Détention provisoire et délai raisonnable (Crim. 2 sept. 2009 et CEDH 23 févr. 2007, Cretello c/ France)

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Détention provisoire et délai raisonnable (Crim. 2 sept. 2009 et CEDH 23 févr. 2007, Cretello c/ France)

Aujourd'hui, nous allons nous pencher sur un arrêt rendu le 2 septembre 2009 par la Chambre criminelle, qui est le parfait exemple d'une application de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme.

Dans cette affaire, une personne suspectée d'association de malfaiteurs en vue de perpétrer des actes de terrorisme avait été placée en détention provisoire en 2003.

L'instruction dura de 2003 à 2007.

En 2007, il fut décidé de le renvoyer devant la Cour d'assises spéciale de Paris, compétente pour juger ce genre d'infractions.

Or, l’encombrement du rôle n’ayant pas permis de faire comparaître le requérant dans le délai d’un an prévu par l’article 181, al. 8, du Code de procédure pénale, le Procureur général près la Cour d’appel de Paris en 2008 la chambre de l’instruction d’une requête afin de prolonger la détention provisoire.

La Chambre de l’instruction, par un arrêt du 14 novembre 2008, fit droit à cette demande, sur le fondement de l’article 181, al. 9.

Une nouvelle prolongation fut ordonnée par un arrêt du 22 mai 2009, rendu par la Cour d’appel de Paris.

Par un arrêt du 2 septembre 2009, la Cour de cassation annula l’arrêt du 22 mai 2009, au motif que la Chambre de l’instruction « ne pouvait justifier la mesure de prolongation de la détention exceptionnel par les difficultés récurrentes de fonctionnement de la juridiction » et en ce qu’elle n’avait pas recherché si « les autorités compétentes avaient apporté une diligence particulière à la poursuite de la procédure ».

Par un arrêt Cretello contre France du 23 février 2007 (req. N°2078/04), la Cour Européenne rappelle les exigences découlant de la Convention :

« Il appartient aux autorités judiciaires nationales de veiller à ce que, dans un cas donné, la durée de la détention provisoire (…) ne dépasse pas la limite du raisonnable. (…) La Cour recherche de surcroit si les autorités nationales compétences ont apporté une diligence particulière à la poursuite de la procédure (…) S’agissant enfin de la période s’étant écoulée entre l’arrêt de mise en accusation et celui de la cour d’assises, la chambre de l’instruction indique que la longueur de la détention provisoire du requérant a tenu notamment à l’encombrement des sessions d’assises. La Cour rappelle qu’il incombe aux Etats d’agencer leur système judiciaire de manière à permettre à leurs tribunaux de répondre aux exigences de l’article 5 »

Ainsi, l’autorité judiciaire doit donc contrôler deux éléments, à savoir la durée globale de la détention et les diligences effectuées. L’Etat, quant à lui, à la charge d’organiser un système judiciaire répondant aux exigences du délai raisonnable.

Sur la durée de la détention, il convient de noter que la Chambre de l’instruction l’a estimée raisonnable compte tenu du silence observé par les personnes mises en cause, ce qui avait rendu nécessaire des investigations dont la durée a rallongé l’instruction. Toutefois, elle ne s’est jamais expliquée sur la durée globale de la détention.

Par ailleurs, la Chambre de l’instruction n’a pas contrôlé les diligences effectuées : elle se contente d’indiquer que l’instruction a été longue à cause de l’attitude de l’accusé. Comme celui-ci bénéficie du droit de ne pas s’auto-incriminer, son attitude ne peut être retenue comme motivation valable.

Enfin, la chambre de l’instruction a tenu pour acquis le fait que le rôle était encombré et que le délai maximum de jugement prévu par la loi française, à savoir deux ans, était conforme à la CEDH. Or, comme il a été vu, la Cour Européenne fait peser sur l’Etat la charge d’un système judiciaire respectant le délai raisonnable. L’encombrement, à l’instar de la décision Cretello, ne peut donc pas constituer une cause d’exonération.

L’examen apparaîssait donc incomplet sur ces points.

La Chambre criminelle, en application directe du prisme d’analyse de la Cour Européenne, a donc censuré la décision déférée.

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Pierre Lebriquir
Avocat au barreau de Paris
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