La société Margo Cinéma, bénéficiaire d'un visa d'exploitation pour le film documentatire "Salafistes" réalisé par François Margolin et Ould Salem, avait formé un recours contre ledit visa en tant que ce dernier était assorti d'une interdiction aux mineurs de 18 ans et non aux seuls mineurs de 16 ans.
En effet, il est possible au ministre de la culture, lorsque ce dernier agit dans le cadre de l'exercice de la police spéciale du cinéma, d'imposer des restrictions à la diffusion d'un film qui comporterait des scènes de très grande violence (article R. 211-12 du Code du cinéma et de l'image animée). *
En l'espèce, le ministre de la culture avait restreint la diffusion de ce film en considérant que ce documentaire, donnant exclusivement la parole à des responsables salafistes, ne permettait pas explicitement de faire la critique des discours violemment anti-occidentaux, anti-démocratiques et d'appel au meurtre.
Chagrinée par cette limitation, la société Margo Cinéma introduisit un référé-suspension contre cette décision mais uniquement en tant que cette dernière interdisait aux mineurs de 18 ans.
Concernant la condition d'urgence, cette dernière fit la démontration que les projections programmées de cette oeuvre en milieu scolaire dans un but pédagogique furent annulées et que sur les 25 cinémas initialement intéressés par une programmation, seulement quatre procédèrent à son exploitation.
À ceci, le ministre de la culture opposait l'intérêt public visant à protéger les mineurs fragiles.
Il est intéressant de remarquer que le juge des référés regarde la condition d'urgence comme remplie "compte tenu de l'intérêt s'attachant, dans le souci de l'accès et du droit à l'information, à un plus large accès du public à la représentation du film documentaire "Salafistes".
Il peut sembler étrange que cet intérêt puisse apparaître dans l'examen de la condition d'urgence dès lors que c'est spécifiquement "le film documentaire Salafistes" qui est visé et non l'intérêt qui s'attache à l'accès d'un documentaire.
La lecture du jugement laisse entrevoir, à notre sens, une filiation de ces considérations avec le courant jurisprudentiel, contestable, selon lequel le doute sérieux sur la légalité de la décision peut participer à la démonstration de l'urgence.
Pierre-Edouard Szymansk
Avocat au Barreau de Paris
Référence : TA de Paris, Ordonnance, 18 février 2016, société Margo Cinéma, n°1601822/9.