Du bon usage de la retenue de garantie dans les marchés privés de travaux.

Publié le Modifié le 23/05/2016 Vu 6 474 fois 1
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Les marchés privés de travaux prévoient le plus souvent une retenue de garantie afin de s'assurer de la levée conforme des réserves du chantier. Ce mécanisme est soumis à des prescriptions réglementaires et un apport jurisprudentiel très important.

Les marchés privés de travaux prévoient le plus souvent une retenue de garantie afin de s'assurer de la lev

Du bon usage de la retenue de garantie dans les marchés privés de travaux.

~~Dans le cadre des marchés privés de travaux régis par l’article 1779 3° du Code civil, le maître de l’ouvrage peut prévoir que l’entrepreneur impute au maximum - ce pourcentage étant devenu la norme - 5% du montant de ses travaux, à titre de retenue de garantie. La loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 réglemente ce mécanisme, ses dispositions sont d’ordre public.
La retenue de garantie présente les caractéristiques suivantes :
• La retenue de garantie est facultative
S’agissant d’un mécanisme facultatif, le marché doit nécessairement la prévoir. A défaut, elle ne peut être réclamée par le maître de l’ouvrage. En revanche, s’il est fait référence dans le marché à la norme NFP 03-001 - CCAG habituellement appliqué aux marchés privés de travaux - elle devra être appliquée par l’entrepreneur, sauf à ce que "le cahier des clauses administratives particulières n’en dispose autrement" (art.20.5 de la norme NFP 03-001 de décembre 2000). À ce titre, les conventions doivent se référer de façon non équivoque à ladite norme, au risque de ne pouvoir l’invoquer au profit, alors, des seules dispositions afférentes du Code civil [1].
• La retenue de garantie a pour unique objet de garantir la levée des réserves du marché réceptionné
Conformément à la lettre de la loi du 16 juillet 1971, seules les conséquences tenant à la levée des réserves actées lors de la réception des travaux - et donc inscrites au procès-verbal de réception - sont couvertes par la retenue de garantie [2]. Ensuite, l’application « temporelle » de ce mécanisme est limitée : la retenue de garantie ne peut être appelée que dans l’année de la réception, qui est un évènement unique [3]. Ainsi, faute de préciser en détail les éventuelles réserves, elle n’aura pas vocation à jouer. En définitive, elle ne peut, de toute évidence, ni intervenir avant réception ni après l’expiration du délai d’un an à compter de ladite réception, et uniquement pour les seules réserves mentionnées au procès-verbal de réception. Cette conception « stricte » appliquée au régime de la retenue de garantie a récemment été rappelée par la Haute juridiction [4].
Les mécanismes tenant à la constitution de la retenue de garantie :
• La retenue de garantie peut être consignée auprès d’un tiers
Tout d’abord, l’article 1 alinéa 2 de la loi du 16 juillet 1971 dispose que le maître de l’ouvrage doit consigner le montant de la retenue de garantie auprès d’un tiers accepté par les deux parties ou désigné par le tribunal de grande instance ou le tribunal de commerce. De pratique personnelle, une telle situation est plutôt rare.
• La retenue de garantie peut prendre la forme d’une caution bancaire
A défaut, l’article 1, alinéa 4 de ladite loi permet à l’entrepreneur de souscrire directement une caution bancaire du montant de la retenue de garantie. L’établissement bancaire lui transmet alors une attestation avec le montant garanti, dont l’original est remis au maître de l’ouvrage.
• Création de la pratique : l’absence de consignation par le maître de l’ouvrage.
Dans les faits, l’entrepreneur présente traditionnellement ses situations au maître d’ouvrage, en déduisant le pourcentage correspondant à la retenue de garantie. Cependant, il n’est pas rare que le maître de l’ouvrage ne consigne pas ces sommes.
L’opposition à la libération de la retenue de garantie ou de la caution bancaire :
Au terme de l’article 2 de la loi du 16 juillet 1971, le maître de l’ouvrage doit s’opposer à la restitution de la retenue de garantie à l’entrepreneur par lettre recommandée AR à l’exclusion de tout autre moyen, adressée, soit au tiers consignataire, soit à l’établissement bancaire, dans un délai d’une année à compter de la réception des travaux. Aucune opposition ultérieure n’est possible. La retenue de garantie reviendrait alors à l’entrepreneur, même en l’absence de mainlevée [5].
En revanche, lorsque la retenue de garantie n’a pas été consignée auprès d’un tiers, mais a été conservée par le maître de l’ouvrage, ce dernier n’a aucun moyen de s’opposer à la restitution de cette somme à l’entrepreneur. Peu importe qu’il ait adressé à l’entrepreneur un courrier recommandé AR justifiant son éventuelle opposition. En effet, cette pratique n’étant pas prévue par la loi, la Cour de cassation dénie au maître de l’ouvrage le bénéfice des dispositions relatives à la retenue de garantie. La restitution à l’entrepreneur des sommes correspondant à la retenue de garantie non consignée est alors obligatoire, « nonobstant l’absence de levée des réserves » [6].
Notes :
[1] CA PARIS, Pôle 4, Chambre 5, 21 octobre 2015, - n°14/07243.
[2] Sur la nécessité d’une véritable réception : Cassation civ.3e, 13 avril 2010, pourvoi : 09-11.172, publié au bulletin.
[3] Sur le caractère unique de la réception : CA Paris, Pôle 4, Chambre 5, 23 mars 2016, RG : 14/09855. A ne pas confondre avec la possibilité de procéder par réceptions partielles : Cassation, civ.3e, 16 novembre 2010, pourvoi :10-10.828.
[4] Cassation, civ.3e, 7 avril 2016, pourvoi : 15-12.573 ; Cassation civ.3e, 13 avril 2010, pourvoi 09-11.172, publié au bulletin ; CA Aix-en-Provence, 3e chambre A, 03 juillet 2014, RG : 13/14436.
[5] CA Bordeaux, 1e chambre civile, Section A, 28 mars 2013, RG : 11/03498.
[6] Cassation civ.3e, 18 décembre 2013, pourvoi : 12-29.472, publié au bulletin

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

1 Publié par Visiteur
22/11/2018 20:25

Bonjour Une entreprise nous réclame le paiement d'une retenue de garantie que nous n'aurions possiblement pas payée il y a 9 ans et demi. Selon le code du commerce, il y a prescription (Article L110-4), que nous ayons réellement payé ou non. Pourriez-vous nous renseigner? merci Joan

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

A propos de l'auteur
Blog de Pierre de Plater

Bienvenue sur le blog de Pierre de Plater

Dates de publications
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles