Le Conseil d'Etat (re)définit les zones humides

Publié le 13/04/2017 Vu 1 992 fois 0
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Par une décision remarquable, le Conseil d'Etat livre une nouvelle définition des zones humides avec végétation.

Par une décision remarquable, le Conseil d'Etat livre une nouvelle définition des zones humides avec végét

Le Conseil d'Etat (re)définit les zones humides

~~Le Conseil d’Etat redéfinit la zone humide  (CE, 22 février 2017, Préfet de Meurthe-et-Moselle, n°386325, aux Tables)


Un propriétaire du Grand Est a procédé sur plusieurs années à des travaux irréguliers de création d’un plan d’eau de 2,5 hectares. En 2012 ce dernier a décidé de régulariser cette situation en procédant à une déclaration à laquelle l’Etat s’oppose aux motifs tirés de l’atteinte portée à une zone humide et à la destruction de l’habitat d’espèces protégées.

Saisi d’un recours en annulation formé à l’encontre de cette opposition, Tribunal administratif de Nancy, rejette par neutralisation de motif la demande d’annulation en considérant que le seul motif de destruction de l’habitat d’espèces protégées était suffisant pour fonder la décision sans avoir à examiner le motif tiré de l’atteinte portée à une zone humide.

Pour mémoire, depuis l’arrêt d’Assemblée « Ministre de l’Economie c. Dame Perrot » (CE, Ass, 12 janvier 1968, n°70951, au Recueil), le juge administratif recherche, lorsqu’une décision repose sur plusieurs motifs qui ont tous été pris en compte au moment de l’édiction de l’acte, en fonction des éléments du dossier si l’administration aurait pris la même décision en ne retenant que les motifs valables.

A l’inverse du Tribunal administratif de Nancy, la Cour administrative de Nancy a considéré en appel que le terrain d’assiette du plan d’eau réalisé était constitutif d’une zone humide sans examiner le motif tiré de ce que la création du plan d’eau portait atteinte à l’habitat d’espèces protégées.

La question de l’existence ou non d’une zone humide sur le terrain d’assiette des travaux était donc au centre de l’argumentaire du propriétaire au cours de son pourvoi en cassation.

Les juges du Palais Royal, se plongeant dans les travaux préparatoires de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992, ont alors dégagé de l’article L. 211-1 selon lequel : « on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année » qu’ « une zone humide ne peut être caractérisée, lorsque de la végétation y existe, que par la présence simultanée de sols habituellement inondés ou gorgés d’eau et , pendant au moins une partie de l’année, de plantes hygrophiles ».

Pour le Conseil d’Etat les critères de qualification d’une zone humide en présence de végétation sont cumulatifs (à noter que le Conseil d’Etat n’avait jamais eu à se prononcer sur cette question).

En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Nancy avait considéré que le terrain d’assiette du plan d’eau était constitutif dans sa totalité d’une zone humide en retenant que les études produites avaient mis en évidence la présence de sols fortement hydromorphes (sol montrant des marques physiques de saturation en eau régulière) sans prendre en compte la présence d’arbres ne présentant pas un caractère hygrophile (ce qui qualifie des végétaux ayant d’énormes besoin en eau) tout en ne recherchant pas si d’autres types de végétaux étaient présents.

En conséquence, le Conseil d’Etat censure pour erreur de droit l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy et lui renvoie le soin de rechercher si des végétaux hygrophiles sont présents sur le site du plan d’eau litigieux.

En résumé, en présence de végétation, il convient à la fois de caractériser l’existence de sols hygromorphes et de plantes hygrophiles pour aboutir à la qualification de zone humide. L’application de cet arrêt conduit à première vue à une réduction des surfaces qualifiées actuellement de zones humides.

En effet, si la présence de plantes hygrophiles traduit potentiellement la nature hydromorphe du sol, l’inverse n’est pas toujours pertinent dès lors que le sol en question peut faire l’objet d’une exploitation (parcelles cultivées, prairies artificielles, pose d’un drain…) sans présenter un caractère hygromorphe. Ainsi, cet arrêt peut amener à réétudier la qualification de zones humides de certaines zones agricoles.

A noter que l’arrêté du 24 juin 2008 qui précise les critères de définition des zones humides délivrait une interprétation complètement différente des textes (« une zone est considérée comme humide si elle présente l'un des critères suivants ») et ce par un empiètement que relève le Conseil d’Etat au moyen des travaux préparatoires de la loi du 3 janvier 1992. On peut raisonnablement s’attendre à l’intervention d’un nouvel arrêté dans les mois à venir, voire à un nouveau décret modifiant les articles R. 211-108 et suivants du Code de l’environnement. A cet égard la jurisprudence antérieure rendue par les juridictions du fond, qui prenait en compte la rédaction de ces textes réglementaires, est désormais abjurée.

Au-delà, cet arrêt conditionnera à l’avenir l’exercice du pouvoir de police IOTA par les services instructeurs.

Cette décision est favorable aux maîtres d’ouvrage dès lors que la surface des zones humides va être réduite.

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