"La science du législateur consiste à trouver, dans chaque matière, les principes les plus favorables au bien commun ; la science du magistrat est de mettre ces principes en action, de les ramifier, de les étendre, par une application sage et raisonnée, aux hypothèses privées" Portalis
L'administration a le devoir de poursuivre les occupants sans titre, c'est à dire ceux qui n'ont pas d'autorisation ou dont l'autorisation est irrégulière, retirée ou venue à son terme. Autrement dit l'occupation du domaine public a un caractère "précaire et révocable", l'occupant sans titre est celui qui n'a jamais été bénéficiare d'une permission ou d'un contrat ou dont le titre est venu à expiration. Le non-renouvellement ne donne lieu à aucune indemnité.
L'occupant sans titre, constituant dans la plupart des cas une infraction pénale, il appartient à l'administration de déclencher les poursuites en s'adressant au juge administratif, compétent pour trancher de l'occupation sans titre du domaine public.
Alors pour faire cesser les atteintes au domaine public, l'administration qui ne peut, en principe, se faire justice elle-même, doit se tourner vers le juge, sauf s'il ya urgence et recours à l'expulsion d'office.
La procédure d'exécution d'office permet à l'administration d'appliquer une décision sans recourir au juge. Une telle action est rare car elle suppose des conditions difficiles à réunir, selon les principes dégagés par le tribunal des conflits dans la célèbre affaire TC, 1902, Sté Immobilière de Saint just.
Ces conditions sont :
- qu'aucune sanction pénale n'existe ;
- il y a urgence (or il existe la possiblité d'agir de référé conservatoire en cas d'urgence et d'utilité ou le référé-liberté) ;
- un texte législatif spécial a habilité l'administration à intervenir.
L'action en référé mérite quelques précisions. L'autorité gestionnaire à la possibilité de recourir à la procédure de référé mesures utiles (L 521-3 Code Justice Administrative), à condition qu'il soit fait état de l'urgence et de l'utilité de l'expulsion et de l'absence de contestation sérieuse de la part du futur expulsé (CE, 2003, Icomatex). La question s'est posée de savoir si le référé-liberté (L 531-2 CJA) pouvait être mis en oeuvre. Dans un arrêt, le Conseil d'Etat, a retenu que le référé-liberté suppose l'atteinte à une liberté fondamentale. En l'espèce, mise en oeuvre impossible d'une telle procédure en l'absence de liberté fondamentale dans l'appréciation de l'expulsion.
Néanmoins en ayant recours à l'exécution d'office, l'administration court le risque de se voir accusée par l'occupant irrégulier d'avoir commis une voie de fait, ce qui peut conduire à une action devant le juge judiciaire.
En effet, si une personne publique excédée par une occupation irrégulière manifeste, commet l'erreur d'intervenir sans respecter les conditions de l'expulsion d'offcie, elle porte atteinte à l'inviolabilité du domicile privé, c'est à dire à la liberté individuelle, ce comportement constitue une voie de fait dont seule la juridiction judiciaire peut connaître (CA, 1990, Paris).
Le Conseil d'Etat a tenu à faire le point sur une telle action en estimant que l'expulsion d'office du domaine ne porte pas attteinte à une liberté individuelle ou à la propirété privée et qu'il ne peut, en principe, y avoir voie de fait. Le plus souvent l'attitude irrégulère de l'administration sera qualifiée seulement de faute (CE, 1961, Dame Klein)
Il n'y a voie de fait que si le comportement de l'administration est particulièrement brutal : destruction de biens personnels appartenant à une association (CAA, 1990, Sylvestre).
Dans l'intérêt d'une meilleure affectation possible de son domaine public, et afin de de retrouver la libre disposition de celui-ci, l'administration dispose encore d'une action spécifique à la protection de son domaine public, qui autorise l'administration après mise en demeure à présenter au juge administratif une demande d'expulsion. Encore faut-il que la mesure d'expulsion ne s'affranchisse pas grossièrement des règles comme ce fut le cas, unique en son genre du comportement d'un préfet dans l'affaire peu glorieuse de la paillotte "Chez Francis".
Dans cette saga judiciaire, l'admnistration, se décidant à abandonner une trop longue tolérance, cherche à mettre fin à l'installation irégulière de ce restaurant sur le domaine public maritime de la Corse. Suite à de nombreux procès verbaux, le Tribunal administratif de Bastia condamne l'exploitant pour contravention de grande voirié et ordonne l'évacuation des lieux. Dans la nuit du 19 au 20 avril 1999, la paillotte est irrégulièrement et maladroitement incendiée par des gendarmes, à la demande du préfet.
Devant le juge répressif, la préfet est condamné à de la prison ferme. La Cour de cassation estime que le préfet a commis une faute personnelle, les gendarmes ont commis quant à eux des fautes non détachables du service dont seul le juge administratif aura à connaître. Occupant sant titre, l'exploitant ne pouvait revendiquer aucun droit de propriété sur ses installations. Devant le juge administratif, il est précisé que l'occupation illégale du domaine public ne confère aucun droit et que la destruction d'un bien irrégulièrement implanté ne saurait être indemnisé (CAA, 2005, Compagnie AXA).