L’associé provoquant une mésentente au sein d’une société, peut-il invoquer celle-ci pour demander la dissolution judiciaire de celle-là ?
Cass. com., 16 sept. 2014, n° 13-20.083, P+B
La cour de cassation, dans un arrêt du 16/09/2014 a répondu à cette question, en rappelant la stricte application de l’article 1844-7 5° du Code civil.
En l’espèce, il s’agissait d’une SCI dont l’associé gérant avait demandé la dissolution judiciaire en invoquant une mésentente qui aurait paralysé la société.
Le fondement de la demande était l’article 1844-7 5° du Code civil qui dispose que la société prend fin « Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société »
Les juges de la cour d’appel de Reims, ont déclaré la demande de dissolution judiciaire irrecevable en rappelant que, certes, tout associé peut invoquer la paralysie de la société pour demander sa dissolution en justice, mais cette demande est subordonnée à la condition que la paralysie ou mésentente invoquée ne soit pas causée par l’auteur de la demande de dissolution, en d’autres termes, la cour d’appel applique l’adage selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude .
Mais est-ce la bonne interprétation de cet adage ?
La réponse de la cour de cassation est négative, et elle est plus conforme à l’article 1844-7 5°.En effet, la chambre commerciale censure la décision de la cour d’appel en faisant une distinction entre la recevabilité de l’action et son bien fondé.
Selon cet arrêt « si la circonstance, à la supposer établie, que l’associé qui exerce l’action est à l’origine de la mésentente qu’il invoque est de nature à faire obstacle à ce que celle-ci soit regardée comme un juste motif de dissolution de la société, elle est sans incidence sur la recevabilité de sa demande »
Nonobstant le fait que l’associé ait été à l’origine de la mésentente supposée, son action en justice tendant à la dissolution de la société doit être déclarée recevable par les juges du fond, mais toute action recevable n’est pas forcément bien fondée ,et dans le cas de l’espèce, l’action de cet associé aura du mal à prospérer à cause de l’absence d’un motif légitime justifiant la dissolution de la société(Cass. com.,16 juin 1992, n° 90-17.621).
Naoufel Benabdelaziz
Master 2 Droit des structures et des activités de l’entreprise.
Université Paris X Nanterre La Défense