Le Tour d’échelle : Référé et Troubles anormaux du voisinage
1) Définition :
Le tour d’échelle est le droit d’installer, sur le terrain voisin, des échelles ou échafaudages pour réaliser les travaux nécessaires. En cas de refus sans motif sérieux du voisin, le maître d’ouvrage peut obtenir en justice une autorisation temporaire de passage.
Cette servitude n’a pas de fondement légal. Elle ne peut avoir qu’un fondement contractuel : il faut qu’elle ait été expressément stipulée par les parties pour exister. La servitude conventionnelle crée un véritable droit, attaché à l’immeuble.
2) Plusieurs solutions s’offrent au demandeur :
Aucun accord amiable n’est possible. Par conséquent, le maitre d’ouvrage peut se tourner vers le juge (Tribunal de Grande Instance du lieu de l’immeuble) pour obtenir une autorisation temporaire de passage et d’installation d’échelles et d’échafaudages. Il s’agit alors d’exercer un référé (A). D’un autre côté, on peut aussi obtenir des dommages et intérêts pour troubles anormaux du voisinage causés notamment par le refus du voisin de laisser cette autorisation, le refus du voisin de coopérer, par son agressivité etc. (B).
A) Déroulement du référé :
Lors de ce type de procédure, les parties sont admises à se présenter en personne. Elles peuvent également se faire assister ou représenter par un tiers. Devant le Tribunal de Grande Instance, seul un avocat peut représenter les parties.
Le Juge des référés a le pouvoir d’assortir d’une astreinte la décision prononcée (article 491 du nouveau Code de procédure civile). Il statue également sur les dépens de l’instance.
La décision en référé fait l’objet d’une exécution immédiate. En ce qui concerne les voies de recours, l’ordonnance de référé peut être frappée d’appel à moins qu’elle n’émane du premier Président de la Cour d’appel ou qu’elle n’ait été rendue en dernier ressort en raison du montant ou de l’objet de la demande. Le délai d’appel est de 15 jours à partir de la notification de l’ordonnance (article 490 du nouveau Code de procédure civile).
=== Exigences de la jurisprudence :
- Le tour d’échelle ne peut en principe s’appliquer que pour des travaux portant sur un ouvrage existant et non pour l’édification d’ouvrages neufs.
- Les travaux envisagés doivent être nécessaires, indispensables.
- Le voisin ne doit pas subir une « sujétion intolérable et excessive » du fait de l’exercice du tour d’échelle.
- Les travaux ne doivent pas être réalisables autrement qu’en passant sur le terrain voisin. L’autorisation ne sera pas délivrée si les travaux sont possibles de chez soi mais plus onéreux.
- La durée de l’occupation et l’espace concerné doivent être aussi limités que possible.
Il faut savoir que les éventuels préjudices causés au voisin doivent être indemnisés.
En général, le juge des référés saisi par le maître d’ouvrage procède à une évaluation provisoire de l’indemnité due au voisin, tenant compte du trouble de jouissance lié au chantier et des éventuelles détériorations. Une fois les travaux achevés, l’indemnisation pourra être définitivement évaluée.
B) Action en dommages et intérêts pour troubles anormaux du voisinage :
Base juridique = Articles 544, 1382 et 1383 du Code civil.
Le voisin qui refuse, sans motif sérieux, le passage sur son terrain pour procéder à des travaux nécessaires, commet un abus de droit constitutif d’une faute. Certains tribunaux voient dans une telle attitude un trouble anormal du voisinage : cela peut entrainer la condamnation à verser des dommages et intérêts.
Le recours judiciaire en cas de trouble de voisinage peut être engagé sur le terrain civil comme sur le terrain pénal selon la nature du trouble invoqué.
Pour la voie civile, c’est devant le Tribunal d’instance du ressort de votre domicile qu’il faut agir et le ministère d’avocat est obligatoire. Il faut demander la cessation du trouble et des dommages et intérêts pour troubles de jouissance.
Selon la jurisprudence majoritaire, la responsabilité pour troubles du voisinage est une responsabilité sans faute prouvée. Cela signifie qu’un trouble anormal de voisinage suffit, indépendamment de toute faute, pour engager la responsabilité de son auteur. Sur le plan de la technique juridique, cela a pour conséquence, d’une part de dispenser le demandeur d’apporter la preuve d’une faute imputable au défendeur et, d’autre part d’interdire au défendeur d’invoquer une absence de faute pour s’exonérer de sa responsabilité.
En fait, le juge considère qu’il existe une condition pour que l’action soit recevable : il faut que les troubles de voisinage invoqués excèdent les inconvénients normaux du voisinage, c'est-à-dire une limite fixée par le juge lui-même au-delà de laquelle le trouble n’est plus normal.
Selon le Droit de la responsabilité, le dommage susceptible d’être indemnisé à ce titre doit être personnel et direct. Le demandeur doit apporter la preuve que le préjudice qu’il subit a un lien direct avec le désagrément invoqué. Par conséquent, le demandeur ne peut obtenir des dommages et intérêts que pour le trouble de voisinage qu’il a personnellement subi. Dans certains cas, le juge ordonne à l’auteur du trouble de mettre en œuvre toutes les mesures ou travaux permettant de mettre fin au trouble : cette condamnation peut être assortie d’une astreinte, c'est-à-dire d’une pénalité par jour de retard dans l’exécution de la condamnation. Le juge décide au cas par cas.
Quand le trouble du voisinage est constaté, le juge ordonne au défendeur de verser une juste et adéquate compensation au demandeur rétablissant ainsi l’égalité rompue. A noter que lorsqu’il y existe une faute non contestée, une action se basant sur le droit commun de la responsabilité pourrait être préférable puisqu’elle permet une réparation intégrale du dommage (article 1382 ; 1383 du Code civil) alors que l’action se basant sur le droit de propriété (article 544 du Code civil) ne permet d’obtenir qu’une indemnité compensatoire uniquement pour les troubles excédant les inconvénients ordinaires.