I. L'accueil
Alors même que les préfectures sont censées appliquer une loi qui est la même pour tous, aucune procédure d'accueil n'est identique.
Dans certains cas, comme à Paris, il faut se lever très tôt, et arriver dès six heures du matin pour faire la queue devant la préfecture, alors même que les bureaux n'ouvrent qu'à neuf heures. Ce constat n'est pas nouveau. Déjà en 2008, la Cimade, association reconnue en matière d'accompagnement des étrangers, soulignait l'existence de « files d'attentes interminables » devant les préfectures et le fait que « les personnes doivent se présenter toujours plus tôt » pour accéder au guichet (Rapport Devant la loi).
Dans d'autres cas, comme à Créteil, il faut prendre rendez-vous via un formulaire internet. Du moins essayer. Car très souvent, il faut essayer plusieurs par jour pendant un mois pour tenter d'obtenir une plage horaire enfin disponible.
Il y a aussi de mauvaises surprises. Par exemple, le centre de réception des étrangers du 17ème arrondissement de Paris a déménagé début janvier 2012. Pourtant, à ce jour, aucune information sur la nouvelle adresse n'a été divulguée, et l'ancienne adresse continue d'être indiquée sur le site internet de la préfecture de Paris. Tout ceci ne favorise pas l'accès aux services publics à des personnes qui sont par définition vulnérables.
L'impression d'ensemble est donc plus que médiocre. L'étranger ne semble pas être accueilli à bras ouverts, bien au contraire.
II. Le dépôt du dossier
Une fois la porte de la préfecture franchie, l'étranger doit faire face à de nouvelles difficultés.
Bien entendu, il ne faut pas oublier de prendre un ticket, sans quoi les autres personnes, tout aussi mécontentes que vous d'avoir attendu debout des heures, vous passeront devant. Si le préfet est le gardien de l'ordre public, en ses lieux la civilité ne règne pas en maître, reflet de l'inquiétude des candidats au passe-droit républicain.
Une fois appelé par les fonctionnaires à un guichet d'accueil, l'examen des pièces nécessaires à la demande de titre de séjour commence. A ce stade, un problème fondamental se pose. Les listes de pièces à fournir ne sont pas établies au niveau national mais par chaque préfecture, privilégiant parfois des preuves récentes de la présence de la personne sur le territoire, parfois une typologie bien précise de documents, comme des factures EDF... Comme le note la Cimade dans son rapport, sont demandés « des documents qui ne sont pas légalement exigibles. Ces pratiques abusives constituent des obstacles supplémentaires pour le demandeur et démontrent que certaines préfectures ne se contentent pas seulement de vérifier les conditions prévues par la loi. De façon abusive, elles prennent également en compte d’autres considérations. » L'accès au titre de séjour ne répond donc pas à des conditions uniformes sur l'ensemble du territoire français, et ne répond pas nécessairement de conditions posées par la loi.
Au-delà de cela, certains agents refusent purement et simplement d'examiner les pièces. D'autres les examinent, mais trouvent toujours une lacune, quitte à piétiner les exigences posées par la loi. Certains indiquent que les documents produits ne sont pas « probants », sans que l'on comprenne pourquoi. D'autres quittent leur guichet, après avoir étudié les documents, et vont consulter des collègues ; quand ils reviennent, ils expliquent qu'ils ne vont pas prendre le dossier puisque, par exemple, certains documents indiquent une adresse alors que le requérant habite aujourd'hui à une autre adresse. Cette condition, sortie de nulle part, prive l'étranger de la possibilité de déposer son dossier.
De plus, comme le note Florence Moreau, le tout est « répété sur un ton souvent détaché, pas toujours aimable. Froid. Bureaucratique. Donnant « l'impression d'être en faute »» (Sud Ouest, mardi 18 octobre 2011).
Ainsi, sauf cas exceptionnel, il faut se déplacer à plusieurs reprises pour déposer un dossier complet, car évidemment, dans certaines préfectures, il n'est pas possible de laisser l'ensemble des documents présentés et de venir ultérieurement le compléter avec la pièce manquante. Il faut de nouveau braver les épreuves du rendez-vous etl'attente de six heures du matin.
III. La délivrance d'un récépissé
Le principe posé par le code de l'entrée et du séjour des étrangers est simple : l’étranger qui dépose une première demande de titre de séjour ou un renouvellement de celui-ci se voit remettre un récépissé par la préfecture. Ce document le régularise pendant l’instruction de sa demande de titre de séjour, et a une durée minimale d'un mois.
Cependant, certaines préfectures, comme l'Hay-les-Roses, n'en délivrent pas, d'une manière complètement illégale. Les demandeurs de titres se retrouvent en situation irrégulière sur le territoire français, dans l'attente d'une réponse à leur demande, alors qu'ils ne devraient pas l'être. En outre, malgré cette irrégularité flagrante, certains agents sont capables de répondre à l'avocat surpris : « Je sais qu'on doit en donner, mais ici, on n'en donne pas ».
Lorsque la personne étrangère a réussi à obtenir ce titre provisoire, il est important de préciser qu'il lui appartient également de demander son renouvellement devant cette même préfecture. Autrement dit, l'étranger devra de nouveau se rendre à la préfecture, et cela avant l'expiration de son autorisation provisoire, alors même que la délivrance définitive d'un titre de séjour est toujours en attente d'instruction de la part de la préfecture.
IV. Les délais d'instruction de la demande
D'après le ministre de l'intérieur, « la délivrance de plus de deux récépissés pour un même titre de séjour (...) ne devrait rester que très exceptionnelle. » (circulaire du 5 janvier 2012 n°NOR IOCL1200311C)
Autrement dit, lorsqu'un étranger est en attente d'une réponse de la préfecture s'agissant de sa demande de titre de séjour, il ne devrait pas en principe avoir à demander plus de deux récépissés.
De ce fait, comme la durée moyenne d'un récépissé est de trois mois, l'examen de la demande devrait approximativement durer six mois.
Malheureusement, la durée des instructions est de plus en plus longue. Par exemple, à la préfecture de Versailles, des personnes ayant déposé leur dossier en décembre 2010 attendent toujours la décision préfectorale.
Enfin, lorsque les récépissés octroyés ne sont pas assortis de la permission de travailler, cette situation est difficilement tenable économiquement pour les demandeurs.
* *
*
Le droit des étrangers est une matière à part. Il est éminemment politique, interprété à la lumière de circulaires, et non pas de la loi. L'accueil et le traitement des personnes de nationalité étrangère amenées à résider en France est déplorable. Il serait de la responsabilité du nouveau président de la République d'y mettre fin.