Le code des postes et des communications électroniques confie aux autorités désignées par le législateur, à savoir le ministre chargé des communications électroniques, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ainsi que l’Agence nationale des fréquences, le soin de déterminer les modalités d’implantation des stations radioélectriques sur l’ensemble du territoire ainsi que les mesures de protection du public contre les effets des ondes qu’elles émettent. La mise en service d’une antenne relais de téléphonie mobile est subordonnée à une autorisation délivrée par l’Agence nationale des fréquences au regard des caractéristiques de la station et de son implantation locale.
Les maires des communes de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), Pennes-Mirabeau (Bouches-du-Rhône) et Bordeaux (Gironde) avaient voulu réglementer de façon générale l’implantation d’antennes relais sur le territoire de leurs communes respectives. Ils justifiaient leur intervention sur le fondement de leur compétence de police générale sur le territoire de leur commune prévue par l’article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales, d’une part, et du principe de précaution prévu à l’article 5 de la Charte de l’environnement, d’autre part. Ce texte de valeur constitutionnelle depuis la loi du 1er mars 2005 prévoit en effet que « lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ». Se posait dès lors un problème d’articulation de compétences entre les compétences de police spéciales reconnues aux autorités de l’État en la matière et les compétences de police générale reconnues au maire.
Dans une décision d’assemblée du 26 octobre 2011, le Conseil d’État rappelle que « si le maire [peut être] informé, à sa demande, de l’état des installations radioélectriques exploitées sur le territoire de la commune, et si les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales habilitent le maire à prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, celui-ci ne saurait, sans porter atteinte aux pouvoirs de police spéciale conférés aux autorités de l’État, adopter sur le territoire de la commune, une réglementation relative à l’implantation des antennes relais de téléphonie mobile et destinée à protéger le public contre les effets des ondes émises par ces antennes ».
Le Conseil d’État précise également que si le principe de précaution « est applicable à toute autorité publique dans ses domaines d’attributions, [il] ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d’excéder son champ de compétence et d’intervenir en dehors de ses domaines d’attributions » même dans l’hypothèse où les valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques fixées par décret ne prendraient pas suffisamment en compte les exigences posées par le principe de précaution. Une telle réglementation relève des pouvoirs exclusifs conférés aux autorités de l’État.
Il convient toutefois de relever que cette décision du Conseil d’État qui vient tempérer l’application du principe de précaution concerne uniquement la question de la détermination de l’autorité compétente pour édicter une réglementation générale concernant l’implantation des antennes relais. Elle ne préjuge en rien la légalité d’une décision prise par le maire, notamment en cas d’urgence, concernant une antenne déterminée, au regard des circonstances locales exceptionnelles. En effet, en se fondant sur un risque imminent, le maire peut intervenir de manière temporaire, en dérogeant aux règles de compétence. Le Conseil d’État, dans un arrêt du 2 décembre 2009, retient que « s’il appartient au maire, responsable de l’ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, le maire ne saurait s’immiscer dans l’exercice de […] police spéciale [de l’eau attribuée au préfet] qu’en cas de péril imminent ».
Nicolas Guerrero
Avocat à la Cour