposition des juridictions les moyens nécessaires à assurer le service de la justice dans des délais raisonnables et ce délai résulte manifestement du manque de moyens alloués à la juridiction prudhommale. Le déni de justice invoqué par le demandeur est caractérisé ».
Le jugement prend également le soin d'écarter des arguments qui pourrait être invoqué par l'Etat :
- Le fait que le salarié ait contribué, lui-même, à l'allongement de la procédure.
- Le fait que l'affaire ait une complexité particulière
- Le fait que les avocats n'aient pas échangé de manière volontaire les pièces du dossier, ce qui aurait générer des renvois d'audience.
A cela, le Tribunal répond de manière affirmative et engagée qu'il existait « un encombrement récurrent et ancien du Tribunal » et que le Ministère de la Justice n'apporte aucunes preuves des mesures qu'il aurait pu apporter à la résolution de ce dysfonctionnement, qualifié de récurrent.
La solution :
Eu égard à l'article L.141-1 du Code de l'Organisation Judiciaire, « l’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice, sa responsabilité n’étant engagée que par une faute lourde, constituée par une déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi, ou par un déni de justice ».
En conséquence, les différents salariés ont obtenu de 1.500 € à 8.500 € de dommages et intérêts.