Une décision courte et nette a été rendue il y a 10 jours par le Conseil Constitutionnel à propos de l’état d’urgence et des règles afférentes aux perquisitions administratives.
Tout juriste devrait lire cette décision pour comprendre comment fonctionne notre démocratie dans le cadre de l’état d’urgence -Décision n° 2016-567/568 QPC du 23 septembre 2016-.
1)Le C.C rappelle que l’état d’urgence est autorisé et il en donne une définition : L'état d'urgence peut être déclaré, en vertu de l'article 1er de la loi du 3 avril 1955, « soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ».
Rappelons que a) l’état d’urgence peut porter atteinte aux libertés fondamentales mais b) proportionnellement au but poursuivi qui est la sauvegarde de l’ordre public ou de la Nation. Un équilibre doit être trouvé par la mise en place de « garanties » limitant les possibilités de porter atteinte aux libertés fondamentales.
2) Notre loi d’état d’urgence n’offre aucune « garantie » (« garanties » est un terme utilisé par les juges du Conseil Constitutionnel), c’est pourquoi les dispositions de la loi sur les perquisitions ont été censurées ce 23 septembre 2016. En effet les autorités pouvaient perquisitionnées un domicile de n’importe quelle personne sans aucune justification ce qui est un acte grave puisque le C.C rappelle que l’inviolabilité du domicile est protégée par l’article 2 de DDHC (L’article 2 est un des articles les plus importants puisqu’il fait références aux 4 droits imprescriptibles de l’Homme).
3) Les garanties envisagées équivalent à demander préalablement au juge administratif une autorisation justifiée par la nécessité d’intervenir pour prévenir le trouble à l’ordre public.
C’est déjà le sens des garanties que le législateur a ordonné pour l’exploitation des données personnelles.
4) Il s’ensuit que le juge administratif a un rôle majeur dans le cadre de l’état d’urgence car c’est par lui que toutes les demandes préalables passeront. Il devra juger de la nécessité par l’examen des motifs de la mise en œuvre des mesures de l’état d’urgence. Il sera en quelque sorte « le filtre de la mise en œuvre de l’état d’urgence» (proposition de formule).
Il semble que ces « garanties » devront être étendues à toutes les mesures de l’état d’urgence.
5) Conclusion : Un état d’urgence ? Oui, mais « un état d’urgence sous garanties ».
Des actions portant atteinte aux libertés ? Oui, mais des actions motivées.
Motivées auprès de qui et par quoi ? Auprès du juge administratif filtrant la mise en œuvre de l’état d’urgence par le contrôle des éléments prouvant la nécessité de prévenir le trouble à l’ordre public.
D’un point de vue pratique l’avocat devra se demander si a) le juge administratif a été préalablement saisi et b) s’il a exercé un contrôle des motifs démontrant une menace à l’ordre public.