La réforme de l'intérêt à agir en matière d'urbanisme - Précisions

Publié le Modifié le 15/06/2015 Vu 2 873 fois 0
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Par une décision du 10 juin 2015, le Conseil d'Etat précise l'application de l'article L.600-1-2 du Code de l'urbanisme.

Par une décision du 10 juin 2015, le Conseil d'Etat précise l'application de l'article L.600-1-2 du Code de

La réforme de l'intérêt à agir en matière d'urbanisme - Précisions

Par une décision du 10 juin 2015 (CE, 10 juin 2015, M. Brodelle, n°386121, au Recueil), le Conseil d'Etat livre une interprétation conciliatrice de l'article L.600-1-2 du Code de l'urbanisme avec l'administration de la preuve de la recevabilité en matière d'excès de pouvoir. 

Depuis la réforme du contentieux de l'urbanisme opérée par l'ordonnance n°2013-638 à la suite du rapport Labetoulle, il n'est plus si aisé pour un requérant de se voir reconnaître un intérêt à agir à l'encontre d'une autorisation d'urbanisme dont il demande l'annulation. 

En effet, en raison de l'entrée en vigueur de l'article L.600-1-2 du Code de l'urbanisme, le requérant, à la différence de certains requérants privilégiés, doit démontrer que la construction l'affecte directement dans ses conditions de jouissance du bien. 

Néanmoins, malgré la complexification du contentieux de l'annulation en matière d'urbanisme, celui-ci relève toujours du contentieux de l'excès de pouvoir. 

C'est ainsi qu'à l'occasion de la décision commentée le Conseil d'Etat élabore une extension de son arrêt Cordière (CE, 26 novembre 2012, Cordière, n°354108). Dans cet arrêt classé en A, le Conseil d'Etat avait précisé qu'il appartenait au juge de l'excès de pouvoir :

"de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties ; que s'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance ;".

En l'espèce, la haute-juridiction a adapté son considérant à la preuve de la recevabilité de la requête en expliquant que:

"il appartient ensuite au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci"

Ainsi la démonstration du caractère direct de l'atteinte ne nécessite pas forcément que le requérant apporte seul la preuve du caractère certain de cette atteinte...

A première lecture, ces considérations laissent perplexe. Elles apparaissent cependant censées et protectrice du droit au recours. 

La jurisprudence relative à l'administration de la preuve en matière d'excès de pouvoir s'est développée de façon bienveillante en faveur du requérant dès lors que celui-ci devait, pour prouver le bien fondé de sa demande, faire état d'éléments qu'il était difficile pour lui de rapporter (voir pour un exemple, CE 19 mars 2006, Mme Audebert, n°276990, Inédit). 

Dans l'affaire commentée, les requérants se plaignaient notamment du fait qu'ils seraient nécessairement exposés à des nuisances sonores du fait du projet autorisé (une station de conversion d'énergie électrique dont l'implantation se situait à environ 700 mètres de leurs habitations) puisque une installation préexistante de même nature située à 1,6 km générait d'ores et déjà des nuisances sonores. Or, le pétitionnaire, comme le relève la décision, s'est borné à affirmer que la technologie utilisée pour le projet ne serait pas comparable à l'installation préexistante sans, semble-t-il, produire d'éléments techniques à l'appui de sa défense. 

Dès lors, en considération de la jurisprudence administrative en matière de preuve dans le contentieux de l'excès de pouvoir et de la nature quasi-populaire de ce recours, il paraissait difficile que le juge exige des requérants, particuliers résidant dans le voisinage de l'installation projetée, la production d'une coûteuse étude accoustique. 

C'est ainsi qu'en l'absence de production en défense d'éléments de nature à démontrer de façon certaine l'absence de nuisances sonores futures émanant de la station de conversion, le Conseil d'Etat a reconnu un intérêt à agir aux requérants. 

Par ailleurs, la décision présente au fond une application de la récente jurisprudence du Conseil d'Etat "Communauté d'Agglomération de Mantes-en-Yvelines" (CE, 25 février 2015, Communauté d'Agglomération de Mantes-en-Yvelines, req n°367335, aux tables, rendues sur les conclusions de X. de Lesquen) selon laquelle l'"obligation de joindre l'étude d'impact au dossier de demande de permis de construire prévue par l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme ne concerne que les cas où l'étude d'impact est exigée en vertu des dispositions du code de l'environnement pour des projets soumis à autorisation en application du code de l'urbanisme" (pour un commentaire de cette décision voir notamment D.Deharbe "ICPE autorisée : un dossier de permis de construire sans étude d'impact") . 

Indépendance des législations oblige, la station de conversion ne devait, au vu de la décision, pas être couverte par les rubriques de la nomenclature étude d'impact concernant les opérations d'urbanisme soumises à permis de construire. Dès lors, le Conseil d'Etat a considéré que l'étude d'impact du projet n'avait pas à figurer dans le dossier de demande de permis de construire. 

Pierre-Edouard Szymanski

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